Long-cours

1903, Le matelot Maurice Ollivier de Plouézec commande le trois-mâts barque Mezly à l’âge de 20 ans

Le trois-mâts barque  Mezly en escale sur la côte ouest des état unis, sa peinture est bien défraichie par des mois de mer
Le trois-mâts barque Mezly en escale sur la côte ouest des état unis, sa peinture est bien défraichie par des mois de mer

Ouest Éclair du mercredi 7 janvier 1903

 

Triste retour du Mezly

 

Malades du béribéri – Trois morts dont le capitaine

Il ya quelques jours, nous signalions la rencontre en mer du rois mâts Mezly, allant de Saïgon à Dunkerque avec 1650 tonnes de riz blanc. Le navire avait signalé « capitaine mort en route ».

Le trois-mâts est arrivé hier à Dunkerque. Depuis son départ de Saïgon, fin aout l’état-major a été décimé en cours de route par une étrange maladie, le béribéri qui se caractérise par l’émoussement de la sensibilité, l’extinction de la voix, l’émaciation, puis des mouvements choréiques et la paralysie.

Le capitaine M. Donval, succombe le 12 novembre, dans l’océan Indien ; le second aux Açores, le 24 décembre ; le maitre d’équipage dimanche dernier.

C’est le lieutenant Ollivier, de Plouézec, qui a ramené le navire à Dunkerque. Deux hommes sont encore gravement malades. Voici les noms des morts : le capitaine François Donval, le second Léon Hendoux et le maitre d’équipage Alexis Le Gall

Ouest Éclair du jeudi 8 janvier 1903

 

Un capitaine de vingt ans

 

Nous recevons de Dunkerque les détails suivants sur la traversée du trois_mâts Mezly, dont nous avons parlé hier.

Le trois-mâts Mezly avait quitté Saïgon en aout dernier, quand on peu après, une épodémie ayant éclaté à bord, le capitaine Donval tomba malade. Le 18 novembre il expirait et son cadavre était immergé. Le malheureux marin s’était marié à Dunkerque , trois mois avant de partir pour Saïgon.

Le second M. Léon Hendoux de Paris prit le commandement. C’était un jeune et déjà habile marin de 24 ans, bachelier es-lettres et es-science. Élève de la marine marchande de 1er classe il eût sûrement passé capitaine aux prochains examens. La compagnie générale d’armement à laquelle appartient le Mezly, lui avait même promis un commandement.

Quelques jours plus tard, il tombait malade à son tour.

D’une énergie peu commune, Hendoux continua à diriger le trois-mâts, il faisait relever les points par un officier du bord, le lieutenant Ollivier et suivait sur la carte la route du navire.

Le 24 décembre, Hendoux se sentit perdu, il fit ses adieux à l’équipage et devant deux témoins confia le commandement du navire à Ollivier. « Vous êtes jeune, lui dit il, intelligent, c’est vous qui conduirez le navire à Dunkerque, car demain je serai mort »

Le lendemain en effet, le pauvre garçon expirait et son corps était immergé comme l’avait été celui du capitaine.

Le commandement passa donc au lieutenant Ollivier. Mais cela n’alla pas tout seul. Ollivier, un Breton comme nous l’avons dit hier, est très intelligent et possède des qualités nautiques qui lui vaudront plus tard un commandement lorsqu’il aura passé les examens de capitaine , ce qui ne saurait tarder. Mais il est à peine âgé de 20 ans et n’avait pas de brevet ; bref, était simple matelot. Ses camarades ne voulurent pas tout d’abord le reconnaitre pour capitaine et voulurent mettre le pavillon en berne.

Ollivier prit le code maritime et leur démontra qu’il en avait le droit. Puis il leur dit : « Vous pouvez avoir confiance en moi, nous sommes exactement à tel endroit, nous marchons à une vitesse de huit nœuds, demain matin à six heures, nous passerons devant un phare qui donne tant d’éclats à la minute » et le lendemain matin, à l’heure dite, les matelots acclamaient leur jeune capitaine qui leur montrait qu’il avait exactement suivi la route indiquée.

Avant de mourir, Hendoux avait fait promettre à Ollivier de ne pas relâcher et cela pour ne pas compromettre les intérêts de l’armement.

Ce matelot de vingt ans, improvisé capitaine a tenu sa promesse et comme un vieux routier de la mer, a ramené le navire à Dunkerque avec un équipage malade et après avoir, par suite du mauvais temps, perdu une partie de ses voiles.

Cinq marins atteints de béribéri ont été conduits à l’hôpital en arrivant.

 

Dans le ouest Éclair du 11 janvier 1903 on apprend :

 

Les malades du Mezly

L’état des marins atteints du béribéri et transportés à l’hôpital de Dunkerque est stationnaire.

Quatre autres matelots du Trois-mâts Mezly sont à leur tour entrés à l’hôpital, ce qui porte au nombre de neuf les marins de ce navire en traitement dans cet établissement.

 

L’équipage du Mezly le 29 octobre 1911 au centre le capitaine au long-cours Droguet entouré du second et du lieutenant , l’équipage est de 22 hommes, on imagine la difficulté de mener le navire sans les 9 matelots malades et 3 hommes décédés
L’équipage du Mezly le 29 octobre 1911 au centre le capitaine au long-cours Droguet entouré du second et du lieutenant , l’équipage est de 22 hommes, on imagine la difficulté de mener le navire sans les 9 matelots malades et 3 hommes décédés

Commentaires :

Le Mezly

Le Mezly est un trois-mâts barque en acier de 2100 tonnes de port en lourd construit en 1901 aux chantiers Dubigeon de Nantes pour la Société des Transports Maritimes de Marseille dont ce fut l’unique voilier. Il fut vendu en 1907 à la Société Générale d’Armement de Nantes

Ses caractéristiques sont les suivantes : Longueur  75,40 m  Largeur  11,50 m  Creux  7,29 m, Jauge Brute 1580 tonneaux, Port en Lourd 2100 tonnes, Surface de voilure  2365 m2.

La vie du trois-mâts Mezly a été sous le signe de la malchance :

A son premier voyage en 1901, son commandant le capitaine au long-cours Célestin Dagorne de St Briac décède à Saïgon.

Son second voyage, en 1902, la triste traversée de Saïgon à Dunkerque, que nous venons de raconter.

En 1907, à port Talbot au pays de Galles, alors que le trois-mâts a fini son chargement de charbon et s’apprête à appareiller pour le Chili, une très forte explosion de poussière de charbon fait couler le navire dans le port en faisant plusieurs victimes. Le navire fut renfloué remorqué à St Nazaire et réparé

En 1910 il démâte de son petit mât de hune dans le pacifique.

Et enfin pour clore cette succession malheureuse, le 3 mai 1917, il est coulé au canon, après arraisonnement et évacuation de l’équipage, par un sous marin allemand.

 

Le Mezly à Sydney en 1910 en escale suite à son démâtage de son petit mât de hune
Le Mezly à Sydney en 1910 en escale suite à son démâtage de son petit mât de hune

Marins du Trégor et du Goélo au long-cours

Même si les ports Bretagne nord, en ce début de XXème siècle n’armaient quasiment pas au long cours de nombreux marins de Bretagne nord naviguaient au long cours principalement depuis les ports d’armement de Dunkerque, Le Havre, Rouen ou Nantes. Le pays de Paimpol, et la presqu’île de Pleubian est un véritable vivier de marin. En particulier pour les capitaines au long-cours, par exemple un grand nombre de commandants des voiliers de l’armement Bordes sont originaires de cette partie de la Bretagne. Pour la population littorale, les marins de la voile au long-cours représente une élite et lorsque les cap-horniers sont de retour chez eux ils font l’admiration des marins qui naviguent à la petite pêche, au bornage ou au cabotage.

 

Le Béribéri

Le Béribéri est une maladie provoqué par une forte carence en vitamine B1 du la

malnutrition. Entrainant une insuffisance cardiaque et des troubles neurologiques, le malade du béribéri est dans un état de faiblesse extrême, cette maladie peut provoquer la mort. Le mot béribéri vient de la langue parlée à Ceylan et signifie : « je ne peux pas , je ne peux pas » .

Les symptômes de la maladie apparaissent au bout de 2 à 3 mois de carence Le béribéri reste associé aux pays de riz, en effet le riz blanc ne contient pas de vitamine B1 contrairement au riz brun non épuré.

L’équipage du Mezly, devait manger du riz blanc de la cargaison, ce qui a du augmenter cette carence. De plus le voyage du Mezly entre la Chine et la France fut particulièrement long 260 jours de mers. les vivres étaient certainement presque épuisés vers la fin du voyage à l’exclusion bien sur du riz.

D’autre voyages sur des grands voiliers furent encore plus dramatique que celui-ci à cause du Béribéri : en 1927 le « Général de Négrier » est en dérive en méditerranée, tout son équipage est atteint du béribéri et est incapable de manœuvrer le voilier. Robert de la Croix raconte cette mésaventure dans son livre « histoires extraordinaires de la mer »

 

 

1907 le Mezly coulé dans le port de Port-Talbot, suite à l’explosion de poussière de charbon
1907 le Mezly coulé dans le port de Port-Talbot, suite à l’explosion de poussière de charbon

 

 

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Le journal de bord d’un pilotin à bord du « Mac Mahon » en 1903

Le Mac Mahon sur le dock de Chantenay en 1898
Le Mac Mahon sur le dock de Chantenay en 1898

Voici le journal de bord passionnant d’un pilotin de 19 ans, capitaine théorique, embarqué, à bord du trois mâts nantais Mac-Mahon pour apprendre la pratique du métier d’officier de marine au commerce.

 

Sur le Mac Mahon, l’équipage est de 29 personnes, Le capitaine Le Goff est de Saint-Malo, le second M. Humbert est paimpolais et 12 matelots sont du quartier maritime de Paimpol.

 

Les matelots et les officiers au long-cours, originaires du goélo et du pays malouin, embarquaient généralement sur les voiliers des compagnies nantaises, par contre, les matelots du Léon et des alentours de Morlaix embarquaient souvent sur des voiliers du Havre ou de Dunkerque


Impressions d’un jeune marin à son premier voyage
et

Vie à bord d’un grand long-courrier pendant 5 mois

(25 juin 1903 – 17 novembre 1903)

Par

Georges Cayron 


Pour l'exposition universelle de 1900, les chantiers de la Loire firent construire une superbe maquette du Mac Mahon. Vue de la dunette, la chambre de veille est juste en arrière du mât d’artimon
Pour l'exposition universelle de 1900, les chantiers de la Loire firent construire une superbe maquette du Mac Mahon. Vue de la dunette, la chambre de veille est juste en arrière du mât d’artimon
Le grand panneau, un grand dalot (un homme peut passer à travers), le grand mât, le petit roof avec la cuisine et les embarcations bien saisies en hauteur
Le grand panneau, un grand dalot (un homme peut passer à travers), le grand mât, le petit roof avec la cuisine et les embarcations bien saisies en hauteur

Caractéristiques du Mac Mahon
 3110 tonnes de port en lourd, 2197 tx jauge brute, 1731 tx de jauge nette
Longueur  79,58 m  Largeur 12,26 m  Creux  7,29 m  TE moyen 6,20 m 2631 m2 de voilure


Histoire du Mac Mahon


Trois-mâts barque à coffre type A des ateliers et chantiers de la Loire lancé le 5 Avril 1898 pour la Sociétés des Voiliers Nantais
Pris au chantier par le CLC Le Goff. Pas d'incident exceptionnel au cours de sa carrière et traversa toute la Grande Guerre indemne.
A noter une traversée New York-Melbourne en Février 1908 :le Mac Mahon avait quitté New York le même jour et à la même heure que le trois-mâts La Fontaine . Les deux voiliers se retrouvèrent le même jour et à la même heure à l'entrée du port de Melbourne, ce qui est unique dans les annales de la navigation à voile.
 Le 3 Juillet 1922 le Mac Mahon, arrivant de Dunkerque, fut remisé dans le canal de La Martinière. Il en ressortit le 30 Août 1926 pour la démolition.

Plan des trois-mâts barque à coffre type A des ateliers et chantiers de la Loire : Général de Charrette, Mac Mahon, Général de Boisdeffre, Bourbaki, Maréchal Davout, Maréchal-Lannes, Maréchal de Villars, Maréchal de Turenne
Plan des trois-mâts barque à coffre type A des ateliers et chantiers de la Loire : Général de Charrette, Mac Mahon, Général de Boisdeffre, Bourbaki, Maréchal Davout, Maréchal-Lannes, Maréchal de Villars, Maréchal de Turenne
A serrer la grand-voile
A serrer la grand-voile