Construction navale

Le cotre Concorde des Kerenfors de Roscoff 1875

En 1875, le charpentier de marine de marine de Roscoff Hyacinthe Kerenfors à 60 ans, en véritable innovateur il a déjà construit plusieurs petits yachts et plusieurs péniches pilotes, comme originalité par rapport aux nombreux chantiers de Bretagne, il construit à la mode anglaise, c’est-à-dire des constructions légères et solides particulièrement soignées, bordées à clin et clouées en cuivre.

 

Le chantier a déjà acquis une bonne notoriété il est sur le point d’être repris par ses deux fils Francisque 34 ans et Anselme 25 ans. Le père et ses deux fils sont des amateurs de régates et des coureurs acharnés, ils vont mettre tout leur savoir faire et leur imagination de charpentier dans la construction de leur Concorde. En voici une description détaillée parue dans le journal le yacht du 30 novembre 1878.

Gravure du journal le yacht illustrant cet article, la Concorde est tableau vertical avec un gouvernail extérieur, le mat parait bien haut par rapport aux dimensions données ci-dessous
Gravure du journal le yacht illustrant cet article, la Concorde est tableau vertical avec un gouvernail extérieur, le mat parait bien haut par rapport aux dimensions données ci-dessous

La Concorde

Gréement et voilure

 

La Concorde qui depuis deux obtient tous les succès dans les régates des côtes N-O de Bretagne, est un charmant petit côtre appartenant à M. Kerenfors de Roscoff est construit par lui en 1875. La construction de cette embarcation est excessivement soignée et peut servir de type à tous les amateurs de régates maritimes.

La Concorde est à clins, toute clouée et chevillée en cuivre ; la quille ainsi que l’étrave, l’étambot et les membrures sont en orme, elle est bordée en pin d’Amérique et son plat-bord est en acajou.

Ce bateau est construit pour naviguer dans des parages où la mer est souvent grosse et a obtenu une marche supérieure même par un temps forcé. Son maitre-bau est au milieu, et dans cet endroit la varangue est assez plate, ce qui, joint à ce que la largeur est à peu près au tiers de la longueur de la quille lui donne une grande stabilité et lui permet de bien porter sa toile avec une brise assez fraiche. Ses varangues sont très acculées sur l’avant et surtout sur l’arrière du maitre-bau, ce qui lui permet d’opposer de la résistance à la dérive. Nous avons remarqué dans toutes nos joutes que ce joli canot a fait son parcours dans le même espace de temps que les embarcations de la série de 7 mètres, aussi l’intention de son propriétaire est-elle de demander comme faveur aux régates de l’année prochaine de courir avec la série immédiatement supérieure.

Les dimensions principales de la Concorde sont :

Longueur de quille 5,15m, longueur par le haut d’en dehors de l’étrave en dehors de l’étambot 5,61m. Largeur hors bordé au maitre-bau 1,75m creux sur la carlingue 0,70m. Le poids de son lest est de 500 kilogrammes et je ferai remarquer que ce lest est placé sur l’arrière du maitre bau. Cette remarque pourra peut-être paraitre insignifiante, c’est cependant une question très importante et de laquelle dépendent le plus souvent la marche d’une embarcation ainsi que ses qualités à la mer ; on ne peut guère établir de règle générale à ce sujet, ce sont les formes qui commandent tout.

Le tirant d’eau moyen de la Concorde est de 0,70m.

Jusqu’à présent, elle était voilée en Dandy, mais on vient de lui supprimer son tape-cul et de la gréer en côtre franc, c’est-à-dire brigantine ou grand-voile, trinquette, foc et flèche, elle a aussi une fortune pour le vent arrière.

Voici les dimensions de son mât, de ses vergues et de ses voiles :

Son mât est placé au 2/5 de la longueur totale, il est perpendiculaire à la carlingue et est tenu par un étai et un hauban de chaque côté. Il a 5,65 m de long, le gui a 4,25 m la corne 3,00 m la saillie du bout dehors de l’étrave au clan d’amure de foc est de 2,10 m, la longueur de la vergue de flèche est de 4,25 m.

La grand-voile a 4,05 m de ralingue de mât, 2,90 m d’envergure, 4,10 m de bordure et 6,20 m de chute-arrière.

L’apiquage de la grand-voile est de 45° sur le mât.

La diagonale prise du point de drisse au point d’écoute a 5,50 m.

La trinquette a 4,40 m de draille, 3,90 m de chute arrière et 2,15 m de bordure.

Le foc a 5,20 m de draille, 3,70 m de chute arrière et 2,80 m de bordure.

Assis sur l’avant d’un canot à clin dans leur chantier au fond du port de Roscoff, les deux frères Kerenfors à gauche avec un gilet sombre Francisque et à droite avec un grand chapeau Anselme. Cette photo toujours dans la famille des descendants Kerenfors est intitulée Concorde, vu la taille du canot je ne pense pas que ce soit la Concorde décrite dans l’article du yacht, ce serai plutôt le canot construit en 1898 l’année du décès de Francisque  

Le flèche est triangulaire, la vergue sur laquelle il est lacé sert de mât, il se hisse au moyen d’une drisse qui est frappée à 1,30m au-dessus du point d’amure et de l’amure qui est frappée sur le talon de la vergue. Cette voile établit très bien à toutes les allures et même au près avec une bonne brise, quoique bien des gens prétendent que ce genre de flèche ne peut jamais bien farguer lorsqu’on serre le vent.

L’envergure du flèche est de 4,10m sa bordure de 3,05m et sa chute arrière de 2,65 m.

Voilà les voiles que peut hisser la Concorde lorsque le temps le permet et qui forment une surface totale de 30 mètres carrés :

Grand-voile 16,15 m2, trinquette 4,13 m2, foc 5,70 m2 flèche 4,10 m2. C’est-à-dire à peu près trois fois le rectangle circonscrit.

Les ris sont de 0,40 m, il y en a 3 dans la grand-voile et un dans la trinquette, lorsque la force du vent oblige à diminuer la voilure, l’embarcation est très bien balancée soit avec un ris dans la grand-voile et le grand foc remplacé par un foc plus petit que l’on amure à mi-bâton, soit avec deux ris dans la grand-voile et un ris dans la trinquette ; dans ce dernier cas, il reste toujours beaucoup de toile derrière car, comme in peut le remarquer, la voile a beaucoup d’envergure et cela permet au bateau de virer avec une mer grosse.

Ce genre de canot est excessivement pratique et je le recommande chaudement aux amateurs qui habitent les bords de la mer ; il offre en effet des avantages : au point de vue des régates, celui d’une marche supérieure ; au point de vue de la promenade et de la pêche, sa bonne tenue à la mer et sa manœuvre facile ; puis enfin, son peu de tirant d’eau et, chose qui n’est pas dédaigner, la possibilité de rentrer à l’aviron lorsqu’il fait calme sans être obligé de passer la nuit en mer.

 Capitaine Némo. (Pseudonyme d’un auteur non identifié)

A la cale du vil à Roscoff, cale des bateau de passage de l’île de Batz , au premier plan le petit cotre à clin  Arvor M 310, 1.41 tonneaux, construit en 1896, par les frères Kerenfors, pour Jean Bourhis
A la cale du vil à Roscoff, cale des bateau de passage de l’île de Batz , au premier plan le petit cotre à clin Arvor M 310, 1.41 tonneaux, construit en 1896, par les frères Kerenfors, pour Jean Bourhis

Cet article du journal le Yacht montre bien les qualités de ce petit bateau. Les frères Kerenfors vont remporter facilement de nombreuses régates sur plusieurs années, celles de Morlaix, de Roscoff et même celle de Brest, si bien qu’il demande à pouvoir concourir dans la catégorie supérieure des bateaux de plus de 6 mètres, cette demande leur est refusée.

 

Le niveau des régates augmente, avec la construction de bateaux proches de Concorde comme le Ben, construit en 1884 pour Monsieur le Comte de Kergariou, 2tx 27 bateau de plaisance à clins, bordé en sapin, membré en chêne, cloué en cuivre, gréé en sloup. 5m76 x 1m87.

Mais l’aventure des Concorde ne s’arrête pas là, en 1898 il est construit au chantier un canot de 1,97 tonneaux appelé Concorde, on ignore si ce canot était pour leur propre usage. En 1908 Anselme construit pour lui-même un second Concorde, il a les dimensions suivantes longueur de l’étrave à l’étambot : 5,98 m, longueur totale 7 m, largeur 2,30 m, tirant d’eau 1,30 m poids de la quille : 500 kg jauge en douane 3,21 tonneaux. Il se fera remarquer par ses résultats en régate. Puis en 1927 son fils Armand Kerenfors construit une quatrième Concorde « 5m x 1m76 1t63. A clins, cloué cuivre, sauf râblures en fer galvanisé, avec plateforme, mât, gui, corne, beaupré » c’est je pense le dernier bateau à clin construit par le chantier, il n’aura pas l’occasion de l’utiliser longtemps, Armand Kerenfors décède trois ans plus tard le 25 juillet 1930.

Le port de Roscoff avant 1895, le chantier kerenfors est dans le terrain juste après l’abris du canot de sauvetage à gauche sur cette photo, Anselme Kerenfors demandera en 1895 l’autorisation municipale pour y construire un hangar pour la construction
Le port de Roscoff avant 1895, le chantier kerenfors est dans le terrain juste après l’abris du canot de sauvetage à gauche sur cette photo, Anselme Kerenfors demandera en 1895 l’autorisation municipale pour y construire un hangar pour la construction
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Quand Roscoff construisait des bateaux pour le Légué

Depuis longtemps, cette photo, m’intrigue, éditée comme carte postale chez Ballière à Roscoff sous le N°46 elle s’intitule simplement : « Roscoff  Bateau échoué ».

De quand date elle ? Quel est ce bateau.  Aucune immatriculation, d’où vient-il ? Toujours est-il que ce bateau n’est pas d’un type courant à Roscoff, avec ses trois mâts ses jolies formes, sa voute on pense au premier coup d’oeil à une bisquine de Cancale échouée à Roscoff. Mais non ce n’est pas une bisquine ! Premier indice, les bisquines de Cancale n’allaient pas dans l’ouest plus loin que Perros. Second indice, plusieurs détails nous font penser à un autre type de bateau : ce bateau est gréé avec deux mâts, le mat sur la voute n’est qu’un mat de pavillon, le mât de misaine est assez court, la misaine est à tribord, il n’y a pas de cadène à l’extérieur du pavois, il y a  4 bittes sur l’arrière, la bande blanche peinte sur le pavois se poursuit à l’avant sur l’étrave. Mais oui, mais c’est bien sûr, un lougre du Légué. Mais que fait-il échoué à Roscoff ?   Le lieu de l'échouement , certainement sur le plateau de rochers de Carreg à sucre à la sortie du port. Et bien, nous allons voir que le chantier Kérenfors de Roscoff construisait de bateaux beaucoup pour les pêcheurs du Légué.

 

Le site « histoire maritime du Légué » nous fournit par ses bases de données sur les bateaux du Légué de précieuses informations sur les lieux de construction et les dimensions de presque tous les bateaux armés dans ce port. De 1879 à 1929 le chantier Kerenfors de Roscoff construit de nombreux bateaux pour le port du Légué.

 

La construction roscovite de bateau de pêche pour le Légué commence assez tôt,  premier répertorié est le lougre le Fleur du nord construit en 1879 pour  Jean Bouard, François Delaporte Louis Eouzan et Louis Tanguy ses dimensions en douanes sont longueur 9.86m  bau 3.96m  et creux 1.60m, ce sont ces dimensions sont classiques des lougres elles vont peu évoluer par la suite.

 

Deux générations de charpentiers Kerenfors ont construit pour le Légué : Francisque et Anselme  Kerenfors les deux frères associés puis Armand le fils d’Anselme de à partir de  1910.

 

Deux magnifiques photos  (Coll. Musée de Bretagne) de la préparation de la mise à l’eau du lougre Laisser Dire en 1912,  la peinture de ce lougre est plus à la mode roscovite qu’à la mode du Légué, ou les coques sont généralement noires soulignées par une bande banche.

Le bateau a été descendu sur la grève depuis le hangar du chantier en le glissant sur deux glissières une sous la quille et une sous une fausse béquille installée à tribord et renforcé par deux jambes de force, les lougre échouant sur la vasière ne sont pas équipé de béquille, ils ont un solide bordé d’échouage que l’on aperçoit sur cette photo.  Une plaque provisoire avec le nom du bateau : « Laisser Dire » a été posé à l’avant à bâbord  la bénédiction se fera à basse mer devant une  petite foule de gens endimanché pour l’occasion, le bateau flottera  quelques temps avant la pleine mer, il n’y a pas de véritable lancement, il sera maté de ses deux mâts par la suite.

Les deux doris que l’on voit sur la gauche viennent certainement de la goélette Batavia qui a coulé le 12 avril  1912 au large de l’île de Batz, sept doris seront vendus par adjudication d’épave par l’inscription maritime de Roscoff le 20 aout de la même année.

 

 

D’après la base de données, aux moins 59 bateaux du légué ont été construit à Roscoff, nous ne pouvons affirmer dans l’état de nos recherches si ils ont tous été construit au chantier Kerenfors,  car il existait à Roscoff d’autres chantiers de moindre importance mais la grande majorité a dû être construit par Kerenfors.

 

Sur ces 59  bateaux : 29 sont de la famille des lougres, 20 sont notés lougres, (30% des lougres dont le lieu de construction est identifié), 8 sont notés bisquine, l’on trouve également un flambart, une gabare (de même taille), un sablier et un chasse-marée. Dans la famille des bateaux à un seul mat on trouve 20 sloups, 8 cotres et 1 bocq, le terme bocq est plus généralement utilisé à Paimpol.  On y trouve également un canot.

 

Les lougres sont tous d’une taille assez proche d’une longueur au pont de 10 à 11m, une largeur ou bau de 3,90m à 4,10m pour un creux de 1,75m à 2.28m.

 

Le dernier lougre construit pour le Légué est le République en 1914, après la guerre de 14-18 les patrons du Légué commande des cotres (ou sloups) à Armand Kérenfors, ils ont  la même taille que les anciens lougres le dernier construit sera le Père François  (longueur 9 m 53 bau 4 m 07 creux1 m 83) il est motorisé et jauge 20 tonneaux

 

La dépêche de Brest du 06 juin 1929
La dépêche de Brest du 06 juin 1929

Les autres ports construisant des bateaux de pêche pour le Legué étaient : le Légué où la construction navale locale a diminué considérablement vers 1900,  Binic, Paimpol, Kerity. Les chantiers de la Rance construisent peu pour le Légué, mais le plan de la Jeanne d’Arc construite par Le Marchand à la Landriais a été conservé et a permis de construire sa réplique qui a été appelé Le Grand Léjon. Avec le développement des sloups dans les années 20 on trouve aussi les chantiers de Carantec pour des bateaux un peu plus petits de 8 m de longueur.

 

Localisation des principaux chantiers construisant pour le Légué
Localisation des principaux chantiers construisant pour le Légué

Le lougre SB683 est le Marie-Aline construit à Roscoff chez Kerenfors en 1897 pour Louis Panneau et François Quémard du Légué, et démolie en Juin 1912.  Il jauge 19,72 tx, on voit bien l’absence de cadènes extérieur au pavois et les 4 bittes sur l’arrière

Deux lougres du Légué construits à Roscoff chez Kérenfors l’Aventure SB717 construit en 1899 pour Clairel François, Pulluard Pierre, Philippe Mathurin, Quémard François et Méheust Olivier. Dépecé en Mars 1916  il jauge 11 Tonneaux  73 pour une longueur 10 m, un bau de 3 m 83 et le creux de 1 m 86, la peinture à volutes entre l’écubier et le numéro fait penser aux caboteurs anglais, les ronds blancs sur le pavois sont plus curieux, au second plan l’Oiseau des Tempêtes  SB 847 construit en 1904 à Roscoff, sablier, pour Mazurie, Quinio, Redon et Bourre.

 

Portrait de bateau de l’Aventure SB717 par Henry Kerisit
Portrait de bateau de l’Aventure SB717 par Henry Kerisit

Les magnifiques formes du Eugénie SB 881 construit à Roscoff en 1905 longueur: 10 m 98 bau: 4 m 09, creux :1 m 94  pour : Urvoy François, Le Guen François, Redon François et Le Glatin Jean-Louis. Il est vendu à Paimpol en 1922, dans le quartier de Paimpol il a probablement été regréé en sloup. Bateau puissants et rapides au franc-bord généreux, leur tirant d’eau est important. La coulée de l’arrière est belle et le tableau est bien dégagé comme sur les sloups de Roscoff .

 

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244 bateaux construits au premier trimestre 1901, en Bretagne nord

Lancement à Roscoff au chantier Kérenfors du « Laissez dire » un lougre pour le port de Sous-la-tour  le Legué quartier maritime de Saint-Brieuc  (coll. privée)
Lancement à Roscoff au chantier Kérenfors du « Laissez dire » un lougre pour le port de Sous-la-tour le Legué quartier maritime de Saint-Brieuc (coll. privée)

 

244 bateaux neufs lancés dans les chantiers navals de Bretagne nord, pour un trimestre, ce chiffre peut paraitre étonnant  nous allons voir grâce aux statistiques publiées dans La revue Maritime du ministère de la Marine (T49 du quatrième trimestre 1901)  ce qu’il recouvre.

 

En premier lieu cette statistique  ne correspond pas à l’ensemble des constructions mais uniquement aux bateaux de pêche  Les chantiers de Bretagne nord construisaient également à cette époque de nombreuses unités destinées au bornage et au cabotage et également des yachts mais ceux-ci étaient plus rare.

 

Bateaux de pêche lancés entre  le 1er janvier et le 31 mars 1901

 

Port

Type de bateau

Nombre

Tonnage par port

Cancale

Terre-Neuvier

1

non renseigné dans la statistique, estimée à 300 tx

Saint-Malo

Trois-mâts barque pour Terre-Neuve

1

400 tx

La Landriais (Rance)

Doris

215

280 Tx

Paimpol

Côtres et goélettes

4

236,14 Tx

Pleubian

canots

2

2,28 Tx

Plougrescant

chaloupes

4

14 Tx

Roscoff

Sloop et canots

4

15.56 Tx

Plouguerneau

Divers (certainement des canots goémoniers)

7

17,5 Tx

Aberwrac’h

Canots

3

7,51 Tx

Portsall

Canots

2

3,86 Tx

Molène

Barque

1

9,86 Tx

 

244 bateaux pour un total de 1386 tonneaux.

Ce  tableau montre bien la diversité des constructions navales en Bretagne nord qui vont du Trois-mâts barque de 400tx au modeste doris d’1,3 tonneaux. Le nombre important est évidement fait par les doris : 215 nouveaux doris.  Les doris  indispensable aux bâtiments terre-neuviers pour la pêche sur les bancs de Terre-neuve avaient une durée de vie limitée. L’administration de l’inscription maritime exigeait  pour la sécurité des équipages que chaque doris ne fasse pas plus de deux campagnes sur les bancs de Terre-Neuve.  Au retour des bancs l’ensemble des doris repassait en chantier pour être inspecté  et éventuellement réparé. Si le doris était en bon état il repartait pour une seconde campagne. Si il avait fait deux campagnes ou si au bout de la première campagne les réparations étaient trop couteuses il était alors vendu d’occasion et était utilisé comme annexe ou à la petite pêche ou  il naviguait souvent pendant de nombreuses années. A cancale et dans les campagnes du pays Malouin lorsque le doris était arrivé irréparable il était souvent coupé en deux et dressé verticalement dans le jardin ; muni d’une porte et devenait alors la cabane des commodités.

 

Doris des bancs, d’un des derniers terre-neuviers de Saint Malo, le lieutenant René Guillon (Coll. Musée de la pêche de Concarneau)
Doris des bancs, d’un des derniers terre-neuviers de Saint Malo, le lieutenant René Guillon (Coll. Musée de la pêche de Concarneau)

 

Certain chantiers comme celui de Lemarchand à la Landriais sur la Rance c’était fait la spécialité de la construction des doris en série, d’après Jean le Bot qui avait collecté la mémoire du chantier  au près du dernier patron le père Lemarchand les doris était produits en série : 10 doris étaient au tracé et au débit des bois, 10 étaient en assemblage dans l’atelier et 10 en finition. Ce chantier en produisait à peu près 250 par an.

 

Trois-mâts barque terre-neuviers, certain ont été construit spécifiquement pour faire la pêche à la morue, d’autres sont d’anciens petits long-courriers en bois
Trois-mâts barque terre-neuviers, certain ont été construit spécifiquement pour faire la pêche à la morue, d’autres sont d’anciens petits long-courriers en bois

 

A l’opposé en taille, on trouve un trois-mâts barque de 400tx, construit à Saint-Malo, certainement au chantier Gautier  il représente les plus grosses unités pour la pêche construite en Bretagne nord,   toutefois il n’est pas le plus représentatif des navires terre-neuvier le gréement carré qui présente beaucoup de poids et de fardage au mouillage n’est plus celui adopté par la plupart des armateurs terre-neuviers au début du XXème qui lui préfèrent celui de trois-mâts goélette  qui devient alors le navire terre-neuvier type.

 

Paimpol ou Binic sont également en capacité de construire des navires de fort tonnage. Les charpentiers des autres ports construisent des bateaux plus modestes. A Pleubian 2 canots d’un tonneau à Plougrescant les 4 chaloupes de 3,5 tx sont certainement  des goémoniers gréé en flambart. La côte du Léon n’est pas en reste pour la construction de nombreux goémoniers.

 

J’ai été étonné de voir la construction d’une barque de 9.86 tx sur l’île de Molène, n’ayant pas connaissance d’un chantier sur l’île  C’est certainement un sloup destiné à la pêche aux crustacés toujours en développement à cette époque.  En Bretagne nord les constructions navales insulaire semblent très marginales contrairement aux constructions navales sur Belle-Île dans le Morbihan qui produisaient de nombreux bateaux.

 

1901 n’est pas spécialement une année chargé pour la construction  navale,  une étude plus globale de ces statistiques sur plusieurs années permettrait d’avoir une vue d’ensemble.

 

Pour la saisonnalité des lancements,  c’est sûr que les nouveau doris sont prêt avant  le départ pour les bancs Terre-Neuve en mars  ou avril  on peut penser aussi que les canots goémoniers sont lancés avant la nouvelle saison au printemps, pour les autres bateaux aucune saisonnalité s’impose Dans  les ports armant à la pêche à la morue, les chantier emploient en hiver des gars qui sont embarqué à la pêche à la belle saison, toutefois  l’activité de construction neuve cède la priorité au réparations sur les navires terre-neuviers et islandais. 

 

 

Préparation du lancement d’un flambart goémonier, par le chantier Bernard de Plougrescant, vers 1900 l’aïeul Bernard patron du chantier était surnommé Bernard l’Hermite, la peinture de la coque au coaltar est certainement à la charge du nouveau patron
Préparation du lancement d’un flambart goémonier, par le chantier Bernard de Plougrescant, vers 1900 l’aïeul Bernard patron du chantier était surnommé Bernard l’Hermite, la peinture de la coque au coaltar est certainement à la charge du nouveau patron
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Chantiers navals de Bretagne nord

Les chantiers Gautier à Saint-Malo, navires terre-neuviers en construction
Les chantiers Gautier à Saint-Malo, navires terre-neuviers en construction

Ce premier article sur les chantiers navals de Bretagne nord est une introduction à une suite d’articles sur différents chantiers, ou sur des pratiques spécifiques comme l’abatage en carène

 

De nombreux chantiers

 

L’activité de construction de navires a certainement toujours existé sur nos côtes. Bien évidement la construction navale répond à la demande locale et va par conséquent varier dans le temps et dans l’espace. Lorsque la demande est forte, comme à la fin du XIXème pour les pêches à la morue à Terre-neuve et en Islande ou la pêche locale, l’activité des chantiers est en pleine croissance, des chantiers existants grossissent, des nouveaux chantier apparaissent. L’exemple de Paimpol est caractéristique, vers 1850, les rares chantiers paimpolais sont très modestes et leur production est limitée aux navires de petite taille. Vers 1900, la situation a basculé : de nombreux chantiers construisent des goélette pour l’Islande, des dundées et goélettes de cabotage, des sloups à vivier pour les homardiers de Loguivy, et quelques yachts. Ils font alors travailler plusieurs centaines de charpentiers, de calfats, de forgerons. A partir de 1920, l’activité de construction paimpolaise diminue considérablement, pour se réduire à nouveau à quelques petits chantiers.

La situation de Cancale est semblable, avec la construction au tournant du siècle de trois-mâts goélette terre-neuviers au port de la Houle

 

La dimension d’un chantier est très variable, elle peut aller du simple charpentier semi-itinérant qui se déplace chez « son client » travaillant seul à la construction de canot, au chantier capable de construire simultanément plusieurs grands navires comme le chantier Gautier à Saint Malo, mettant en place des solutions intégrées permettant de livrer le navire complètement armé aux armateurs.

 

 

Adrien Briand (1878 1945) construit un joli canot devant chez lui à Ploumanac’h
Adrien Briand (1878 1945) construit un joli canot devant chez lui à Ploumanac’h

Des hommes qui ont fait ses chantiers

 

La croissance d’un, chantier, la qualité des construction, les évolutions techniques sont souvent dus à l’intelligence, au génie des maitres charpentiers patrons de ces chantiers. Je pense à Louis Laboureur de Paimpol qui créa vraiment un type de navire : la goélette de pêche en Islande ou les chantiers Kerenfors de Roscoff qui construisirent de magnifique unités pour le cabotage, la pêche ou des yachts. Dans le cas de Kerenfors on peut parler d’une dynastie familiale de charpentier

 

 

Chantier naval, à Cancale, les membrures d’un terre-neuvier sont dressées à l’aide de deux bigues après leur assemblage à plat
Chantier naval, à Cancale, les membrures d’un terre-neuvier sont dressées à l’aide de deux bigues après leur assemblage à plat

La formations des charpentiers

 

Pour la marine, les charpentiers de navire sont depuis longtemps considéré comme du personnel stratégique pour les arsenaux, ils sont soumis au régime des classes puis après la révolution ils sont inscrit maritime.

Le charpentier commence souvent jeune à l’âge de 10 à 13 ans comme apprenti dans un chantier , il va se former, sur le tas, en travaillant avec les charpentiers et les calfats. Son service militaire se fait dans les arsenaux ou comme charpentier embarqué à bord des navires de la royale. Il devient charpentier, seul certain accède au tracé en vrai grandeur, des patrons gardent secret l’art du tracé et ne le transmettent qu’à leur successeur . Au bout de quelques année comme ouvrier, ou contremaitre dans un grand chantier certain d’entre eux s’installent à leurs compte.

 

Charpentiers des grève, changement des bordés de fond sur un petit canot sur la grève avec quelques outils à main
Charpentiers des grève, changement des bordés de fond sur un petit canot sur la grève avec quelques outils à main

Ou sont les chantiers ?

 

La répartition géographique des chantiers sur la côte de Bretagne nord est inégale. Bien qu’il exista de petits chantiers, à peu près partout sur la côte, on peut caractériser trois grands pôles de construction : le premier pôle : le pôle malouin en y associant les nombreux chantiers de la Rance et ceux de Cancale. Le pays de Saint-Malo est le pole historique de la construction navale, elle s’est développé à grande échelle à partir du XVIIème siècle

le second pôle Paimpol et sur la baie de Saint-Brieuc Binic et le Légué construisant pour le cabotage et la pêche à la morue.

le troisième dernier pôle : la baie de Morlaix Carantec et Roscoff. Le développement de la construction à Carantec est récent au long du XXème siècle

La partie ouest, du nord de la Bretagne, est moins productive, peut-être par le manque d’arbre, les iles sont quasiment absente de cette liste, à l’exception que quelques charpentier effectuant des réparations

 

 

Un thonier pour l’île de Groix est prêt à être lancé au chantier Chevert à Binic
Un thonier pour l’île de Groix est prêt à être lancé au chantier Chevert à Binic

Les types de navires construits

 

Les chantiers répondent en premier lieu à la demande locale, canots, goémoniers, sloups, gabare, mais aussi des bateaux de charge armés au bornage ou au cabotage, la grande pêche, au XVIII on construit également pour le long-cours, ou des navires spéciaux comme les navire d’exploration polaire du Commandant Charcot le Français et le Pourquoi Pas.

 

Nous y trouvons également un peu de « grande marine », à la fin du XVIIIème sous le règne de Louis XVI et le ministère de la marine de Sartine, de petites unité mais aussi des navires plus important comme des frégates sont commandé au chantiers « civils » de Saint-Malo. En 1777 et 1778 huits frégates sont construites à Saint-Malo Sous la révolution, un arsenal s’installe à St-Servan

 

Toutefois la production reste assez artisanale, les chantiers n’évoluent pas vers la construction métallique contrairement à ceux des grandes ville , comme Nantes, Bordeaux ou le Havre.

 

Combiens de bateaux sont ils lancé ? Des milliers, de bateaux ont été construit en Bretagne Nord. Vers 1900 à Paimpol ou à Saint-Malo, à chaque grande marée ont lieu des lancements de grandes unités.

 

Une partie des charpentiers du chantier Bonne à Poulafret Kérity Paimpol, devant une goélette pour Islande, les chantiers emploient beaucoup de monde : charpentiers , perceurs, scieurs de long, calfats, forgerons
Une partie des charpentiers du chantier Bonne à Poulafret Kérity Paimpol, devant une goélette pour Islande, les chantiers emploient beaucoup de monde : charpentiers , perceurs, scieurs de long, calfats, forgerons

Un petit tour de Bretagne nord des chantiers de construction navale

 

Ce parcours, n’est en aucun lieu une liste exhaustive, il permet juste de montrer la diversité des chantiers et d’évoquer des noms des charpentiers et leurs l’activité sur une époque s’étalant du XVIII ème siècle à la fin des chantiers traditionnel dans les années 1980, bien que certain perdure encore aujourd’hui avec dynamisme .

Vers 1900, a Cancale à la houle, le chantier Boucard et le chantier L’hotellier construisent des Bisquines et des Terre-Neuviers

A Saint Malo, il existe le grand chantier de Louis Gautier qui lança les plus gros navire en bois de Bretagne Nord je pense en particulier au Clémenceau de 1400 Tonneaux lancé en 1919 mais aussi ceux de Mallard. Sur la Rance à la Richardais Tranchermer et Legobien construise également pour terre-neuve, , à la Landriais le chantier Lemarchand construit des navires très diversifié, pour la pêche ou la cabotage.

Erquy, Dahouet ne semble pas avoir eu de chantier important, par contre au Légué au XIXème siècle on construit des navires pour Terre-Neuve et des unité plus petites.

A Binic les chantiers Chevert sont réputé et construise même des thoniers pour la côte atlantique,, A Paimpol, on trouve le fameux chantier Laboureur , mais également Bonne qui met en place une production quasi industrielle à Kérity. Mais aussi Pilvin, et plus tard Kerbiguet, Raynault, Huon et Daniel

 

A Perros et Trégastel quelques chantiers artisanaux comme Adrien Briand à Ploumanac’h ou le chantier Hervé, à Locquémeau, le chantier Landouard s’installe au moment du boum de la sardine. En baie de Morlaix une multitude de petit chantier Le chantier Roland au Diben , A Carantec : Pauvy, Moguérou, Jezequel, les différents chantiers Sibiril, Cazeneuve, Mevel, Laforet, Elies ou Nedelec. L’histoire des chantiers de Carantec mériterait un large article.

 

A Roscoff, le chantier Kerenfors, qui fut repris par le Corre puis par Goulven le Got à Plouguerneau on trouve le chantier de Théophile le Got

 

 

Les chantiers au port de la Houle à Cancale, trois navires en construction, en grande marée le bas des chantiers est sous l’eau
Les chantiers au port de la Houle à Cancale, trois navires en construction, en grande marée le bas des chantiers est sous l’eau

Bibliographie :

 

Bateaux des côtes de Bretagne Nord Jean Le Bot 1979

De bois et d’acier La construction navale malouine

 

Trois goélettes en construction au chantier Bonne à Poulafret Kérity Paimpol, la cale couverte, avec la voilerie au premier étage est particulièrement originale
Trois goélettes en construction au chantier Bonne à Poulafret Kérity Paimpol, la cale couverte, avec la voilerie au premier étage est particulièrement originale

 

La voile, l'âme du navire

Phare carré
Phare carré

Du modeste flambart, au grand trois-mâts carré, les voiles étaient, jadis " les moteurs " des bateaux de travail. Mais par qui et comment étaient elle faites?

Modeste misaine du flambart de Ploumanac'h Augustine, construit en 1901
Modeste misaine du flambart de Ploumanac'h Augustine, construit en 1901

Témoignage de Louis Le Vot, recueilli par Jean-Pierre Tréguier.

"C'est François Botcazou qui fabriquait la plupart des voiles avant guerre. Comme voilier, il était super. Il avait navigué toute sa vie sur les longs courriers. Il est revenu à Ploumanac´h pour se marier. C´est lui qui m´a appris à faire des voiles. On l´avait surnommé "Mal Peigné » à cause de sa coiffure".

Misaine et grand-voile d'une goélette paimpolaise
Misaine et grand-voile d'une goélette paimpolaise

Ailleurs, comme à Paimpol, de grandes voileries, dirigée par un maitre voilier emploient plusieurs dizaines d'ouvriers voiliers. Dans la région, les voileries de Paimpol justifierons d'une réputation justifiée. Ont peux citer les maisons L'Hélias-Gleyo, Rochut, Rivoallan, Lefèvre-Rigot, Le Caer Elle travaille, bien sur, à la fabrication des voiles des goélettes d'Islande, des caboteurs et des sloups de pêche locaux mais aussi sur les voilures de yacht et de grand-voilier des armements nantais.

Calme et concentration d'une voilerie
Calme et concentration d'une voilerie

 

Chaque voilerie employait, vers 1900 à l'époque de la prospérité de Paimpol de 30 à 50 ouvriers voiliers, on peut alors estimer à 120 à 130 voiliers sur Paimpol. Ce nombre d'ouvriers varie au cours de l'année, il est plus important en hivers, lors de l'armement des goelettes. Certain pêcheur d'Islande reprenne leur métier de voilier pendant la morte saison.

 

A la veille de la seconde guerre mondiale, la pêche à Islande à disparu il subsiste seulement une douzaine de voiliers.

 

En plus du travail de réalisation des voiles, les voileries s'occupaient également de la fourniture et de la pose du gréement courant, cordages de chanvre, aussières, filins, pavillon, brassière de sauvetage… Par contre, le gréement dormant était souvent à la charge des forges de marine.

Gréeurs au travail à Paimpol
Gréeurs au travail à Paimpol

La voilure du Yacht Morgane de Ploumanac'h de la famille Eiffel, a été réalisé à Paimpol en 1914.

La Morgane de Monsieur Effel à Ploumanac'h, remarquer le foc à "emmagasineur ".
La Morgane de Monsieur Effel à Ploumanac'h, remarquer le foc à "emmagasineur ".

La voilerie Lefèvre-Rigot se spécialisera dans la voilure des grands voiliers Nantais tout en gardant sa clientèle d'islandais et de caboteur. Elle pouvait livrer en 6 semaines la voilure complète d'un trois mâts barque soit 29 voiles avoisinant un total de 5000 m2

Trois mâts barque Babin-Chevaye commandant Louis Lacroix
Trois mâts barque Babin-Chevaye commandant Louis Lacroix

On peut citer les navires en acier suivants dont la voilure a été réalisée à Paimpol:

En 1896 le quatre mâts Rhône, en 1897 le trois-mâts barque Jean-Baptiste, de 1898 à 1908 Maréchal-de–Charrette, Maréchal-de-Turenne, Général-de-Boisdeffre, Maréchal-Davout, La Rochefoucauld, Pierre Antonin, La Bruyère, Maréchal-de-Villars, René, Molière, Bossuet, Antoinette, La Fontaine, Michelet, Maréchal-Lannes, Cannebière, Général-Foy, Montebello, Georges-Bizet.

De 1908 à 1914: Charlemagne, Général-Faidherbe, Duquesne, le quatre mâts Mistral, Van-Nabel, Bonchamps, Pierre-Loti, Charles-Gounod, Edmond-Rostand, Ernest-Reyer, Edouard-Delataille, Ernest-Legouvé, général-de-Negrier, Général-Bourbaki, Général-Mac-Mahon, La Blanche, Buffon, Bonne-Veine, Foulcommier.

Le Général-de-Boisdeffre, trois-mâts barque de la société nouvelle d'armement, voilure réalisée par la maison Lefèvre-Rigot
Le Général-de-Boisdeffre, trois-mâts barque de la société nouvelle d'armement, voilure réalisée par la maison Lefèvre-Rigot

Pour illustrer l'atmosphère des voileries à l'époque de la voile voici un extrait de "Paimpol au temps d'Islande" de l'abbé Kerlevelo 1944

 

"Les voiliers et gréeurs paimpolais ont disparu. Faute de travail, cette discrète industrie des voileries, qui sentent encore la toile neuve et les cordages goudronnés, s'est effacée, devant l'orgueilleuse machine qui a balayé de la surface des mers les timides et les faibles, qui croyaient encore dans leurs voiles. Des snobs le regrettent par goût artistique ! Des marins authentiques en rêvent encore! En affirmant que "la voile" était la meilleure, l'unique école du marin… Une voilure, en effet, pour un marin, ne représente pas seulement une surface quelconque de mètres carrés de toile que le vent utilisera pour la marche du navire à sa fantaisie souvent aveugle. Simple en elle-même comme la voile de peau de bêtes que dressa sur son tronc d'arbre creusé le génial "homo navalis", le premier navigateur, la voile est complexe dans sa manœuvre. C'est au cerveau du capitaine et au bras du gabier de faire "travailler" la toile, de la faire vivre. La voile, âme du navire, en était le principe de vie et de mouvement. C'est pourquoi le marin de jadis professait un respect religieux pour cette toile harmonieuse. Même étalée sur le pont, il ne la foulait jamais du pied sous peine d'une sorte de sacrilège, comme le paysan respecte le froment de sa moisson qui sera le pain de demain. Mais avant de devenir force animatrice du bâtiment, et œuvre d'art sur les vergues souples et les mâts solides, la voilure a connu la lente élaboration de la voilerie paimpolaise. Les énormes cartons des maitres voiliers contiennent encore des plans de voilures où de mêlent la science et l'art, l'humble métier et son resplendissement. La beauté réside déjà dans la fine esquisse tracée par le maitre, puis elle passe, par un sens obscur d'esthétique, dans la main consciencieuse du voilier qui coud, dans celle du gréeur qui saura monter et tendre la voilure avec grâce et justesse. Le souci de la perfection inspire l'ouvrage commun de ces coopérateurs qui, dans un silence de monastère, confectionnent une "belle voile" capable de propulser le navire, de résister aux tourmentes d'Islande ou du cap Horn et d'épouser avec élégance le vent, cet ami de l'ancien Marin "

 

A serrer la misaine.
A serrer la misaine.

 

Sources:

Paimpol au temps d'Islande de Jean Kerlevelo

Les derniers grands voiliers de Louis Lacroix

Inventaire préliminaire du patrimoine des côtes d'Armor: web AD22