Sable et maërl

1850, l’exploitation des bancs de maërl en Bretagne Nord

Lougre du légué vers 1910, bateau armé pour draguer le sable en baie de Saint-Brieuc, on distingue bien la drague, et son petit mâtereau ainsi que le tas de sable en avant du mât de taillevent
Lougre du légué vers 1910, bateau armé pour draguer le sable en baie de Saint-Brieuc, on distingue bien la drague, et son petit mâtereau ainsi que le tas de sable en avant du mât de taillevent

Le document suivant est extrait d’un rapport publié dans le tome II des Annales agronomique de 1851

 

Ce rapport très complet de 45 pages , rédigé par Hoslin ingénieur des Ponts et Chaussées intitulé «Mémoire sur les gisements calcaires de la basse- Bretagne »  traite de l’exploitation des gisements terrestres et maritimes, nous présentons dans cet article uniquement la partie gisements maritimes de maërl de Bretagne Nord, ce mémoire ne traite pas de l’exploitation des tangues (vases d’estuaires riche en calcaire) En voici de larges extraits décrivant les bancs de Bretagne Nord depuis la baie de Saint-Brieuc jusqu’à l’entrée de la rade de Brest:


Bateaux de la rivière de Tréguier, avec la technique particulière de la drague perche, remonté grâce à un guideau démontable disposé au milieu du bateau
Bateaux de la rivière de Tréguier, avec la technique particulière de la drague perche, remonté grâce à un guideau démontable disposé au milieu du bateau

L'enlèvement des matières se fait à la pelle partout où les bancs découvrent. Tantôt les voitures vont charger sur les bancs situés le long du littoral, tantôt les gabares et bateaux viennent s'échouer sur les bancs éloignés de la côte, mais mis a sec à mer basse. Quand les bancs sont constamment couverts, et que la profondeur d'eau ne dépasse pas 6 à 8 mètres, les marins se servent d'une drague formée d'un sac de toile cousu à un demi-cercle en fer, emmanché à l'extrémité d'une longue perche de bois. Pour des profondeurs supérieures à 8 mètres, la drague est attachée à une corde et trainée pendant quelques minutes au fond de l'eau par le bateau lui-même, jusqu'à ce

qu'elle soit emplie de débris coquilliers ou de Nullipores. Enfin , dans quelques localités, chaque gabare est munie de deux dragues, dont les cordes s'enroulent pour chacune en sens contraire autour d'un cabestan, de sorte que l'une se remplit, tandis que l'autre sort de l'eau.

Le commerce de ces matières calcaires, employées par l'agriculture à l'état naturel, se fait depuis plus d'un siècle dans certaines localités de la côte nord de la Basse Bretagne; sur la côte sud, au contraire, il n'a commencé que depuis une dizaine d'années. Dans le département du Morbihan, l'exploitation de la plupart des bancs ne remonte même qu'à trois ou quatre ans.

Les documents statistiques sur la position, l'étendue des bancs, la profondeur d'eau qui les recouvre, le cube des matières qui en sont extraites annuellement, ces documents, dis-je, sont le résultat de l'inspection personnelle des bancs, des renseignements obtenus des ingénieurs, capitaines de port, agriculteurs et commerçant de chaque localité, mais surtout de ceux que m'ont fournis les marins et les pêcheurs, qui font presque toute l'année ce commerce dans les divers ports de la côte.


Les bateaux sont chargés et se prépare à appareiller pour remonter la rivière de Tréguier avec leur lourd chargement (photo de Faudacq archives départementales 22)
Les bateaux sont chargés et se prépare à appareiller pour remonter la rivière de Tréguier avec leur lourd chargement (photo de Faudacq archives départementales 22)

Côtes du nord

 

Saint-Brieuc

 

Depuis quelques années, on apporte à Saint-Brieuc du sable coquillier provenant des îles Saint-Quay, près Portrieux. L'année dernière, le transport s'en est élevé à 5 000 mètres cubes. Le conseil-général du département alloue une prime de l franc 50 cent. aux cultivateurs distants de plus de 12 kilomètres de la cote qui viennent en chercher

pour fumer leurs terres. L'année dernière (1849), ces primes se sont élevées à l l00 fr. ce qui représente 750 mètres cubes. Le prix du mètre cube pris au port est de 3 fr.

Il existe à Saint-Brieuc trois fours à chaux , tous à fournée; les deux premiers chauffés au bois et le troisième à la houille. Le prix de la chaux faite avec la pierre de Henneville est de 36 fr. Le débit peut s'élever à 6 ou 700 mètres cubes, uniquement employé aux constructions.

 

Binic

 

Il y a à Binic vingt-sept gabares faisant le commence des sables calcaires. Elles naviguent du 15 mars au 1er novembre, et font moyennement cinq voyages par semaine. Leur tonnage est de 7 mètres cubes, ce qui donne un mouvement total annuel de 88,000 mètres cubes. Elles vont toutes prendre le sable aux abords des îles Saint Quay et font leur voyages en neuf heures. Outre ce sablon les paysans enlèvent dans l’intérieur du port ou derrière la jetée environ 15 000 mètres cubes par an de sable ou de vase très peu coquilliers, mais qui ne coûtent presque rien, tandis que le mètre de sable des îles Saint Quay se vend 1fr. 50 cent. . Le 3 juillet 1850, les préposés de la douane ont compté 180 charretées de sable calcaire et 215 de sable fin et vase.

 

Portrieux

 

Il se rend à ce port 6 gabares lui appartenant et 8 venant de localités voisines. Elles ne tout le commerce de sable que du 1er mars au 1er septembre, et en moyenne quatre fois par semaine. Leur tonnage est de 6 mètres cubes, de sorte que le transport annuel est d'environ 6 000 mètres cubes. Ce sable, comme celui de Saint-Brieuc et de Binic,

est pris aux iles Saint-Quay. Il est formé de débris de coquilles, principalement de moules, ce qui lui donne une couleur d'un gris-bleu prononcé. Il pèse environ 1 150 kil. le mètre. Les bancs les plus importants sont les suivants :

1. Le Gros-Sablon, long de 500 mètres et large de 100. Son épaisseur n'est point connue. Il découvre d'environ 5 mètres dans les marées d’équinoxe. (Toutes les cotes de profondeur sont rapportées au niveau des plus basses mers.)

2. Tbédane. Sa longueur et sa largeur sont de 150 mètres. Il découvre de 2 mètres. Le sable est identique à celui du premier. On trouve également entre les roches d'autres petits bancs, de très-peu d'importance, et qui s'épuisent chaque année. Leur fond est formé de vase et gravier. Le sable de tous ces bancs a la composition suivante:

  • Résidu de sable et gravier                            26
  • Carbonate de chaux et sel solubles            70
  • Eau et perte                                                    3
  • Oxyde de fer                                                    1

Total   100

 

Les bateliers de Portrieux prennent rarement du sable aux bancs ci-dessus. Ils vont presque toujours au banc des Dames, à 300 mètres dans l'ouest de l'île Harbour. Il a en tête 80 mètres de long et 30 de large. Il reste dessus 3 mètres d'eau. On a commencé à y prendre du sable depuis trois ans, et il a baissé depuis cette époque de plus de 3 mètres. Le mètre pèse 1 125 kil. et se vend 1 tr. 50 cent. La couleur du sable est beaucoup moins foncée que celle de tous les autres bancs.

Il a la composition suivante :

  • Carbonate de chaux et sel solubles           85
  • Gravier et sable                                            13
  • Eau et perte                                                   2

Total   100

 

En toute saison, mais surtout l'hiver, les courants apportent de

nouveau sable sur tous les bancs, mais en moins grande quantité que les gabares n'en enlèvent, de sorte que leur niveau a sensiblement baissé depuis le commencement de l'exploitation. Ils ont tous la formede troncs de cônes excessivement aplatis.

Gabares à sable du Trieux dans l’anse de Camarel vers 1910, les gabares du Trieux sont pontées et pratiquent la drague pour la récolte des amendements
Gabares à sable du Trieux dans l’anse de Camarel vers 1910, les gabares du Trieux sont pontées et pratiquent la drague pour la récolte des amendements

Paimpol

 

Dans cette localité, le sable calcaire se prend sur les cinq bancs suivants:

1. Le Val, à 1 400 mètres dans l'est-nord-est de l'île Saint-Rion. Il a 130 mètres de longueur et 50 de largeur. Il reste 4,60 m d'eau. Il a beaucoup baissé depuis quelques années, et la mer y apporte très-peu de sable l'hiver.

 

2. Le banc Vert, dans l'ouest de la Cormorandière. Il s'étend sur une grande longueur, mais il est parsemé de rochers, de vases et de varechs. Il découvre en plusieurs points de 1,20 m.

 

3. Le Mets de Goélo, au nord de la roche du même nom, long de 1 200 mètres et large de 50. Il reste dessus 4 mètres d'eau. Il est complètement épuisé en beaucoup de points, et a très-peu d'épaisseur sur les autres.

 

4. Hombourg, long de 100 mètres et large de 30. Il y reste 2 mètres d'eau.

 

5. L'Église, long de 1,200 mètres et large de 16. Il reste dessus 4 mètres d’eau.

 

En général, les bancs de la baie de Paimpol, où le commerce de sable se fait depuis cent ans, sont épuisés, et les bateliers du pays prétendent qu'il n'en restera plus dans dix ans. Tous ces sables sont de couleur jaunâtre et formés de débris assez menus de coquilles diverses et de Nullipores.

Le nombre des gabares appartenant au port est de 10, jaugeant 5 tonneaux et faisant chacune 70 voyages par an , de mai à septembre, ce qui représente un transport annuel de 3 500 mètres. Il y a en outre dans la même baie, à Port-Lasso, une douzaine de gabares qui déposent annuellement tout le long de la côte, depuis la pointe de Saint-Marc, de 4 à 5 000 mètres de sable.

 

Une rare représentation d’une drague à sable (statistique agricole du canton de Morlaix 1848)
Une rare représentation d’une drague à sable (statistique agricole du canton de Morlaix 1848)
Bateau à sable de Tréguier faisant route, remarquer le faible franc bord pour un bateau creux  (photo de Faudacq archives départementales 22)
Bateau à sable de Tréguier faisant route, remarquer le faible franc bord pour un bateau creux (photo de Faudacq archives départementales 22)

Rivière de Tréguier

 

Il y a dans cette rivière les cinq bancs suivants de sable calcaire:

1. Le Banc Neuf au bord du chenal, en face du moulin de Saint-Antoine. Il a 2000 mètres de long et 1550 de large. Il y reste 6,60 m d’eau.

Le sable est jaune, et composé de débris de coquilles presque pulvérulents, mélés de graviers;

 

2. Le H’renten, dans le nord-est de l'île d'Er, long et large de 300 mètres. Il y reste 5 mètres d’eau. Le sable est un peu moins jaune que le précédent, et terme de matières semblables;

 

3. Port Madéano, au nord de l’île d’Er, long de 180 mètres et large de 150 mètres. il y reste 7 mètres d'eau. Le sable est gris-bleu, et principalement formé de débris de coquilles de moules en fragments moins fins que ceux des deux premiers bancs;

 

4. Charlezen, au nord-ouest de l'île d’Er, long de 3 000 mètres et large de 1 800. Il reste dessus 5 mètres d'eau. Le sable est formé de débris pulvérulents jaunes et bleus de diverses coquilles;

 

5. La Grande Pierre. On va très-rarement prendre du sable sur ce banc, assez éloigné de Tréguier, et où la mer est fréquemment mauvaise.

 

Le sable de cette rivière est peu estimé des cultivateurs, à cause de la quantité notable de sable quartzeux avec laquelle il est mêlé. Il agit promptement sur le terres, à cause de sa grande division, mais son action est peu durable. Il ne se vend en moyenne que 0 tr. 80 cent. Le mètre. Le nombre de gabares qui font ce commerce est de 40, réparties tout le long de la rivière, depuis Plougrescant jusqu'à la Roche-Derrien. Elles font de mai à octobre environ 4 voyages par semaine ou 80 par an. Elles portent en moyenne 7 mètres, ce qui donne 22 400 mètres pour le commerce annuel.

 

L’anse de Viarme à Lannion, l’arrivée des bateaux sabliers de Lannion
L’anse de Viarme à Lannion, l’arrivée des bateaux sabliers de Lannion

Le Port Blanc

 

On y extrait le sable calcaire des deux bancs suivants : ,

1. Buynélès, entre les deux îles de Saint-Gildas, dans le nord-est de la grande. Le banc est rond et a 100 mètres de diamètre. Il reste dessus 8 mètres d’eau. Le sable est gris-bleu et formé de menus débris de moules ;

 

2. Kerec-es-Treou, dans le sud du four, long de 50 mètres et large de 40; il reste dessus 11 mètres d'eau. C'est, en partant de l'est, le premier banc où l'on se serve de la drague attachée à une corde. Le sable est jaune rougeâtre et entièrement formé de débris de coquilles de diverses natures.

Le nombre de bateaux s'occupant du commerce de sable de Plougrescant à Louannec est de 15, portant en moyenne 3 mètres, et faisant de mai à septembre 30 voyages par an. Ils sont occupés le reste de l'année à la pèche des huîtres ou à la récolte du varech, qui donne lieu dans tous ces parages à un commerce important, soit pour l'agriculture, soit pour l'incinération. Le transport annuel du sable coquillier s'élève à environ 1 400 mètres, se vendant l fr. le mètre.

 

Lannion vers 1910, déchargement à la pelle des bateaux sabliers
Lannion vers 1910, déchargement à la pelle des bateaux sabliers

Baie de Perros

 

On y trouve les six bancs de sable calcaire suivants:

l. Turou-Azano, au nord de l'île Grande, long et large de 1 000 mètres. Il reste dessus 14 mètres d'eau. Le sable est jaune et uniquement composé de débris de coquilles, de différentes grosseurs et d’espèces très-variées;

 

2. Goul-Médec, à l’ouest-sud-ouest du précédent, long de 500 mètres et large de 200. Le sable est composé des mêmes éléments que le premier, mais un peu plus fin. Il y reste 2 mètres d'eau;

 

3. Le trou Jaune, au nord de la Clarté, long de 1 000 mètres et large de 300. Il y reste 16 mètres d'eau. Le sable est identique avec celui du précédent;

 

4. Rochtur. Le banc est rond et a 300 mètres de diamètre. ll est parsemé de rochers et couvert de 16 mètres d'eau. Sable semblable aux deux précédents;

 

5. Le Gouet, long de 1 200 mètres et large de 700. Il y reste en moyenne 8 mètres d'eau. Le sable est gris-bleu, et formé de coquilles de moules de toute grosseur;

 

6. Le Sacrement, dans l'ouest de l'île Torn , long de 500 mètres et large de 250. Il reste dessus 12 mètres d'eau. Le sable est jaune et formé de grands Nullipores, entiers ou brisés, ronds, plats et à rebords festonnés. auxquels on donne dans le pays le nom de Sacrements. Leur décomposition est tort lente, ce qui fait que les agriculteurs n'aiment

point à s'en servir, et qu'il est presque abandonné par les dragueurs; mais je le crois très-propre a donner de bonne chaux hydraulique.

Il y a dans la baie de Perros 18 bateaux employés au commerce du sable. Ils portent en moyenne 4 mètres, et tout 60 voyages par an, de mai à octobre, ce qui représente un transport annuel de 4 300 mètres.se vendant l fr. 20 cent. le mètre. La profondeur de tous ces bancs n'a pas sensiblement varié depuis une trentaine d'année.

 

Lannion vers 1910, le travail de manipulation du sable est particulièrement pénible, au premier plan déchargement à la civière en passant sur une planche
Lannion vers 1910, le travail de manipulation du sable est particulièrement pénible, au premier plan déchargement à la civière en passant sur une planche

Rivière de Lannion

 

On extrait le sable calcaire des sept bancs suivants :

l. Chalvoten, au nord-est de l’île Losquet, long de 500 mètres et large de 180. Il reste dessus 12 mètres d'eau. Le sable est gris-bleu et forme de débris de coquilles de moules. Il a la composition suivante :

  • Carbonate de chaux et sels solubles            71
  • Résidu de silice et gravier                             27
  • Eau et perte                                                      2

Total   100

 

2. Lerminio, au nord-est de l'île Milio, long de 200 mètres et large de 180. Il reste dessus 10 mètres d'eau. Il est mêlé de sable et de varech. Sa couleur est grise. Il est principalement formé de débris de Nullipores, mêlés de quelques débris de coquilles. Il a la composition suivante:

  • Carbonate de chaux et sels solubles            70
  • Résidu de silice et gravier                             28
  • Eau et perte                                                      2

Total   100

 

3. Molène, dans le sud-sud-ouest de l’île du même nom. Il est rond et a 600 mètres de. diamètre. Il reste dessus 9 mètres d'eau. Le sable est jaune et uniquement formé de menus débris de Nullipores. Il a la composition suivante :

  • Carbonate de chaux et sels solubles            79
  • Résidu de silice et gravier                             18
  • Eau et perte                                                      3

Total   100

 

4. Les Peignes, au nord du précédent, long de 600 mètres et large de 300. Il y reste 4 mètres d'eau. Le sable, d'un gris-clair, est formé de débris de coquilles presque pulvérulente. Il a la composition suivante :

  • Carbonate de chaux et sels solubles            65
  • Résidu de silice et gravier                             34
  • Eau et perte                                                       1

Total   100

 

5. Bihit, au sud-ouest de la pointe du même nom, long de 1 000 mètres et large de 800. il y reste 10 mètres d'eau. Le sable est formé de menus débris de coquilles de moules. Il a la composition suivante :

  • Carbonate de chaux et sels solubles            78
  • Résidu de silice et gravier                             20
  • Eau et perte                                                      2

Total   100

 

6. Kenierbel Le banc est rond et a l 200 mètres de diamètre. Il reste dessus 18 mètres d'eau. l-‘e sable, jaune-bleu, est lornlé de débris de

coquilles diverses. Voici sa composition :

  • Carbonate de chaux et sels solubles            81
  • Résidu de silice et gravier                             16
  • Eau et perte                                                     3

Total   100

 

7. La mer apporte souvent dans les tempêtes, au nord-est de ce banc, des amas de coquilles de moules tout entières, qui découvrent de 10 mètres. La longueur sur laquelle elles se déposent est de 300 mètres, et la largeur de 900. On y enlève tous les ans de 60 à 70 batelées de coquilles, qui ont la composition suivante :

  • Carbonate de chaux et sels solubles             88
  • Résidu de silice et gravier                              10
  • Eau et perte                                                       2

Total   100

 

Le commerce de sable a commencé à Lannion, il y a une soixantaine d'années, et depuis cette époque le niveau des bancs a baissé de 4 mètres. Le nombre des gabares, dans la rivière, est en totalité de prés de 60, mais il n'en va pas plus de 30 chercher journellement du sable. Elles font ce commerce pendant 7 à 8 mois de l'année, et celui

du varech pendant 2 ou 3. Chaque gabare porte en moyenne 4 mètres, et fait 200 voyages par an, de sorte que le transport annuel s'élève à 24 000 mètres, se vendant 1 fr. 50 cent. le mètre.

On y a construit depuis quelques mois un four à fournée, chauffé au bois. La chaux s'y vend 40 fr. le mètre.

 

Lannion vers 1910, les agriculteurs viennent chercher du maërl, pour leur champs, le fort tombereau est attelé avec 5 chevaux, Lannion ville de fond d’estuaire est dans une vallée et les routes peuvent être raides pour aller vers la campagne
Lannion vers 1910, les agriculteurs viennent chercher du maërl, pour leur champs, le fort tombereau est attelé avec 5 chevaux, Lannion ville de fond d’estuaire est dans une vallée et les routes peuvent être raides pour aller vers la campagne

Baie de Saint-Michel et de Toul an Héry

 

On trouve à 1 000 mètres, au nord de Saint-Efflam, un banc composé de coquilles de moules, presque entières, qui découvre à mi-marée. Tantôt le quantité de coquilles y est considérable, tantôt on n'en trouve pas une seule. C’est à la suite des tempêtes que ces coquilles s'y déposent l'on peut estimer à 300 metres par an la quantité de moules enlevées. On trouve encore, entre Gouluit et la pointe de Loquirec, un second banc de coquilles de moules, d'où l'on en retire chaque année environ 80 mètres. .

En outre de ces deux bancs, on enlève, sur la plage de Saint-Michel en-Greve et de Toul-en-Héry, d'énormes quantités de sables calcaires pulvérulents, d'un jaune-clair, qui produit un excellent effet comme diviseur sur les terres argileuses et compacte. Dans ces deux baies, il

n'y a pas de bateaux employés au commerce du sable. Tous les transports se (ont par tombereau, et peuvent s'évaluer à environ 20 000 mètres par au à Saint-Michel, et 6 000 à Toul-an-Héry.

 

Gabares de Penzé déchargeant  vers 1900
Gabares de Penzé déchargeant vers 1900

Finistère.

 

Rivière de Morlaix et de Penzé

 

Depuis la pointe de Loquirec jusqu'à celle de Primel, on ne trouve que du sable fin siliceux, sans mélange de coquilles ou de Nullipores. Les sables calcaires ne reparaissent qu'à l’entrée de la rivière de Morlaix, où ils se répartissent dans l'ordre suivant:

l. Banc du Nicher, dans le sud-ouest de Louet, long de 1 000 mètres et large de 50. Il reste dessus de 15 à 16 mètres d'eau. Le sable est jaune rougeâtre; c'est un mélange de débris de coquilles et de Nullipores, dont la grosseur augmente avec la profondeur de l'eau. Il a la composition suivante :

  • Carbonate de chaux et sels solubles            88
  • Résidu de silice et gravier                             9
  • Eau et perte                                                      3

Total   100

 

2. Le Cordonnier, dans le sud-est de la pointe de Bloscon , long de 2 000 mètres et large de 200. Il reste dessus 3 mètres d'eau. Le sable est jaune rougeâtre et presque uniquement formé de menus débris de Nullipores, dont la grosseur augmente avec la profondeur de l'eau. Il a la composition suivante :

  • Carbonate de chaux et sels solubles            81
  • Résidu de silice et gravier                             17
  • Eau et perte                                                      2

Total   100

 

3. Penpoull , dans l'est de Sainte-Anne. au bord du chenal de la rivière de Saint-Pol. Il a 3 000 mètres de longueur et 70 de largeur. Le bout sud découvre un peu , tandis qu'il reste de 15 à 16 mètres d'eau sur l'extrémité nord. Dans le sud, il est blanchâtre et gros; dans le centre, il est gris verdâtre; dans le nord , il est fin et jaunâtre; mais

les trois variétés sont presque uniquement formées de Nullipores.

 

4. Pen-H’allot, à 1 000 mètres dans le nord de l’ile Callot, long de 200 mètres et large de 70. Il reste dessus 17 mètres d'eau. Le sable est jaunâtre et formé d'assez gros débris de coquilles, mêlés à de menues branches de Nullipores. Il a la composition suivante :

 

  • Carbonate de chaux et sels solubles            79
  • Résidu de silice et gravier                             18
  • Eau et perte                                                      3

Total   100

 

5. Toul-Yan-Braou , long de 200 mètres ct large de 5. Il reste dessus 8 mètres d'eau. Il est formé de débris de coquilles, renfermant les mollusques encore vivants. C'est le premier banc , en partant de l'est, où cette particularité se présente. Le sable est jaunâtre, et renferme quelques Nullipores mêlés aux coquilles.

 

6. Mers-er-Dône, a mi-distance entre la Chapelle et Ricard , long et large de 330 mètres. Il reste dessus 22 mètres d'eau. Le sable est gris foncé, mélangé de jaune et de vert. Il est formé de débris de coquilles, renfermant les animaux encore vivants et de menues branches de Nullipores.

 

7. Ourgui, dans le nord d’Aremen, long de 340 mètres et large de 40. Il reste dessus 16 mètres d'eau. Le sable est gris et formé de très menus débris de coquilles.

 

8. Ollière, dans le sud-ouest de Mers-er-Dône. Il est carré et a 50 mètres de coté. Il y reste 19 mètres d'eau. Le sable est jaune et formé de coquilles brisées, de coquillages encore vivants et de menus Nullipores. Voici sa composition :

  • Carbonate de chaux et sels solubles            67
  • Résidu de silice et gravier                             30
  • Eau et perte                                                     3

Total   100

 

9. Toul-ar-Bizinellou, entre Ricard et le Corbeau , long de 160 mètres et large de 30. Il y reste 7 mètres d'eau. Le sable est gris-bleu ,assez gros, mêlé d'un peu de vase et uniquement formé de Nullipores.

 

10. Toul-Nevez, prés le Corbeau, au nord de l'île Louet, long de 130 mètres et large de 25. ll reste dessus 6 à 7 mètres d'eau. Le sable est blanchâtre et formé de Nullipores, qui s'y rencontrent fréquemment en morceaux assez volumineux.

 

D’0llière à Carantec, on trouve une foule de petits bancs isolés les uns des autres et s'épuisant très-vite. Il y a en moyenne 36 gabares, venant cinq fois par semaine, de mars en octobre, déposer du sable dans la rivière de Morlaix. Elles font chacune cent cinquante voyages par an , et portent 4 mètres, de sorte que le transport peut s'élever a 21 600 mètres. Le reste de l'année. ces gabares sont employées au commerce du varech.

Dans la rivière de Penzé, on compte vingt-quatre gabares faisant le commerce du sable. Elles sont plus grandes que celles de Morlaix, et peuvent en moyenne porter 5 mètres; mais, en revanche, elles ne font pas plus de quatre-vingts voyages par an, ce qui ne donne que 9 600 mètres de transport annuel. Il y a près d'un siècle que le commerce du sable a commencé a Morlaix. Il n'y avait alors que deux gabares à s'en occuper. Depuis cette époque. les bancs ont énormément baissé. Sur certains, la profondeur s'est accrue de plus de 13 mètres dans les vingt dernières années. L’exhaussement des bancs est presque insensible pendant la mauvaise saison.

Il existe à Morlaix quatre tours à chaux , vendant annuellement de 5 à 600 mètres. Ils sont tous à tournée et chauffés au bois. Le prix du mètre est de 36 fr. Ils emploient généralement la pierre calcaire de Renneville. On fait cependant quelques tournées avec celle de la rade de Brest et avec le calcaire hydraulique de Brevan, près Caen.

 

Cette gabare de Morlaix, avec son équipage de 5 hommes est plus grande que les autres gabares de la flottille de Morlaix et de Penzé
Cette gabare de Morlaix, avec son équipage de 5 hommes est plus grande que les autres gabares de la flottille de Morlaix et de Penzé

Anse de Goulven

 

De l'ouest de l'île de Batz à Goulven , le littoral est formé de dunes et de plages de sable pulvérulent d'un jaune clair, renfermant des matières calcaires en proportions notables. On vient de l'intérieur prendre ce sable à tous les endroits où aboutissent des voies de communication. Le point où le commerce est le plus important est le banc dePéleine, à 1 000 mètres dans le nord de Goulven. Il est long de 3 000 mètres et large de 1 000. La mer le couvre à peine aux plus grandes marées. Le transport se fait en totalité avec des voitures. Il a lieu de mars à novembre, et le moment où il est le plus considérable est le mois de juin. On vient prendre le sable de 6 à 8 lieues, entre Lesneven et Landernau. Le transport annuel peut s’élever 30 000 mètres.

Il m'a donné un résidu siliceux de 36 pour 100. D'après M. Besnou pharmacien militaire à Brest, il a la composition suivante :

  • Carbonate de chaux et sels solubles            60
  • Sable                                                                   23
  • Alumine                                                             2
  • Matière organique azotée                              0.5
  • Humidité                                                           3
  • Sels solubles                                                    0.1
  • Perte                                                                  1.4

Total   100

 

Banc de Quéménès

 

De Goulven au Conquet, on prend toujours du sable le long de la côte, qui présente presque partout une configuration analogue à celle décrite plus haut. Cependant, dans le bras de mer de l’Abervrac’h , on apporte chaque année deux ou trois chargements de merl de Quéménès, d'une dizaine de mètres cubes chacun; une douzaine de chargements à l’Aberbenoit, et autant à l’Aberildut. Le banc de Quéménès est situé entre les îles de Quéménès et de Litery, à l'est de la première.

Le merl , jaunâtre au moment où il sort de l'eau , devient très-blanc à l'air. Il est formé de Nullipores roulés, mêlés à quelques débris de coquilles turriculées, le tout en assez gros morceaux. Il a au minimum 500 mètres de long sur 300 de large. Il découvre de l à 2 mètres aux marées d’équinoxe. Le banc est parsemé de grosses roches. Ce merl m'a donné un résidu de silice et gravier de 9 pour 100. D'après M. Besnou , il est ainsi composé :

  • Azote pour 1000                                             0.21
  • Matière organique azotées                           1,00
  • Sable                                                                 de 16 à 18
  • Carbonate de chaux                                     82,5

Banc de Lochrist

 

Il existe en face de ce point, tout le long de la côte, un banc formé presque entièrement d'une: gros débris de coquilles de moules, que les gabare enlèvent à la pelle. Ce banc est peu abondant m'a donné un résidu de sable de 30 pour 100.

 

Banc de Chinon

 

On trouve le long de l’anse de ce nom un banc de sable coquillier de couleur jaune. Ce sable est assez fin et mêlé de débris de coquilles de moules. Le banc est attenant à la côte; mais la mer est si grosse dans ces parages, que les gabares ne peuvent pas échouer et sont obligées de le draguer à flot. Il y a une cinquantaine de gabares occupées à faire ce commerce du mois d'avril au mois de septembre. Elles portent en moyenne 4 mètres et font quatre voyages par semaine, ce qui représente un transport annuel de 17,600 mètres. Le prix du mètre est de 3 fr. Il m'a donné un résidu de sable et gravier de 31 pour 100.

D'après M. Besnou, il est ainsi composé :

  • Azote pour 1000                                           0.01
  • Sable                                                               29
  • Carbonate de chaux                                     70
  • Magnésie                                                       0.95
Banc de maërl vivant
Banc de maërl vivant

Nombre et classement des bancs

 

Le nombre total des gisements calcaires exploités ou non étant le 40 pour le département des Côtes-du-Nord, 45 pour celui du Finistère et 17 pour le Morbihan, total 102, le nombre de bancs propres à être convertis en chaux serait de 19 pour les Côtes-du-Nord, 33 pour le Finistère et 11 pour le Morbihan, total 63, parmi lesquels il y a 14 gisements de calcaires siluriens, 1 de calcaire tertiaire moyen, 14 bancs de Nullipores morts, 6 de Nullipores vivants et 28 de débris coquilliers.

 

Leur épaisseur et leur abaissement de niveau

 

le n'ai pu avoir aucun renseignement direct sur l'épaisseur actuelle des différents bancs , mais il est évident que beaucoup doivent avoir des épaisseurs très-considérables; car à Morlaix, où le commerce du sable calcaire se fait depuis un siècle, certains bancs de peu d’étendue, et où l'extraction a été très-forte, soit à cause de la facilité de leurs abords, soit à cause de la bonne qualité de la matière, certains bancs, dis-je, ont baissé de plus de 13 mètres, s'il faut en croire les pécheurs, qui font ce commerce de père eu fils. A Pontrieux, où cette industrie

a pris un développement énorme depuis une quinzaine d'années, plusieurs bancs ont baissé de 6 mètres dans ce laps de temps; à Lannion, depuis vingt ans, l'abaissement de quelques bancs a été de 4 mètres.

L'abaissement considérable de ces bancs est une présomption, on pourrait dire une preuve certaine de l’épaisseur de beaucoup d’autre dont le niveau n’a pas encore varié."

 

Tableaux de synthèse des bancs d’amendements calcaires de Bretagne Nord

Commentaires

 

L’auteur de ce mémoire monsieur Hoslin ingénieur ordinaire de seconde classe affecté successivement en Ile et Vilaine et dans les côtes du nord il est en charge de l’étude de l’exploration des gisements calcaires.

 

L’exploitation et la commercialisation des amendements calcaires marins sont des vecteurs de liens entre la mer et la terre, le maërl est ramassé par les marins puis vendu au agriculteurs qui l’utilisent dans leurs champs. Pour remonter ce produit de la mer vers les campagne, cette activité se concentre sur les estuaires : le Légué avec l’estuaire du gouet, le Trieux, le Jaudy, la rivière de Lannion ou bien encore la rivière de Morlaix. Mais d’autre port hors des estuaires sont utilisé pour débarqué le maërl comme Binic, Portrieux, Paimpol, Perros.

 

Le nombre de bateaux pratiquant la récolte des amendements calcaires marins est important pour la Bretagne nord et se porte au moins à 300 avec comme équipage au alentour de 1000 hommes : 27 à Binic, 14 à Portrieux, 22 en baie de Paimpol, 40 à Pontrieux et pour les petits port du Trieux, 40 pour l’ensemble des ports de la rivière de Tréguier, 15 pour Port Blanc et les environs, 18 à Perros, 60 à Lannion, 36 à Morlaix et 24 à Penzé

 

D’autres articles feront suite à celui-ci, ils décriront les différents types de bateaux exploitant le sable ainsi que les modes de récolte

 

Bibliographie :

Jean le Bot « Bateaux des côtes de Bretagne Nord » édition des 4 seigneurs 1979

Annales agronomique de 1851

La statistique agricole générale de l’arrondissement de Morlaix en 1849 (lien sur Gallica)

 

Liens :

Fiche sur le maërl : http://fran.cornu.free.fr/affichage/affichage_nom.php?id_espece=992

http://www.rade-de-brest.infini.fr/le-maerl.html

fiche du Rebent sur le maërl

http://www.rebent.org/medias/documents/www/contenu//documents/FB01-2003-01.pdf

suivi actuel du maërl

http://www.rebent.org/medias/documents/www/contenu//documents/10_1Suivi_biodiversite_Maerl.pdf

 

Les bateaux sabliers de Lannion remonte la rivière avec le courant de flot
Les bateaux sabliers de Lannion remonte la rivière avec le courant de flot