Gens de mer

1818, une curieuse découverte dans un canot au large de l’île de Batz

Le cotre des douanes de Morlaix  le Voltigeur était certainement plus fort et mieux armé que ce joli cotre anglais sur ce tableau de  Nicholas Pocock (National Maritime Museum)
Le cotre des douanes de Morlaix le Voltigeur était certainement plus fort et mieux armé que ce joli cotre anglais sur ce tableau de Nicholas Pocock (National Maritime Museum)

« Dans une précédente croisière, nous avons fais une assez drôle de rencontre. Cette fois, nous montions le cutter. Nous louvoyions à petite bordée, à environ trois lieues de terre, à la hauteur de l’île de Batz, temps calme presque plat, quand, vers le point du jour, l’homme de quart aperçut une embarcation poussant au large, et qui nous avait dépassés pendant la nuit. Je pris la longue-vue, et je vis que ce n’était pas un smogleur.

Une si petite barque si loin de terre me surprit ; je pensai que ce pouvait être un canot mal manœuvré, ou que les courants l’avaient entrainé. Je gouvernai dessus. A peine avions-nous fait ce mouvement et pris chasse, que le canot hissa une voile de plus, et je ne doutai pas qu’il ne voulût nous échapper. Cela devenait suspect. Je fis tirer un coup de canon à poudre, mais il n’en tint compte. Il était facile de voir qu’il gagnait sur nous ; le vent était faible, et il usait de ses rames, ce que nous ne pouvions faire. Je fis tirer un second coup, à boulet cette fois, mais de manière à ne pas l’atteindre. Le boulet, qui ricocha, en passa assez loin. Néanmoins, il fit son effet moral : la voile tomba, et les rames s’arrêtèrent.

 

Le canot de Roscoff pris au large de l’île de Batz était probablement gréé de deux voiles au tiers comme ces petits flambarts de Ploumanac’h vers 1900
Le canot de Roscoff pris au large de l’île de Batz était probablement gréé de deux voiles au tiers comme ces petits flambarts de Ploumanac’h vers 1900

Bientôt nous fûmes bord à bord. Il y avait dans le canot deux marins que je reconnus, ainsi que le canot, pour être de Roscoff. L’individu qui tenait la barre paraissait étranger. A tribord, était assis un jeune homme bien mis et d’une figure assez distinguée.

Interrogé par quel accident ils se trouvaient si loin de terre dans une barque si frêle, il garda le silence ; mais l’homme de la barre répondit en mauvais français qu’ils étaient sortis de Roscoff pour faire une partie de pêche, et qu’ils allaient y retourner. Je lui dis qu’ils feraient bien de naviguer de conserve avec nous, parce que l’horizon se chargeait, et qu’un grain pourrait les atteindre.

Dans ce moment, un objet qui était couvert d’un manteau fit un mouvement que le jeune homme arrêta en étendant sa main dessus.

Le second du cutter qui l’avait vu, lui cria : « Vous êtes donc cinq à bord ? – No » reprit-il d’un ton de mauvais humeur, et il fit un signe au timonier.

« Ceci n’est pas clair », me dit tout bas le second qui commandait en l’absence du capitaine malade. Cependant, sur un nouveau signe du jeune voyageur que j’avais reconnu pour Anglais, le canot , que nous avions laissé libre, s’éloignait. Il était évident qu’on voulait nous cacher quelque chose : probablement un individu qui se sauvait.

« Êtes-vous quatre à bord, répéta le second. Répondez, ou nous allons tirer. »

A l’instant même , et malgré les efforts que fit l’Anglais ? le manteau tomba, et une jeune et jolie fille, criant à tue-tête : « Ramenez-moi à terre ! ma mère ! ma mère ! » parut à notre grand ébahissement.

 

Jeune femme avec le costume de Saint Pol de Léon
Jeune femme avec le costume de Saint Pol de Léon

L’équipage du canot, excité par l’anglais dont nous entendions les goddam, faisait, pour s’éloigner, des efforts désespérés, et comme le vent était tout-à-fait tombé, il y serait parvenu, car il ne s’agissait plus de leur envoyer des boulets : on ne tire pas sur les dames.

Je fis mettre notre yole à la mer. Le second y sauta avec trois hommes, et dix minutes après, notre prise était à la remorque du cutter, et l’Anglais et la demoiselle sur notre pont ;

Elle était Française et de Saint-Pol-de-Léon. On aurait cru voir un enfant. Elle nous dit qu’elle avait seize ans, et que cet Anglais et son domestique, celui qui tenait la barre, l’avaient enlevée lorsqu’elle était à se promener au bord de la mer.

A cette accusation, le gentleman, qui d’abord avait voulu faire le fier et ne pas répondre, déclara énergiquement que c’était faux, et que la demoiselle était venue de son plein gré. Je leur dis qu’ils s’expliqueraient devant la famille, car j’allais les y conduire. La jeune fille parut fort contente de cette décision. Le monsieur était moins satisfait.

Pendant ce temps, les deux matelots de Roscoff semblaient être devenus fous : l’un sanglotait, l’autre s’arrachait les cheveux et voulait se jeter à la mer. Je demandai la cause de se grand désespoir ? Il venait d’une mauvaise plaisanterie du second, qui leur avait dit qu’ils seraient mis aux galères pour avoir aidé un Sauzon à enlever une Bretonne. Quant au domestique timonier, il fumait sa pipe aussi tranquillement que si rien n’était arrivé.

 

Ce tableau illustre bien le retour à Roscoff du cotre le Voltigeur avec le canot en remorque (Coll National Maritime Museum)
Ce tableau illustre bien le retour à Roscoff du cotre le Voltigeur avec le canot en remorque (Coll National Maritime Museum)

Pour en finir avec cette histoire, nous ne pûmes rentrer à Roscoff que le lendemain, parce que le temps, ainsi que je le prévoyais, devint mauvais, et que le canot que nous avions à la remorque nous retardait. L’anglais, qui s’était humanisé en voyant qu’il aurait pu souper dans l’autre monde, lui et sa conquête, si nous ne les avions pas rencontrés, m’avoua qu’il allait aux îles anglaises avec cette jeune fille, mais que ses intentions étaient honnêtes et qu’il voulait l’épouser.

Je crois bien qu’il mentait ; mais ce n’était pas mon affaire. Je le laissai se débrouiller avec les parents que j’avais fait prévenir dès l’arrivée, et qui étaient accourus en grande hâtes pour reprendre leur fille.

Elle ne demandait pas mieux que de les suivre. J’ai lieu de penser qu’elle était dégoûtée pour longtemps des parties de canot et des amoureux d’outre-mer.

Quoi qu’il en soit, notre pêche, sans être miraculeuse, a fait ici, pendant huit jours, le sujet de toutes les conversations. »

 

Par Jacques Boucher de Perthes

« Sous dix rois » Tome 4 1863

 

On imagine la joie de cette jeune Saint Politaine de retrouver ses parents après cette mésaventure
On imagine la joie de cette jeune Saint Politaine de retrouver ses parents après cette mésaventure

Commentaires

 

Cette histoire se passe en 1818, son auteur Jacques Boucher de Perthes était alors directeur des douanes du secteur de Morlaix, son navire était le cotre le Voltigeur.

 

D’autres époques , d’autres mœurs, le directeur des douanes prend à la légère cet enlèvement d’une jeune fille mineure et ne livre pas à la police son auteur et ses complices.

 

Pour d'autre récit de Boucher de Perthes à bord du cotre des douanes vers 1820

 

Les marins de Roscoff n’hésitaient pas à traverser la Manche ou à rejoindre les îles Anglo-Normandes dans des canots à la voile et à l’aviron, lavis postérieur à ce récit comme le montre le vapeur (coll National Maritime Museum)
Les marins de Roscoff n’hésitaient pas à traverser la Manche ou à rejoindre les îles Anglo-Normandes dans des canots à la voile et à l’aviron, lavis postérieur à ce récit comme le montre le vapeur (coll National Maritime Museum)
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Le cotre de Carantec « le Pirate », de l’île Louet à Trégastel

Le Pirate au Coz Porz à Trégastel, sur un bord de près, il avance bien et ne traine vraiment pas d’eau
Le Pirate au Coz Porz à Trégastel, sur un bord de près, il avance bien et ne traine vraiment pas d’eau

L’histoire du cotre le Pirate commence par un abandon fortuit. En juin 1914, un hollandais Monsieur Van Den Aren en villégiature à Carantec, fit construire au chantier Pauvy, un joli cotre de plaisance proche des plus beaux pilotes de la baie de Morlaix. Ce petit yacht de 6.5m fut baptisé « le Pirate ». Durant l’été 1914, la famille Van Den Aren dut quitter précipitamment Carantec la guerre étant déclarée. Laissant le Pirate sur la grève du Clouet à proximité du chantier.

 

L’été suivant, bien évidement on ne vit pas réapparaitre, à Carantec la famille Van den Aren. Le bateau commença a être pillé de son compas des cirés et des vêtements qui étaient restés à bord.

 

Une coque magnifique au plan de voilure généreux et équilibré
Une coque magnifique au plan de voilure généreux et équilibré

Trouvant l’abandon d’un joli bateau bien triste Il pris une idée à Madame Réguer la femme du gardien de phare de l’île Louet , elle en parla à son mari « si l’on proposait à Monsieur Van Den Aren de lui acheter son bateau » Une lettre dans se sens lui fut envoyé. Avec le guerre, il désespéraient d’avoir une réponse, longtemps après ils reçurent un télégramme suivant « Prenez bateau On les aura Vivent les poilus » signé Van Den Aren.

 

C’est comme cela que Louis Réguer, qui vivaient sur l’île Louet, avec sa femme et leur sept enfants devint propriétaire du yacht « Le Pirate »

 

Louis Réguer à la barre devant son île
Louis Réguer à la barre devant son île
Le Pirate, avec les enfants Réguer, le flèche à vergue verticale et balestron est établi
Le Pirate, avec les enfants Réguer, le flèche à vergue verticale et balestron est établi
Les gars de la famille promènent des touristes en baie à bord du « Pirate »
Les gars de la famille promènent des touristes en baie à bord du « Pirate »

Les enfants de la maison, déjà habitué au canot de leur père, ont vite fait de prendre en main le pirate. Thomas et Pierre emmènent des touristes en balade, à l’île de Batz, Roscoff ou Primel. Mais les filles de la maison n’étaient pas en reste et participaient aux régates avec leur frères. Une fois Marie, avec son frère Thomas, emmenèrent des touristes visiter le château du Taureau, pendant que Thomas fait la visite, il demande à sa sœur de rester à faire des tours avec le bateau. Elle est a son affaire, virement sur virement, à border écoutes de foc et de trinquette.

 

Près du petit cochon elle prit la direction du corbeau pensant avoir assez d’eau sur l’herbier mais le Pirate talonne et s’échoue. Son frère Pierre qui revenait de relever les casiers du coté du grand Cochon, avec l’autre canot de la famille, lui dit de tout affaler. La marée montait et le Pirate mit pas longtemps à décoller et à revenir au corps-mort. Mais Marie n’était pas fière d’elle ce jour la.

 

Devant l’île Louet et le château du Taureau, ce joli cotre à la grand-voile arrisée n’est pas le Pirate. Cette photo montre bien le terrain de jeux des enfants Réguer
Devant l’île Louet et le château du Taureau, ce joli cotre à la grand-voile arrisée n’est pas le Pirate. Cette photo montre bien le terrain de jeux des enfants Réguer

Plus tard dans les années 20 le bateau fut vendu à Trégastel ou il navigua entre les mains expertes de la famille Stéphan. Comme on le voit sur les photos de l’article

 

Vers 1938 il est détruit sur la grève du Moulin à Ploumanac’h

 

Formes de l’arrière avec une belle voute, pour ses 6.5m il a un bon tirant d’eau
Formes de l’arrière avec une belle voute, pour ses 6.5m il a un bon tirant d’eau

Sources :

 

Autre photos du Pirate sur le site des archives départementales de côtes d’Armor

 

L’émouvante histoire de la famille Réguer gardien de phare de l’île Louet : Au pied du phare

 

 

On retrouve bien les lignes tendues des cotres de Carantec
On retrouve bien les lignes tendues des cotres de Carantec
Un superbe bateau certainement très équilibré
Un superbe bateau certainement très équilibré
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La compagnie des paquebots du Finistère, ou l’histoire de la liaison par vapeurs entre Morlaix et le Havre (1839, 1915)

Le port de Morlaix avec le steamer le Morlaisien à quai gravure du Magasin Pittoresque de 1843
Le port de Morlaix avec le steamer le Morlaisien à quai gravure du Magasin Pittoresque de 1843

Au printemps 1839, le célèbre marin et auteur de récits maritimes, Edouard Corbière, créé la Compagnie des paquebots du Finistère. Suite à la demande de son ami Alexandre-Etienne Tily

 

Alexandre Tilly négociant morlaisien et ancien président de la chambre de commerce est l’un des responsables de la maison de négoce Vacher et Tilly.

 

Edouard Corbière est installé au Havre depuis 1828 ou il dirige le Journal du Havre, et se consacre à l’écriture de ses romans maritimes. Il est politiquement très actif et est très impliqué dans la vie économique et maritime du Havre, mais garde de nombreuses attaches en Bretagne, sa mère Jeanne-Renée Dubois était née à Morlaix.

 

Quel est le contexte de l’établissement de cette ligne régulière entre Morlaix et le Havre ?

Morlaix au XVIIème siècle, exportait une grande quantité de toiles de lin : les crées les roscones. Et représentait pour la Bretagne un haut lieu de cabotage. En ce début du XIXème , le commerce de cabotage de Morlaix reste important, même si le commerce des toiles a considérablement diminué , c’est le port le plus important du Finistère, pour le tonnage transporté, dépassant Brest et Quimper.

 

Corbière et Tilly compte développer le commerce des produits agricoles, en 1838 la production maraichère est peu développée et l’élevage existe uniquement pour la consommation locale. Le potentiel aussi bien en exportation des produits agricoles et de l’importation des produits manufacturés est énorme, Tilly et Corbière le savent bien lorsqu’ils se lacent dans l’aventure de cette compagnie de paquebots assurant une liaison régulière entre Morlaix et le Havre.

 

Ils ne tardent pas à trouver d’autres investisseur pour créer cette compagnie au capital de 300 000 francs.

 

Lancement d’un paquebot au chantiers Augustin Normand du Havre en 1836
Lancement d’un paquebot au chantiers Augustin Normand du Havre en 1836

Corbière s’adresse au chantier d’Augustin Normand au Havre pour la construction du steamer le Morlaisien. Le Morlaisien est lancé le 14 mai 1839. Le Morlaisien fut le 17ème vapeur lancé par Augustin Normand, qui à la pointe de la technologie, construit des vapeurs depuis 1830. Le Morlaisien est construit en bois, la longueur à la flottaison est de 45,77 m il est propulsé par des roues à aubes grâce à une machine à vapeur anglaise de 120 CV.

 

Le 10 juillet 1839, à huit heure et demi du soir c’est le départ du havre du voyage inaugural, il est attendu le lendemain après-midi suite à une croisière de 21 heures. Édouard Corbière est a bord avec de nombreux passagers Il est accueilli en fanfare à Morlaix par un public nombreux. C’est la première fois qu’un navire à vapeur arrive à Morlaix, le port à cette époque n’a pas d’écluse et de bassin et échoue à chaque marée. Cette arrivée fit l’objet de plusieurs articles de journaux, le Morlaisien fut visité par 30 000 personnes venant de toute la région.

 

Dès le début c’est un succès. L’impact du service régulier du Morlaisien sur l’économie locale et sur certains travaux concernant le port finistérien, et sa rivière d’accès, fut capital. Le 15 mai 1840, le président de la chambre de commerce de Morlaix, un certain Daniélou, adressa à Adolphe Thiers, alors président du Conseil des ministres, l’observation suivante : « Depuis l’établissement du Morlaisien, nos rapports avec le havre ont quadruplé ; nos expéditions sur cette destination qui ne dépassaient pas annuellement 650 tonneaux, se sont élevées en dix ans à 2300 tonneaux, au nombre desquels 1600 tonneaux de produits agricoles dont quelques-uns ont obtenu un débouché tout nouveau comme le bétail en pied qui n’est pas compté dans ce tonnage et dont il a été exporté par cette voie 2367 têtes. »

 

Le Morlaisien assure deux rotations par semaine, il s’avère si rentable et la demande est si importante que les actionnaires de la Compagnie du Finistère envisagent dès 1842 la mise en service d’un second vapeur .

 

Paquebot la Seine construit en 1835 aux chantiers Augustin Normand, le Morlaisien devait être très proche de ce paquebot de même taille
Paquebot la Seine construit en 1835 aux chantiers Augustin Normand, le Morlaisien devait être très proche de ce paquebot de même taille

En 1844, Édouard Corbière, directeur de la Compagnie, s’installe à Morlaix suite à son mariage avec la fille de son ami morlaisien Joachim Puyot également impliqué dans la compagnie du Finistère. Le siège de la compagnie reste au Havre.

 

Les équipages

 

L’équipage du Morlaisien est de 17 hommes.

 

Le premier équipage est le suivant :

 

Yves Moal capitaine né à l’île de Batz (maitre au cabotage le havre le 9 juin 1830)

Le Lea second, né à l’île de Batz (maitre au cabotage Lorient 21 avril 1836)

Hervé Yves, maitre d’équipage né à Plounez (côtes du nord)

Dawnec John, premier mécanicien, né en Ecosse

Furnell John, second mécanicien, né à Londres

Carter William, chauffeur, né à Londres

King James, chauffeur, né à Londres

Hollinsworth Henry William, chauffeur, né à Londres

Bronfield Henry, chauffeur, né à Southampton

Cartan John Mare, aide-chauffeur, né dans le comté de Down (Irlande)

Even Henry, matelot, né à l’île de Batz

Moulin Louis matelot, né à l’île de Batz

Auttret Jean, matelot,né à l’île de Batz

Berthou Yves, matelot né à Ploumilliau

Rolland Jean, né à Roscoff.

Querné Alain mousse né à Penzé

Moulin Joseph (fils de Louis Moulin), mousse, né à l’île de Batz

 

Un curieux équipage, quelques remarques s’imposent

 

L’ensemble du personnel de machine est du Royaume-Unis, nous sommes, à cette époque, au tout début de la navigation à vapeur, les compétences sont en Grande-Bretagne, ils sont en situation de quasi monopole et il existe certainement beaucoup de cooptation pour former les équipages machines, de plus en tant que citoyens étrangers ils ne sont pas soumis au régime de l’inscription maritime. Les salaires du personnel de machine sont nettement plus élevés que ceux du reste de l’équipage. A bord du Morlaisien, les salaires sont mensuel, et non au voyage comme sur les caboteurs à voiles. Le premier mécanicien touche 300 francs alors que le capitaine ne touche que 200 F. chaque chauffeur touche 100 F. soit autant que le maitre d’équipage et nettement plus qu’un matelot à 60 F.

 

Le capitaine, le second et une grande partie de l’équipage sont ilien de l’île de Batz. L’équipage, a certainement été recruté par Édouard Corbière, car dans sa jeunesse, comme mousse puis comme aspirant Corbière à navigué avec des iliens à bord du cotre le Printemps et du lougre le Granville au service de la protection des convois en manche.

 

Cet équipage ne dura pas longtemps, le capitaine et une partie de l’équipage débarque le 10 septembre 1839, seulement deux mois après le voyage inaugural. J’ignore si il y a eu un problème particulier, le nouveau capitaine fut Trubert de Cherbourg.

Par la suite et sur les autres navire de la compagnie des paquebots du Finistère, la main d’œuvre britannique sera remplacée par des normands et des bretons, vers la fin du XIXème siècle les équipages de la Compagnie du Finistère sont des communes maritimes de la baie de Morlaix : Henvic, Carantec et surtout de Taulé et de Locquénolé.

 

 

Demi-coque de conception du Morlaisien chantier Augustin Normand (Musée de l’ancien Havre)
Demi-coque de conception du Morlaisien chantier Augustin Normand (Musée de l’ancien Havre)

Les navires

 

Le Morlaisien

Le premier navire de la Compagnie des paquebots du Finistère en service de 1839 à 1867

Paquebot en bois, non doublé de cuivre

Constructeur : Augustin Normand, le Havre

Lancé le : 14 mai 1839

Vendu en 1867

Longueur 150 pieds, 45,77 m

Tirant d’eau : 8 pieds, 2,44 m

Déplacement : 402 tonnes

Capacité : 150 passagers

Machines : Barnes Londres

Type : Basse pression

Puissance : 120 chevaux

Type de Propulsion : roues à aube

Capitaine successifs : Moal, Trubert, Darre, Brossiers

 

Après sa carrière morlaisienne le Morlaisien fut

Edouard Corbière, vend lui-même le Morlaisien, en 1867, à la Sté Coycaud-Boussang et Cie armateur à Arcachon pour l’affecter au cabotage et en particulier à l’importation d’huitres creuses du Portugal . En mai 1868, le capitaine Patoizeau ramène un chargement d’huitres portugaises vers Arcachon, le navire est malmené par la tempête dans le golfe de Gasconne. En raison du mauvais temps les passes du bassin sont impraticables, le capitaine décide de se réfugier dans l’estuaire de la Gironde et tente de vendre son chargement à Bordeaux, son chargement d’huitres altéré par le retard et les mouvement du navire dégage une odeur nauséabonde et est refusé, le capitaine fait demis tour pour jeter par-dessus bord son chargement du coté du Verdon, Il pratique un véritable ensemencement, certaine huitres survivent, cela deviendra le premier banc huitres creuses français .

 

 

Avant de la demi-coque de conception du Morlaisien chantier Augustin Normand datée de 1838
Avant de la demi-coque de conception du Morlaisien chantier Augustin Normand datée de 1838

Le Finistère

Paquebot en fer

Constructeur : Augustin Normand, le Havre

Lancé en : 1846

Mis en vente au Havre en 1870

Longueur : 47,75 m

Largeur : 6,74 m

Tirant d’eau : 3,10 m

Déplacement : 390 tonnes

Capacité : 150 passagers

Machines : Miller, Ravenhill Londres

Type : Moyenne pression

Chaudière : Nillus Le havre

Puissance : 120 chevaux

Type de Propulsion : roues à aube

Capitaine successifs : Trubert, Morin Fautrel

 

En 1846 Finistère est à la pointe de la technologie, il semble que ce soit le premier navire de mer français construit en fer, les navires à vapeur précédemment construit en fer aux chantiers Augustin Normand, étaient destinés à une navigation sur la Seine

 

Demi-coque de conception du Hambourg chantier Augustin Normand (Musée de l’ancien Havre)
Demi-coque de conception du Hambourg chantier Augustin Normand (Musée de l’ancien Havre)

Le Hambourg

Paquebot en bois

Constructeur : Augustin Normand

Lancé en 1834

Longueur : 48,50 m

Tirant d’eau : 3,33m

Déplacement : 509 tonnes

Machines : Fawcette Liverpool

Type : basse pression

Chaudière : Mazeline frères Le havre

Type de Propulsion : roues à aube

Capitaine successifs dans la compagnie du Finistère 1854 1862 : M Guyaumard, M Lemarié, M Duval

 

Le Hambourg fut le bateau de la discorde, son achat provoqua des conflits au sein du conseil d’administration de la compagnie : Messieurs Vacher et Tilly achètent ce navire en 1854 à Marseille outrepassant le refus d’Edouard Corbière d’ajouter un troisième navire à la compagnie. Edouard Corbière avec la majorité des actionnaires forcent Messieurs Tilly et Vacher à quitter la compagnie en créant une nouvelle compagnie dissidente pour le Hambourg affecté à la liaison Brest le Havre. Cela ne porta pas chance au navire. Le 17 octobre 1862 Hambourg fit naufrage dans une collision de nuit par gros temps avec le trois-mâts Juanita de Bayonne, quinze personnes, passagers et équipage furent noyé dans ce naufrage

 

Le Morlaix

Paquebot en fer à hélice

Lancé en 1867 sous le nom de Duguesclin et rebaptisé de suite le Morlaix

Le Morlaix dont je n’ai pas retrouvé les caractéristiques détiendra le record de longévité dans la compagnie il y naviguera pendant 40 ans et fut vendu en 1907 pour naviguer en Algérie à Oran sous le nom de Mektoub

 

Le Finistère

Le second du nom est un paquebot en fer à hélice

Construit à Dundée en Écosse en 1875 il fut mis en service sur la ligne Morlaix Le Havre le 9 octobre 1880 Son dernier voyage depuis Morlaix fut en 1911. Il fut vendu en Algérie en 1912.

 

L’Édouard Corbière par Adam (Musée de Morlaix)
L’Édouard Corbière par Adam (Musée de Morlaix)

L’Édouard Corbière

L’Édouard Corbière fut le dernier navire de la compagnie des paquebots du Finistère

Construit en 1907 au Forges et chantiers de la Méditerranée au Havre, ce navire est un peu plus grand que ses ainés d’une longueur de 52 mètres, largeur 7.32 mètre il jauge 475 tonneaux. Il est commandé par le capitaine Jourdren. Il effectua pour la dernière fois le trajet de Morlaix au Havre les 21 au 22 juillet 1915. Ce fut le dernier voyage de la compagnie après 76 années d’existence sur la ligne Morlaix le Havre.

 

L’Édouard Corbière est réquisitionné par la marine comme transport auxiliaire en méditerranée. Dans la matinée du 19 juin 1917 il fut torpillé par un sous-marin autrichien à 12 milles au SW de Gallipoli .

La marine donna à la Compagnie une indemnité trop faible pour construire un nouveau navire, la Compagnie déposa son bilan en 1921.

 

 

Le chargement des marchandises issues de la production agricole à bord du Finistère
Le chargement des marchandises issues de la production agricole à bord du Finistère

Les marchandises et les passagers

 

La mise en place de cette liaison régulière entre Morlaix et le havre favorisa le développement agricole du pays de Morlaix. Les vapeurs transportent les productions maraichères des alentours de Morlaix et de Roscoff, pour être vendu sur les marché du Havre ou expédié vers Paris. Le bétail sur pied prend également une place prépondérante : chevaux d’élevage du Léon, bœufs et cochons destinés à la boucherie. Les voyages avec des animaux vivant à bord sont particulièrement bruyants, de tel manière que les marins surnomment le vapeur « le bateau à musique ».

 

Plus original, l’exportation des beurres, le beurre frais est destiné au marché local du Havre et également expédié par chemin de fer vers Paris. Les fermières du pays de Morlaix font du beurre le longue conservation conditionné dans des pots de grès hermétique, celui-ci est expédié vers l’Angleterre ou vers le Brésil par la ligne de paquebot à voile du Brésil. Ce beurre de très bonne qualité et fortement salé se conserve plus d’un an.

« l’importance du commerce de beurre de Bretagne, par le Havre, pour le Brésil et pour l’Angleterre, atteint aujourd’hui cinq millions de francs, tandis qu’il n’était que de cinq cent mille francs avant l’établissement des paquebots à vapeur pour Morlaix » Frédéric de Coninck 1859. Corbière souhaitait même construire un grand clipper français destiné entre autre à ce commerce vers le Brésil, mais son projet ne verra pas le jour.

 

La Bretagne exporte par cette voie également le plomb des mines de Poullaouen, du papier , de la cire et plus rarement des produits de la pêche.

 

Les importation de Morlaix sont très diversifiées, du tabac pour la manufacture, des productions des industries havraises, on trouve des treuils, cabestans , cordages, de la tuyauterie, de Rouen provient des faïencerie, des draps, de la mercerie, de la papeterie mais aussi des articles de mode de Paris. Ces vapeurs assurent également le transport du courrier.

 

Édouard Corbière à le sens de la communication, il édite très tôt un petit guide associant, la promenade maritime à bord des paquebots à une visite pittoresque d’une partie de la Bretagne
Édouard Corbière à le sens de la communication, il édite très tôt un petit guide associant, la promenade maritime à bord des paquebots à une visite pittoresque d’une partie de la Bretagne

Les vapeurs de la compagnie peuvent transporter 150 passagers, pour un voyage d’une vingtaine d’heure au début de la compagnie, ce temps sera réduit à seize heures avec les derniers vapeurs. Il existe trois classes, en 1847 les tarifs sont les suivants, les passagers de première classe prenaient place dans une chambre située à l’arrière des « steamers » moyennant 30 francs, ceux de seconde classe voyageaient dans la chambre avant pour 20 francs. Enfin les marins et les soldats devaient se contenter du pont qu’ils devaient partager avec les bestiaux pour la somme de 10 francs. De par ailleurs le tarifs de fret pour les animaux vivant était à la même époque de 30 F. pour un cheval, 20 F. pour un bœuf, 15 F. pour une vache, 10 F. pour un porc, 5 F. pour un mouton ou une chèvre et enfin 3 F. pour un chien.

 

Pour conclure, on peut affirmer que les 76 années de fonctionnement ont été d’une grande influence sur l’essor de l’activité économique de Morlaix et sur la vie et l’aménagement de son port. Mais également pour le développement des quartiers bretons du Havre.

 

L’Édouard Corbière dans l’écluse de Morlaix
L’Édouard Corbière dans l’écluse de Morlaix

Sources :

Patrick Tanneau « La compagnie des paquebots à vapeur du Finistère (1839-1921) »

Dans le bulletin de la société d’archéologie du Finistère 1993 article de 42 pages

 

J Berthou « Histoire de la compagnie des paquebots du Finistère : 1839-1875

Dans cahier Havrais de recherche historique N°51 1992

 

La Varende « les Augustin-Normand » 1960

 

Le port de Morlaix vers 1880 1890, le vapeur le long du quai est certainement le Morlaix
Le port de Morlaix vers 1880 1890, le vapeur le long du quai est certainement le Morlaix
Le Finistère (second du nom) au bas de la rivière
Le Finistère (second du nom) au bas de la rivière

 

 

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Le capitaine au cabotage Joseph Nicolas du Port-Blanc à Madagascar

Le dundée « Lucienne » pouvait ressembler à celui-ci Dundee "Adolphe" en 1894 commandé par C. Achevis dans le Morbihan
Le dundée « Lucienne » pouvait ressembler à celui-ci Dundee "Adolphe" en 1894 commandé par C. Achevis dans le Morbihan

Nous devons au commandant Louis Lacroix dans « Les écraseurs de crabes les derniers voiliers caboteurs français » un chapitre sur le cabotage coloniale au début du XXème siècle.

 

Dans ce chapitre le commandant Lacroix décrit les navigations tumultueuses de son ami Joseph Nicolas à Madagascar à bord du dundée Lucienne. Je lui emprunte de large passage pour décrire la vie d’un capitaine au cabotage sur les côtes de Madagascar au début du XXème siècle.

 

Joseph Nicolas est né au Port-Blanc dans les côtes-du-nord en 1876 dans une famille de marins pêcheurs. A 13 ans il embarque comme mousse au long-cours ou il navigue sur différent trois-mâts de Dunkerque. Puis il fait son service dans la marine comme gabier puis instructeur sur les frégates écoles.

Après son service, et d’autres navigations au commerce, il entre à l’école d’hydrographie pour préparer l’examen de capitaine au cabotage

 

En 1900, à l’âge de 26ans, il prit le commandement de la « Lucienne » à son lancement aux chantier Tranchemer à la Richardais (rive gauche de la Rance).

 

Dundée à la cale du Port-Blanc, la Lucienne n’a jamais navigué dans les eaux bretonne
Dundée à la cale du Port-Blanc, la Lucienne n’a jamais navigué dans les eaux bretonne

La Lucienne est un dundée en bois, jaugeant 70tx pour un port en lourd de 170 t payé 75 000 francs tout armé, ce navire dessiné comme un yacht, avit une coque superbe. Son armateur M. Lucien Delâtre, avait des comptoirs à Madagascar et le destinait à remplacer en ces parages un navire qu’il venait d’y perdre dans un cyclone, le Crocodile.

 

En aout 1900, il embarque au Havre 20 tonnes de fer, des marchandises diverses en caisse et de la dynamite, marchandise que les vapeurs de prenait pas mais qui payait bien .

 

Pour ce voyage, vers Madagascar, hors des limites du cabotage Joseph Nicolas est assisté d’un capitaine au long-cours M. Le Blay. Le bateau est mis en rade dès son chargement de dynamite effectué, il est obligé de changer de mouillage à plusieurs reprise, dans une de ses sorties, il fallut jeter à la mer dix caisses de détonateurs, embarquées sur le pont et qui, dessaisies par le mauvais temps, risquaient de faire sauter le navire. Le Dundée Lucienne arriva à Rio de Janeiro pour livrer une partie de la dynamique en 43 jours en ayant fait preuve de belles qualités nautiques, atteignant 13 nœuds et demi de vitesse au large. Et reparti vers Tamatave où il mouilla après 47 jours de mer sans incidents, faisant sensation parmi la population, qui n’avait vu jusque-là sur la côte que des bateaux assez usagés.

 

La navigation de cabotage à la côte de Madagascar n’est pas simple. Il y a bien quelques abris naturels tels que Tamatave, Vohémar, Tintingue, Majunga, mais les caboteurs à voiles devaient aller prendre leur chargement en des criques ignorées, parfois même en pleine côte, la où aucun vapeur n’osait se risquer

 

Dundée quittant le port de Tréguier
Dundée quittant le port de Tréguier

Premier cyclone

 

En quelques années à Madagascar le capitaine Nicolas n’essuya pas moins de cinq cyclones, avec un dundée « Lucienne ».A son premier voyage , son premier cyclone, de Tamatave, le capitaine Nicolas devait descendre au sud, jusqu’à Fort-Dauphin, en faisant escale à Vatomandry, Mananjary, Farafangana et retour direct, ayant à son bord quinze passagers et son plein de marchandises. Il arriva sans incidents à sa première destination, mais dut mouiller à deux milles au large de la barre et débarquer sa cargaison dans des petits chalonda de quinze tonnes, pointus des deux bouts, manœuvrés par quatorze rameurs, et deux patrons gouvernant avec des avirons de queue. Dans la grosse houle de Sud-Est qui brisait sur les hauts-fonds, la venue comme le retour de ces embarcations, le séjour le long du bord et l’embarquement des colis donnaient lieu à de véritables accrobaties […] Il repartit le soir pour Faranfangana, rade foraine encore plus mauvaise que les deux premières, encombrée de coraux, sur lequel se voyait l’épave du vapeur Ville de Rispoto, de la compagnie havraise, tout récemment perdu en ce lieu, et déjà démoli par la mer. Déchargeant sa marchandise par grosse mer avec quelque difficultés, M. Nicolas commença aussitôt à embarquer du riz pour Fort-Dauphin, se préparant également à transporter un million cinq cent mille francs en espèce , pour le même port.

Pendant qu’il était au mouillage, une autre goélette, la Louise-Ana, de Nantes que commandait le capitaine Gouin, de ce port, vint se placer entre la terre et lui […]. Le baromètre baissait rapidement, et le temps avait mauvaise apparence ; vers trois heures du matin, un cyclone se déchaîna ; la Louise-Anna, cassant ses chaînes prit le large, pendant que la Lucienne étalait encore ; la mer devenant de plus en plus dure, elle dut appareiller à son tour et filer ses chaines sur un déradeur ( Orin et bouée permettant à l’équipage de récupérer les chaînes de mouillage), pour ne pas sombrer sur place.

Cinq jours durant, elle tint la cape au large, puis revint prendre son complément de riz, ses caisses de monnaies ainsi que ses chaînes et ancres ; grâce à sa bonne construction, à la promptitude de décision de son capitaine, elle avait essuyé ce premier cyclone sans dommages importants, et continua ensuite son voyage sur Fort-Dauphin .

 

Dundée, à Madagascar au port de Majunga côte nord-ouest de l’île, la Lucienne semble plutôt avoir fréquenté la côte Est de l’île
Dundée, à Madagascar au port de Majunga côte nord-ouest de l’île, la Lucienne semble plutôt avoir fréquenté la côte Est de l’île

Second cyclone 

 

En février 1902, M. Nicolas, se trouvait en rade de Tamatave quand il eut à subir un second cyclone qu’il étala sur ses ancres, la rade offrant un abri meilleur que beaucoup d’autres. Toutefois, ce n’est qu’après la fin de l’ouragan qu’il comprit pourquoi il n’avait pas chassé sur ces fonds de sable ;  à l’appareillage, il trouva sa chaîne de tribord engagée dans une ancre, abandonnée par un gros navire, qui l’avait maintenu à poste.

 

Par la suite, ce trouvant face à la concurrence d’un nouveau  vapeur affecté au cabotage , la Lucienne fit des voyages de bois entre la côte Est de Madagascar et l’île Maurice et la Réunion. Les point endroit de chargement des bois à proximité des lieux d’exploitation  ne sont pas facile

 

Carte de Madagascar dans les années 30 (Site carto-mondo.fr)
Carte de Madagascar dans les années 30 (Site carto-mondo.fr)

Échouement, réparations et troisième cyclone

 

La Lucienne continua ses transports de pièces de bois, tantôt sur Maurice et tantôt sur Bourbon. Le principal point de chargement était en baie d’Irmourne, au sud du cap Bellonne, endroit peu connu et d’accès dangereux, en raison des nombreux bancs de coraux qui l’encombrent. A l’un de ses voyages, le navire s’y échoua, mais put se retirer, grâce aux mesures énergiques prises aussitôt. Le gouvernail était cassé. Dans la forêt proche, le capitaine Nicolas fit couper un arbre d’essence appropriée, un « entakama », au bois très lié et relativement léger ; avec deux matelots malgaches de son équipage, il fit confectionner en quatre jours, à l’herminette, un nouveau gouvernail. A l’arrivé à Tamatave, il fut décidé, en février 1903, de faire passer le navire sur le grill à la pointe-des-galets de la Réunion pour le caréner et changer la quille, légèrement fendue dans le précédent échouement. Deux pièce de chêne, d’une longueur totale de 24 m et de 0,45 x 0,50 d’équarrissage, étaient nécessaires pour effectuer ce travail ; on les remplaça par deux pièces de « natte », coupées dans la forêt de la plaine du haut Saint-Pierre. Confection et ajustage prirent du temps, et la Lucienne se trouvait encore sur le slip, quand éclata, dans la nuit du 3 au 4 mars 1903, le troisième cyclone que le navire eût à subir, depuis deux ans que M. Nicolas naviguait en ces parages.

Après la tombée du jour, une forte baisse barométrique atteignant 734 mm annonçait l’approche de l’ouragan, dont le centre devait passer sur le chantier, car la direction du vent était invariable. Les précautions les plus minutieuses furent prises pour assurer la sécurité du bâtiment qui, bien qu’à sec, aurait pu être chaviré et brisé. Quatre forte caliornes (très fort palan), prêtées par le port, assurèrent son maintien sur le ber, avec l’aide de fortes chaînes. […] tout fut dévasté aux environs de la Pointe-des-galets, arbres et maisons rasés, plantations et pêcheries détruites. La Lucienne, échappant encore cette fois au désastre, termina ses réparations et reprit les transports de bois.

 

De nombreux voiliers au mouillage bien abrité de la rade de Tamatave
De nombreux voiliers au mouillage bien abrité de la rade de Tamatave

Quatrième cyclone

 

Le capitaine Nicolas eut à prendre un chargement de riz à l’entrée des bouches de Farony, petite rivière sans abri entre Mananjary et Farafangana, d’où il dut appareiller à peine chargé, pour étaler au large son quatrième cyclone, heureusement peu violent. Ne se trouvant pas en sécurité à son mouillage, le capitaine de la Lucienne, dès les premiers symptômes de mauvais temps, avait pris le large. Au cours de la nuit suivante, la brise fraichissant toujours avec de gros graine de pluie, et battant en côte, il fallut forcer de toile pour s’élever de la terre, qui n’était qu’à une douzaine de milles sous le vent.

 

Successivement, le grand foc partit, la corne de grand-voile cassa, tout arrachait dans la mâture et la pluie torrentielle ne permettait pas de voir à quelques longueurs de navire. Beien secondé par son second Malgache nommé Andreffi, M Nicolas put enverguer une voile de cape triangulaire, faire un peu de route, élongeant la côte à la sonde, et réussit à atteindre Tamatave

 

 

Construction actuelle d’un caboteur en bois à voile à Madagascar
Construction actuelle d’un caboteur en bois à voile à Madagascar

Cinquième cyclone, mars 1906

 

Venant de la Pointe-des-Galets avec 100 fûts de rhum et quelques tonnes de sucre, la Lucienne se trouvait au mouillage de Mananjary , par temps d’apparence si belle, que son capitaine n’hésita pas à descendre à terre à la demande de M. Martin son agent, pour traiter avec lui d’un affrètement.

Dans la soirée, la brise se mit à souffler en tempête avec une telle force que, pendant deux jours, malgré plusieurs tentatives, M. Nicolas ne put regagner son bord et dut contempler de terre, impuissant, son navire à bout de chaînes, tanguant sur ses ancres et enfournant son nez dans les lames monstrueuses, sous les quelles son avant disparaissait parfois en entier.

La rivière, gonflée par la pluie torrentielle, charriait des maisons en bois arrachées de leur pilotis, qui s’effondraient comme des châteaux de cartes en arrivant dans la houle. Des débris de toutes sortes jonchaient la plage et le vent soufflait en furie.

Au soir du troisième jour, vers six heures, les deux chaînes cassèrent simultanément ; pour éviter d’être jeté sur les récifs, où tout sauvetage eût été impossible, le second hissa la trinquette et la voile de cape et disparut dans la tourmente.

Sans aucune nouvelle désormais de son navire, le capitaine Nicolas ne désespérait pas, car il avait grande confiance dans son second et compatriote Antoine Ollivier, de Penvenan. Au bout de quatre jours, l’ouragan perdit un peu de sa violence ; un beau trois-mâts italien de 2000 t l’Africa, fuyant désemparé devant le temps, vint se mettre à la côte en rade de Tamatave, pour essayer de sauver au moins la vie de ses hommes ; En deux coup de talon, il fut démâté, mais l’équipage put gagner la terre.

Huit jours enfin après sa disparition , la Lucienne apparut en vue dans le sud-est, reconnue sans hésitation par son capitaine malgré son piteux état.

Dès sa montée à bord, Nicolas fut salué par les cris de joie de se Malgaches, rassemblés sur le pont, récitant leur litanies pour remercier le « Zahanar » (Etre Suprême) de les avoir sauvés ainsi que leur capitaine .

Lors de son appareillage forcé, le second de la Lucienne dut son salut au violent courant qui l’aida à s’élever de la côte ; son équipage, qui connaissait bien le littoral, lui proposa de le piloter vers une plage où le sauvetage de tout le monde serait possible, mais il résista jusqu’à la dernière limite et sauva le navire.

 

En 1907 le capitaine Nicolas quittait avec regret ces merveilleux parages pour devenir commandant d’un puissant remorqueur le Titan sur le canal de Suez, Le dundée Lucienne poursuivit son activité de cabotage jusqu’en 1921 ou il sombra au atterrage de l’île Maurice.

 

 

Goélette de cabotage de Madagascar, la construction  des caboteurs à voile Malgache s’est certainement inspirée de voilier comme la Lucienne
Goélette de cabotage de Madagascar, la construction des caboteurs à voile Malgache s’est certainement inspirée de voilier comme la Lucienne

 

 

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1930, Peter Anson dessine les ports de Bretagne Nord

Goélette de cabotage, en 1930, plusieurs d’entres elles continuent le cabotage à la voile sur les côtes de Bretagne
Goélette de cabotage, en 1930, plusieurs d’entres elles continuent le cabotage à la voile sur les côtes de Bretagne

Peter Anson (1889-1975) est un moine anglais, fils d’un amiral, grand amateur de bateaux et de tradition maritime, ramena de son voyage en Bretagne de Cancale à Nantes en 1930 un carnet de croquis. Il a l’œil d’un marin et s’intéresse en particulier à tout les détails des bateaux à voile de tradition ancienne qui son déjà en voie de disparition à cette époque . Il dessine aussi bien les bateaux en activité que ceux qui disparaissent tranquillement dans un cimetière d’épaves . De son carnet de croquis il éditera en Grande-Bretagne, et au Canada un livre intitulé « Mariners of Britany », ces dessins seront partiellement repris pour illustré le livre Ar Mor d’Henry Queffelec publié de 1975 par les éditions des 4 Seigneurs. Peter F. Anson s’intéressa aux bateaux traditionnels d’Ecosse, au sujet des quels il publia plusieurs livres.

 

En Bretagne Nord il dessina : Cancale, Saint-Malo, le port du Légué, Binic, Portrieux, Paimpol, Pors Even, Loguivy, Perros, Ploumanac’h, Lannion, Le Diben, Morlaix, Roscoff, l’île de Batz, Le Conquet et Ouessant.

 

Sources :

« Ar Mor », Henry Queffelec 1975 éditions des 4 Seigneurs

Le chasse-marée N°3 1982  article « de la Bretagne à l’Écosse : Peter F. Anson »

« Les derniers voiliers morutiers terreneuvas, islandais groenlandais » Louis Lacroix 1949

« Les écraseurs de crabes sur les derniers voiliers caboteurs » Louis Lacroix 1946

Pour Ouessant, les indications de Louis Cozan

 

 

Cancale le port de la Houle, bisquine et sloup à l’échouage, les béquilles sont amarrées à l’horizontale pour que le  bateau échoue sur le flanc
Cancale le port de la Houle, bisquine et sloup à l’échouage, les béquilles sont amarrées à l’horizontale pour que le bateau échoue sur le flanc
Saint-Malo, remorqueur dans l’avant port
Saint-Malo, remorqueur dans l’avant port
Saint-Malo Terre-neuvier Rouzic au bassin. Le Rouzic est un trois-mâts latin (sans voile carrée). Lancé en 1919 il coula en atlantique par une tempête le 7 avril 1932
Saint-Malo Terre-neuvier Rouzic au bassin. Le Rouzic est un trois-mâts latin (sans voile carrée). Lancé en 1919 il coula en atlantique par une tempête le 7 avril 1932
Saint-Malo armement des terre-neuviers les 11 doris du Gloire à Dieu sont prêt à embarquer
Saint-Malo armement des terre-neuviers les 11 doris du Gloire à Dieu sont prêt à embarquer
Le port du Légué St Brieuc, le temps des lougres est fini, les pêcheurs arment au chalut à perche  des sloups et des sloups à tapecul, certains sont motorisés
Le port du Légué St Brieuc, le temps des lougres est fini, les pêcheurs arment au chalut à perche des sloups et des sloups à tapecul, certains sont motorisés
Binic, l’avant port, des sloups à l’échouage. On voit bien le patin de chalut
Binic, l’avant port, des sloups à l’échouage. On voit bien le patin de chalut
Binic, un fort sloup,  les taquets cloués sur la béquille  forment des marches  pour monter à bord
Binic, un fort sloup, les taquets cloués sur la béquille forment des marches pour monter à bord
Portrieux fort sloup creux demi ponté avec un large  passavant, les pilotes de Portrieux armaient à la pêche aux homards aux casiers
Portrieux fort sloup creux demi ponté avec un large passavant, les pilotes de Portrieux armaient à la pêche aux homards aux casiers
Dans le bassin de Paimpol ; la goélette St Anne du quartier maritime de Tréguier armée au cabotage. La St Anne, 195 tonnes de port en lourd,  construite en 1910, pour E. Paranthoën et Raimond
Dans le bassin de Paimpol ; la goélette St Anne du quartier maritime de Tréguier armée au cabotage. La St Anne, 195 tonnes de port en lourd, construite en 1910, pour E. Paranthoën et Raimond
Port de Loguivy, épaves de langoustiers pontés, de nombreux détails, les chaumards en bois, le guindeau, la descende du poste, le panneau du vivier juste en arrière du mât, les cadènes de haubans protégées par une pièce de bois, les fileux
Port de Loguivy, épaves de langoustiers pontés, de nombreux détails, les chaumards en bois, le guindeau, la descende du poste, le panneau du vivier juste en arrière du mât, les cadènes de haubans protégées par une pièce de bois, les fileux
Le port de Perros, le long de la cale de la douane, appelée également cale Bitouse, le dundée de cabotage Servanick de Paimpol
Le port de Perros, le long de la cale de la douane, appelée également cale Bitouse, le dundée de cabotage Servanick de Paimpol
Ploumanac’h , les pêcheurs avec leurs petits canots à la cale de Pen ar Crec’h
Ploumanac’h , les pêcheurs avec leurs petits canots à la cale de Pen ar Crec’h
Lannion , L’Amphitrite de Lorient, dundée de cabotage le long du quai d’Aiguillon, la corne de charge est sur le mât d’artimon, les voiles semblent sous étui, il décharge peut être du charbon du pays de Galles
Lannion , L’Amphitrite de Lorient, dundée de cabotage le long du quai d’Aiguillon, la corne de charge est sur le mât d’artimon, les voiles semblent sous étui, il décharge peut être du charbon du pays de Galles
Le Diben, les viviers Ouhlen, un ancien cordier avec une belle voute est désarmé
Le Diben, les viviers Ouhlen, un ancien cordier avec une belle voute est désarmé
Le bassin de Morlaix, un gros vapeur Princetown de Dublin semble décharger du bois  du nord
Le bassin de Morlaix, un gros vapeur Princetown de Dublin semble décharger du bois du nord
Roscoff au bout du vieux mole, le dundée mixte en acier Louise Yvonne de Tréguier , les voiliers en aciers ne sont vraiment pas courant en Bretagne
Roscoff au bout du vieux mole, le dundée mixte en acier Louise Yvonne de Tréguier , les voiliers en aciers ne sont vraiment pas courant en Bretagne
Le vieux môle de Roscoff les dundée Talberg, et Tony et la goélette Hermann, une des dernière a être armée au cabotage en Bretagne Nord, Ces caboteurs sont de la presqu’île de Pleubian  Le chargement des oignons à la planche
Le vieux môle de Roscoff les dundée Talberg, et Tony et la goélette Hermann, une des dernière a être armée au cabotage en Bretagne Nord, Ces caboteurs sont de la presqu’île de Pleubian Le chargement des oignons à la planche
Île de Batz, Pors an eog, sloups et péniches à l’échouage
Île de Batz, Pors an eog, sloups et péniches à l’échouage
Le Conquet, un sloup est recouvert par sa voile
Le Conquet, un sloup est recouvert par sa voile
Ouessant le mouillage de Galgrac'h dans le nord de l’île, les canots amarrés à leur va-et-vient avant que le Mykonos ne vienne obstruer ce petit port
Ouessant le mouillage de Galgrac'h dans le nord de l’île, les canots amarrés à leur va-et-vient avant que le Mykonos ne vienne obstruer ce petit port
Ouessant canots au mouillage dans l'anse de Bouyou Glaz à Kadoran
Ouessant canots au mouillage dans l'anse de Bouyou Glaz à Kadoran
Ouessant petit canot et plate remontés dans l’anse de Galgrac'h avant que la cale ne soit pavé.
Ouessant petit canot et plate remontés dans l’anse de Galgrac'h avant que la cale ne soit pavé.
Marins et plates à Ouessant, l’aviron amarré à la serre en travers du canot sert à le porter
Marins et plates à Ouessant, l’aviron amarré à la serre en travers du canot sert à le porter

 

 

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Le 18 novembre 1909, le sauvetage de la goélette Élisabeth de Paimpol à Belle-Île

La goélette Élisabeth, est mouillée sur ses deux ancres au vent de la côte par fort coup de vent
La goélette Élisabeth, est mouillée sur ses deux ancres au vent de la côte par fort coup de vent

Le Palais (Belle-Isle-en-Mer) (Morbihan).

19 novembre 1909.

Monsieur le Président,

 

Comme suite à mon télégramme d’hier, j'ai l’honneur de vous informer que, hier matin, vers .3 heures la goélette Élisabeth capitaine Le Paye mouillée en rade de Palais, venant de Saint-Pierre et Miquelon, a été prise par une tourmente du vent d’Est mer démontée et fit, des ce moment, des signaux de détresse.

Malheureusement, il fut impossible de lui porter secours immédiatement ,étant donné l’impossibilité de faire sortir le « Vauvert de Méan » , l’entrée du port étant absolument impraticable. Nous nous bornâmes à brûler quelques feux Coston pour rassurer l’équipage et lui faire comprendre notre intention de lui venir en aide.

 

 

La goélette chasse sur ses ancres le capitaine demande du secours avec son pavillon en berne : hissé à mi drisse
La goélette chasse sur ses ancres le capitaine demande du secours avec son pavillon en berne : hissé à mi drisse

Mais le navire, chassant toujours sur ses ancres, ne se trouvait; plus, au petit jour vers 7 heures, qu’à une centaine de mètres dans le nord de la jetée du port, dérivant très lentement, heureusement, dans la direction de la côte.

Sur ces entrefaites, M. Auger, lieutenant des douanes, avec son personnel prépara le canon porte-amarre et ses accessoires, qu’ils furent sur le point de lancer, le navire se trouvant à environ 160 mètres du phare du môle Sud; mais la force du vent, sa direction ainsi que les embruns énormes et constants, les empêchèrent de mettre ce moyen à exécution.

 

Mise à l’eau du canot de sauvetage « Vauvert de Méan » dans l’avant-port du Palais par beau temps
Mise à l’eau du canot de sauvetage « Vauvert de Méan » dans l’avant-port du Palais par beau temps

A 7h. 30, je fis mettre le « Vauvert » à l’eau afin d'essayer de porter secours à l'équipage de ce navire en danger; mais hélas! Malgré la bonne volonté de nos vaillants canotiers, à peine étaient ils hors du port, qu’il leur fut impossible d'avancer, car la mer en furie couvrait les jetées des deux bords sans discontinuer à des hauteurs stupéfiantes.

 

Les canotiers, ne pouvant faire route, revinrent en tenant l’avant du « Vauvert » à la lame jusqu’à ce qu’ils eussent un abri dans le port. Vers 9 heures, le vapeur postal la « Ville du Palais », mis sous pression, prit toutes mesures utiles dans le but de réussir l’opération en prenant le canot de sauvetage, à la remorque, Le capitaine de ce vapeur, par une manœuvre adroite, et qui fut très appréciée, se dirigea péniblement dans cette mer épouvantable et réussit à mettre le « Vauvert » au vent et à distance convenable de 1’« Élisabeth ». Ensuite filant sa touée sur son ancre mouillée, le « Vauvert » vint longer le côté de tribord du navire. C'est là que, profitant de certaines embellies dans cette mer furieuse les canotiers ,par des prodiges d’adresse, purent en un quart d’heure prendre l'équipage composé de six hommes, plus la femme du capitaine, et le « Vauvert » hissant sa misaine , revint dans le port par ses moyens, au milieu des acclamations des nombreux spectateurs, où il débarqua les naufragés sains et saufs. Le canot de sauvetage a laisse son ancre et sa touée au fond que l'on pourra sauver au premier beau temps.

 

 

Le vapeur « Ville du Palais » remorque le canot de sauvetage pour se porter au secours de l’équipage de la goélette
Le vapeur « Ville du Palais » remorque le canot de sauvetage pour se porter au secours de l’équipage de la goélette

Le matin, la tempête s’étant un peu calmée, nous décidâmes de tenter le remorquage du navire qui était’ à environ 50 mètres de la côte. A 7 heures, deux vapeurs de la Compagnie l’ «Union belliloise », prenant le « Vauvert »: à la remorque allèrent mouiller en avant de l’ « Élisabeth » le « Vauvert » envoya l'équipage du navire à son bord, passa les remorques des deux vapeurs et,-une heure après, le navire filait ses chaînes par: le bout et rentrait au port à 9 heures sans incident.

Les canotiers ont vraiment fait preuve d’un courage digne d’éloges.

 

Armement du canot de sauvetage « Vauvert de Méan » : Cleren Victor Joseph, patron par intérim ; Le Leuk Armand Paul, Le Bourhis François Marie, Tartaise Alexandre Marie, Tartaise Philippe Pierre Marie, Thomas Lucien Victor, Corvic Jean-Marie, Le Leuck François Marie, Dourdin Louis, Maheo Louis, Sodagnet Jules Joseph, Le Gall Julien , matelots.

 

Rapport sur le sauvetage dans

Annales du sauvetage maritime 1909 4ème trimestre

 

Le vapeur «Union belliloise » par beau temps
Le vapeur «Union belliloise » par beau temps

Commentaires :

La goélette Élisabeth de Paimpol, revient de Saint-Pierre et Miquelon certainement avec un chargement de morues, Cette goélette est armé comme chasseur, navire transportant du sel depuis l’Europe vers les bancs de terre-neuve et ramenant de la morue au retour.

 

D’après les registres de la Lloyds de 1909/1910

L’Élisabeth est une goélette à hunier de 153 tonneaux construite à Paimpol en 1893 au chantier Laboureur son armateur en 1909 est Monsieur J Stéphan du Légué

Longueur : 30.57m, largeur : 7.51 m, creux : 3.50 m

 

Sources :

Annales du sauvetage maritime

Site sur les épaves du ponant

 

Ouest éclair du 05 avril 1910, dans un article sur les héros de la mer

 

Belle-Île l’avant-port du Palais et la citadelle, on voit les deux vapeurs qui ont sauvé la goélette Élisabeth en la remorquant jusqu’au port
Belle-Île l’avant-port du Palais et la citadelle, on voit les deux vapeurs qui ont sauvé la goélette Élisabeth en la remorquant jusqu’au port

 

 

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Décembre 1904, la baleine de l’île de Batz dans le Ouest Éclair

Balaenoptera physalus ou rorqual commun
Balaenoptera physalus ou rorqual commun

Ouest Éclair du 18 décembre 1904

Ile de Batz

A midi, une baleine ayant plus de 20 mètres de long s’est échouée à la côte ouest de l’île de Batz

 

Ouest Éclair du 22 décembre 1904

La baleine de l’île de Batz

Nos lecteurs se souviennent de la découverte faite il y a quelques jours par M. Placide, ouvrier ébéniste et gardien du vieux fort. En raison de la difficulté d’accès pour arriver à l’endroit où se trouvait la baleine et des roches difficilement accessibles dont elle était entourée, on s’était décidé à la dépecer.

Mais la baleine ennuyé sans doute d’être projeté contre les rochers et balloté sans rien voir venir en ce qui concernait son futur sort a flotté, avant-hier matin, à la pleine mer vers quatre heure. Un léger vent d’Est l’a aidée à gagner le large sans être aperçue de personne. M Placide en a éprouvé une surprise plutôt désagréable.

Une autre personne peu satisfaite est M. Masson de Versailles, propriétaire du fort de l’Ouest qui se proposait d’acheter la baleine, de la faire dépecer au profit des marins et de conserver le squelette dans l’enclos de son habitation passagère, où les habitants et touristes eussent pu le visiter à loisir ; ç’aurait été une curiosité de plus à l’île et une source de revenus pour les passeurs. Aussi regrettons nous vivement que M. Masson soit mis dans l’impossibilité de donner suite à son projet. A moins que le dernier mot sur ce point ne soit pas encore prononcé ? Demain, nous verrons peut être.

 

Pour revenir à la baleine, disons qu’elle a été remorqué, dans la matinée, au nord de l’île de Sieck par M. Cocaign patron du bateau l’Hirondelle, nous assure-t-on.

Ajoutons que M. le directeur de l’observatoire de Roscoff ou l’un de ses représentants s’est embraqué lui-même pour aller au devant de la prise.

Le cétacé ne va-t-il pas devenir la propriété du laboratoire ? On le pense

Quoi qu’il en soit, le bateau remorqueur a déposé son épave en lieu sur, cette fois.


En rouge la dérive et le premier remorquage de la baleine depuis Toul ar Sarpant vers le nord de l’île de Sieck, en bleu un trajet possible du remorquage de la baleine par le sloup l’hirondelle
En rouge la dérive et le premier remorquage de la baleine depuis Toul ar Sarpant vers le nord de l’île de Sieck, en bleu un trajet possible du remorquage de la baleine par le sloup l’hirondelle

Ouest Éclair du 23 décembre 1904

La baleine de l’île de Batz

M Delage, directeur du laboratoire de zoologie de Roscoff a fait remorquer avant-hier le mammifère de l’île de Batz à Roscoff par un bateau de pêche. Il a été déposé sous le laboratoire.

Une dépêche du ministère vient d’abandonner à M. Delage cette fameuse baleine. Les naturalistes vont la dépecer, afin de conserver ce qui peut être utile à la science. Toute la population des environs se rend à Roscoff pour voir ce gigantesque animal qui ne cube pas moins de 15 mètres.

 

La baleine remorquée et échouée à proximité du bassin du laboratoire
La baleine remorquée et échouée à proximité du bassin du laboratoire

Ouest Éclair du 25 décembre 1904

La baleine de l’île de Batz

L’énorme cétacé découvert au large, il y a une semaine, n’est point une baleine comme ou l’a prétendu jusqu’ici mais un baleinoptère .

On a voulu en faire la vente ce matin à la mairie de Roscoff, mais comme personne n’offrait un prix raisonnable elle n’a pu être effectuée. La mise à prix était de 3000 francs.

Le minimum d’huile qu’on peut extraire soit de la graisse, des viscères et des muscles par la bouilloire est de 90 à 100 barriques.

M Delage, professeur à la Sorbonne et directeur du laboratoire de Roscoff s’est réservé le droit de s’emparer des parties qui pourraient servir à ses études. C’est ainsi qu’il s’est approprié l’œil et une partie des organes génitaux.

Renseignements pris près de personnes compétentes, nous pouvons assurer que le baleinoptère est nullement en décomposition et ne peut par suite provoquer ni choléra et fièvres typhoïde, ni autre maladies contagieuses ; le seul inconvénient qui puisse en résulter est l’odeur désagréable qu’il répand.

 

A droite, le sloup « hirondelle » M731 à Cocaign construite à Roscoff en 1900 chez Kerenfors, celui au centre est plus récent, le brion est plus rond le tableau plus incliné à gauche un petit yacht à voute typique de Kérenfors
A droite, le sloup « hirondelle » M731 à Cocaign construite à Roscoff en 1900 chez Kerenfors, celui au centre est plus récent, le brion est plus rond le tableau plus incliné à gauche un petit yacht à voute typique de Kérenfors

Ouest Éclair du 27 décembre 1904

La baleine de l’île de Batz

Le laboratoire de Roscoff a mis en vente samedi dernier la dépouille de la baleine de l’île de Batz, se réservant pour lui le squelette et certains organes pouvant lui servir à ses études. Le prix fixé était de 2000 francs, mais aucun acquéreur ne s’est présenté

 

Ouest Éclair du 04 janvier 1905

La baleine de l’île de Batz

M. Le Moign, maître tanneur qui , ainsi que nous l’avons annoncé a acheté la baleine échouée récemment à l’île de Batz a déjà amené une grande partie de la dépouille du cétacé à Morlaix.

Ces quartiers sont fondus au fur et à mesure de leur arrivée dans l’usine de M. Le Moign à Traon ar Vilin


Le professeur Yves Delage dans son laboratoire, dessin de Mathurin Méheut
Le professeur Yves Delage dans son laboratoire, dessin de Mathurin Méheut

Commentaires

 

Dans un article paru dans la science du XXème siècle du 15 mars 1905, on apprend que cette baleine était du type Balaenoptera physalus ou rorqual commun (article repris sur le site de Pierre Cuzon Roscoff au quotidien )


 

 

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Le 23 aout 1884, la Laura du laboratoire biologique de Roscoff coule dans le chenal

Chercheurs du laboratoire de biologie marine vers 1900 collectant à la grève (Collection Daniélou)
Chercheurs du laboratoire de biologie marine vers 1900 collectant à la grève (Collection Daniélou)
La salle des aquariums et le mur du bassin du laboratoire de biologie marine (avant 1907)  les deux sloups font-ils partie de la flotte du laboratoire
La salle des aquariums et le mur du bassin du laboratoire de biologie marine (avant 1907) les deux sloups font-ils partie de la flotte du laboratoire

Annales du sauvetage maritime de 1884

 

Roscoff (Finistère). Le 23 aout, vers trois heures du soir, le petit bateau la Laura, de trois tonnes, ayant trois hommes d’équipage et à bord se trouvaient cinq médecins ou élèves du laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff, était à la voile, vent arrière par forte brise de N.-N.-E., lorsqu’en voulant virer de bord pour mettre en panne, il chavira et sombra à pic près de la Roche au Vin, à un mille environ dans le nord du port. Trois des naufragés, purent atteindre cette roche, deux furent recueillis par la péniche de la douane, la Thérèse, montée par le sous-patron Kerneur et le matelot Poullaouec, et deux autres par un bateau de pêche. Un malheureux élève pharmacien n’a pu être retrouvé malgré toutes les recherches faites sur le lieu de ce sinistre.

 

Carrec ar gwin, la roche au vin (soulignée en rouge) sur cette cartes extraite de l’atlas des ports de France d e 1877
Carrec ar gwin, la roche au vin (soulignée en rouge) sur cette cartes extraite de l’atlas des ports de France d e 1877

Commentaires :

 

Le Cachalot dans le port de Roscoff photo publiée dans la Mer en 1925
Le Cachalot dans le port de Roscoff photo publiée dans la Mer en 1925

Les premiers bateaux de la station de biologie marine :

 

Des 1875, le marquis de Chambrefort prête son yacht le Hébé à Henri de Lacaze-Duthier pour ses recherches

 

Un autre été la marine , met à disposition le cotre garde pêche le Canard

 

Outre la Laura en 1884 on peut noter d’autres navires de la station biologique de Roscoff en 1890 Emile Yung dans « Propos scientifiques » indique : « Un petit bateau à rames, la Molgule, et un voilier plus grand, le Pentacrine, servaient pour le

transport des savants jusqu'aux roches avancées »

 

En 1905, le Pluteus, premier du nom, un cotre à tape-cul construit à Bordeaux équipé d’un moteur à huile lourde de 27 cv, arrive à Roscoff. Son activité fut particulièrement longue puisqu’il ne fut définitivement désarmé qu’en 1953.

On peut lire dans le Ouest Eclair du 11 septembre 1905 : « Roscoff, Au laboratoire maritime Nous avons annoncé dernièrement que le laboratoire maritime que dirige avec tant de compétence et de dévouement M. le professeur Yves Delage vient d’être doé d’un canot automobile dû à la générosité de personnes s’intéressant à la science. Ce canot le « Pluteus » jauge 16 tonneaux 500. Il vient d’arriver à Roscoff et a commencé à évoluer dans le port en présence de nombreux spectateurs et touristes »

 

Un dundée de taille importante le Cachalot construite en 1906 est dédiée aux campagnes en pleine mer, en particulier , elle fait quelquefois des escales à Roscoff.

 

Après la guerre de 14, la marine nationale céda le petit patrouilleur à vapeur la licorne à la station de Roscoff, qui le baptisa Castor II, d’un cout d’armement prohibitif pour le laboratoire, il sera vendu en 1924.

 

Le Pluteus I, photographié après 1907, le laboratoire a été agrandi.
Le Pluteus I, photographié après 1907, le laboratoire a été agrandi.
A bord du Pluteus I (Collection Daniélou)
A bord du Pluteus I (Collection Daniélou)

Quelques liens :

 

Créé en 1872 par Henri de Lacaze-Duthier le laboratoire de biologie marine de Roscoff a une histoire très riche

« Une histoire de la station de biologie marine de Roscoff (1872-1914) » par Josquin Debaz


Le pluteus I : un article du Télégramme de 1953


Le Castor II (ex Licorne) dans le port de Roscoff
Le Castor II (ex Licorne) dans le port de Roscoff

 

 

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Le 12 juin 1907, le pilote Guillaume Floury sauve l’équipage de la gabare Marie Yvonne, aux Roches Douvres

Les mouillages de Pors-Even en Ploubazlanec vers 1910, les grands sloups sont au mouillage, les deux sloups de gauche sont peint en noir à pavois blanc comme  des pilotes
Les mouillages de Pors-Even en Ploubazlanec vers 1910, les grands sloups sont au mouillage, les deux sloups de gauche sont peint en noir à pavois blanc comme des pilotes

La gabare « Marie-Yvonne » du quartier de Tréguier, montée par trois hommes d’équipage, s’est perdue, le 12 juin vers 3 heures du soir, aux Roches-Douvres, au large de l’île de Bréhat. L’équipage a été sauvé par le bateau pilote « Le vainqueur », de Pors-Even, en Ploubazlanec.

 

Voici comment le naufrage s’est passé suivant le rapport du pilote Guillaume Floury, patron du bateau sauveteur :

« J’étais parti avec deux hommes d’équipage de Pors-Even, vers 3 heures du matin, avec jolie brise de S-O, pour les Roches-Douvres j’y arrivais vers 10 heures, et après avoir levé mes cassiers, je retournais aussitôt. Le temps devenait de plus en plus mauvais, et la mer se faisait grosse. Le vent d’une violence extrême, entravait notre marche vers Paimpol.

« Soudain, à 3 heures, j’aperçus une gabare au bas ris, avec ses focs bordés auvent, et semblant dans une position dangereuse. Bientôt, nous distinguâmes les signaux de détresse de l’équipage, et nous fîmes voile aussitôt vers le navire en péril. Malgré tous nos efforts, au milieu de la tempête, nous passons une demi-heure avant de passer la remorque à la gabare « Marie-Yvonne », car c’était elle, et remettons alors à la voile pour Paimpol. « Mais la mer grossissait toujours et les grains augmentaient, la gabare chavira, entrainant à la mer les hommes de l’équipage qui s’accrochèrent à un aviron et à un pavois, Je pus les recueillir avec maintes difficultés à mon bord. L’un des homme le matelot Paul Madec, 35 ans, était évanoui et ne revint à lui qu’au bout d’une heure. Les deux autres. François Madec patron, 64 ans et le jeune Madec, son fils mousse 15 ans, n’avaient pas trop souffert.

« Arrivé au mouillage de Pors-Even, à 6 heures et demi du soir, je fit donner tous les soins nécessaires aux naufragés. M. le docteur Monjaret de Paimpol, appelé là, déclara que le matelot Madec seul se trouvait dans un état assez grave »

 

Les régates de Paimpol, le petit sloup à tableau à gauche est un pilote, peut être le « vainqueur » les deux sloups de droite sont certainement des pilotes de plus grande longueur, les flèches sont impeccablement établis
Les régates de Paimpol, le petit sloup à tableau à gauche est un pilote, peut être le « vainqueur » les deux sloups de droite sont certainement des pilotes de plus grande longueur, les flèches sont impeccablement établis

La gabare « Marie-Yvonne » venait du Guildo avec un chargement de bois à destination de Tréguier.

Nous ne saurions trop féliciter le patron Floury et son équipage de leur dévouement dans cette circonstance. Ce sont d’ailleurs des braves qui n’en sont pas à leur premier sauvetage .

 

Ouest Éclair du vendredi 14 juin 1907

 

Chargement de bois à bord d’une gabare à la cale du Guildo, ce bois tord est peut être destiné à la construction navale
Chargement de bois à bord d’une gabare à la cale du Guildo, ce bois tord est peut être destiné à la construction navale
Deux gabares à la cale du Guildo, remarquable par leur haute mature : bas mat et mat de flèche, et leur tirant d’eau réduit leurs permettant d’accéder au moindre port
Deux gabares à la cale du Guildo, remarquable par leur haute mature : bas mat et mat de flèche, et leur tirant d’eau réduit leurs permettant d’accéder au moindre port
Deux gabare manœuvrent, l’une semble quitter le quai sous grand voile le point d’amure levé et foc et la seconde arrive au quai sous grand voile  le pic choqué
Deux gabare manœuvrent, l’une semble quitter le quai sous grand voile le point d’amure levé et foc et la seconde arrive au quai sous grand voile le pic choqué

 

Commentaires :

 

Le pilote guillaume Floury de Pors-Even , n’est pas Guillaume Floury le compagnon de navigation de Pierre Loti dont il s’inspirera pour créer le personnage de Yann Goas dans pêcheur d’Islande, Ce guillaume Floury, matelot à bord d’une goélette islandaise est décédé en 1899 lors de la première sortie du canot de sauvetage de Pors-Even.

 

La famille Floury de Ploubazlanec, eu de nombreux marins canotiers ou patrons du canot de sauvetage et de nombreux pilotes. Yves Floury fut président du comité local de sauvetage et pilote. D’autre Floury s’installèrent à Portrieux comme pilotes, ou leur descendants furent également pilotes.

 

Comment était le bateau « vainqueur » bateau pilote de Pors-Even en 1907, les bateaux de Loguivy étaient, pour simplifier, divisés en deux types, les grands, pontés avec une jolie voute destinés à la pêche à la langouste jusqu’en Angleterre du coté de l’île de Sein ou de Belle-Île, les plus petits, creux, pour la pêche côtière.

 

Dans une liste des bateaux de Loguivy en 1909 j’ai trouvé un « Vainqueur » de 2 tonneaux armé par deux hommes, cela me parait bien petit pour pêcher aux Roche-Douvres et tenter de remorquer une gabare de cabotage, une pencherai plutôt pour un grand sloup à voute pour ce pilote, mais cela reste à confirmer.

 

Une petite gabare bien ronde, sans mât de flèche au quai à Tréguier , le sloup blanc béquillé sur la cale a de belles formes (photo Lacombe archives départementales 22)
Une petite gabare bien ronde, sans mât de flèche au quai à Tréguier , le sloup blanc béquillé sur la cale a de belles formes (photo Lacombe archives départementales 22)

 

 

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La femme pilote

Un des faits les plus simples de toute ma carrière maritime a laissé dans ma mémoire un souvenir que je me rappelle encore aujourd’hui comme s’il était hier […].

 

Je me trouvait embarqué, il y a vingt à vingt deux ans [soit entre 1805 à 1807], en qualité de tout petit aspirant de marine, sur un lougre de guerre qui faisait, quand les Anglais le lui permettaient, le service de convoyeur entre Brest et Saint-Malo. C’était à peu près là toute la navigation au long-cours que l’on connût alors en France, grâce à l’impéritie administrative qui avait perdu notre marine, et à la vigueur avec laquelle avait progressé la marine de nos voisins, devenue forte par notre faiblesse, et jeune par notre décrépitude.

 

Un jour notre petit lougre, en cherchant à se sauver d’une corvette ennemie, et à faire l’anguille pour trouver un espace dans le dédale des rochers innombrables qui enveloppent la pointe de Pontusval ; un jour , ai-je dit, notre petit lougre se trouva fort embarrassé, malgré la présence de deux pilotes côtier à bord, de deviner le chemin qu’il lui fallait choisir pour s’engager sans péril dans ce labyrinthe de brisants redoutables. La mer était grosse et creuse, quoique le vent ne fût pas encore très impétueux. Les courants portaient violement à terre, et, malgré la science de nos deux pilotes, l’entrée du trou problématique dans lequel nous voulions nous fourrer au plus vite ne se révélait aux yeux de personne, tant tout le monde chez nous était troublé par la peur du danger ou le vertige de l’impatience. Cette anxiété durait déjà depuis une heure, et la corvette qui nous chassait, beaucoup mieux pilotée que nous sur nos propres côtes, nous tombait à vue d’œil sur le corps, et d’une manière presque aussi effrayante que les rochers sur lesquels nous gouvernions avec tant d’incertitude et de timidité. Un bateau, un des plus mauvais petits bateaux que l’on puisse rencontrer à la mer, surtout quand la mer est grosse, se montra tout à coup à nos yeux inquiets, entre deux lourdes lames, comme une providence secourable, j’allais presque dire comme le doigt d’un Dieu rédempteur. Autrefois c’était du ciel que l’aide du Très-Haut arrivait aux marins dans la fougue de la tempête ou la sainte horreur du naufrage . cette fois ce fut presque des gouffres de l’onde et des entrailles du fond que sembla nous surgir le secours que nous n’osions plus implorer ni d’en haut ni d’en bas. Le Misérable bateau n’était monté que de deux petits paysans pêcheurs et d’une femme qu’il nous fallut voir de bien près pour reconnaître son sexe à son bizarre costume, beaucoup plus encore qu’à la figure terne, hommasse et bronzée. A la vue de la barque de pêche , nous nous étions réjouis en pensant que ce frêle bateau pouvait contenir pour nous un pilote lamaneur, un Palinure d’occasion ; à la vue de l’équipage qui le manœuvrait, notre espoir et notre première joie s’évanouirent, et notre première crainte seule nous resta !

« qu’importe, s’écria alors notre capitaine, il faut demander en bas breton à ces petits saltins et à cette espèce de matelot femelle s’ils connaissent la profondeur du chenal par lequel nous allons être forcés de passer »

Un des deux pilote ignorants dont nous étions pourvus se mit à héler, en mâchant quelques mots celtes, la patronne qui gouvernait, avec le flegme ordinaire des finistériens, la barque qui filait le long de nous :

« Dites donc, ma bonne femme, lui cria l’interprète du capitaine, combien y a-t-il d’eau de profondeur à terre de la Lavandière ? (C’était le nom d’une des roches près desquelles il nous fallait passer, que le pilote interrogeant croyait avoir reconnue.)

- Sept pieds, répondit aussitôt l’amazone marine. Combien votre lougre tire-t-il d’eau ?

- Huit pieds et demi.

- Alors vous vous perdrez si vous prenez la passe de la lavandière : il faut gouverner plus au vent et ranger le Sifehel », autre roche que le pilote connaissait à peine.

Le capitaine, en entendant les réponses qu’on lui traduisait à chacun des mots que hurlait l’amazone, n’hésita plus. « Dites à cette femme, de venir à bord et de nous piloter à votre place, puisqu’elle est moins bête à elle toute seule, que vous deux ensemble.

- A bord ! à bord ! » cria alors le pilote à la femme du bateau.

Au moyen d’un coup de barre donné adroitement par la pêcheuse, qui continuait à gouverner sa barque, l’embarcation ne tarda pas à se placer dans les eaux de notre navire. On lui jeta tout de suite un bout de corde pour se tenir à la traine, et, au moyen d’un autre bout d’amarre, on hala bientôt à l’extrémité de cette amarre la femme qui s’y était accrochés pour sauter aussi lestement sur notre pont. Mais quelle femme, bon Dieu ! Un monstre à moitié femelle, en jaquette de bure et en gros sabots, mais un trésor pour nous, le bijou le plus précieux du monde, malgré ses gros sabots et ses lourds vêtements. Nous allions être sauvés par elle ; le danger auquel elle pouvait seule nous arracher venait d’en faire un ange à nos yeux .

Après avoir été hissés sur le pont, elle ne se mit guère en peine, je vous l’assure, de saluer les officiers et de demander lequel parmi eux était le capitaine. Les premiers mots barbares qu’elle articula de sa grosse voix sauvage s’adressèrent au pilote qui lui avait parlé et fait entendre quelques mots bas-breton. « Faite mettre la barre un peu sous le vent, dit-elle à son compatriote devenu son collègue en pilotage. Votre navire a trop de voiles dehors avec le courant qui nous drosse déjà assez dans la passe ; faites amener votre taille-vents »

Puis, quand la manœuvre qu’elle commandait ainsi par l’intermédiaire du pilote côtier se trouva exécutée à sa satisfaction, elle demanda, en se promenant, les mains derrière le dos, sur le gaillard d’arrière :

« Combien de pieds d’eau cale le lougre ?

- Huit pieds et demi d’arrière, lui répondit-on à cette question qu’elle nous avait déjà faite lorsqu’elle était encore à bord de son bateau.

- Huit pieds et demi, c’est bon. Il y en a onze dans la passe que je vais vous faire prendre, c’est deux pieds et demi qui nous restera sous la quille. Laissez porter un peu maintenant de manière à prendre le rocher que vous apercevez là-bas, par la petite maison d’où vous voyez sortir de la fumée. »

 

Petites maisons de Pontusval  ( photo Noel le Boyer vers 1930)
Petites maisons de Pontusval ( photo Noel le Boyer vers 1930)

Dans toute autre circonstance, la présence de cette femme si inculte au milieu de notre équipage n’aurait pas manqué d’exciter la folle hilarité de tous les plaisants du bord ; mais en pareil moment de péril, je vous l’avoue, notre femme-pilote, quelque risible que fût son accoutrement et quelque grotesque que nous parût toute sa personne, ne provoqua ni le rire ni les lazzis ordinaires du gaillard d’avant.

Les ordres qu’elle donnait et les avis qui sortaient de sa vilaine bouche étaient exécutés avec autant de ponctualité et de promptitude que si un amiral nous avait donné ses ordres au porte-voix avec toute l’autorité de son grade et le prestige du commandement militaire. Le capitaine seul souriait ; mais il souriait de bonheur et de plaisir autant au moins que de la bizarrerie de notre position et de l’étrangeté de cette aventure.

Il ne nous restait plus qu’un quart de lieue à faire à peu près, pour atteindre le mouillage où nous allions trouver un refuge parmi les brisants, contre les attaques de la corvette anglaise. Un de nos deux pilotes côtiers, pour qui la pêcheuse de Pontusval était devenue un oracle, se mit, une fois que la sécurité lui fut revenue, à fumer tranquillement sa pipe au pied du grand mât. Les émanations du tabac qu’il venait d’allumer semblèrent faire briller d’envie et de plaisir les yeux de notre femme-pilote, dont le regard jusque-là nous avait paru si opaque et si stupide. Le fumeur devina bientôt l’aspect que l’odeur et la vue de sa pipe avait produit sur les sens de notre amazone côtière, et par l’effet d’une galanterie dont la connaissance des mœurs finistériennes pouvait seule faire excuser l’audace et la singularité, il proposa à sa payse la pipe tout allumée qu’il venait de tirer de ses gluantes lèvres. L’offre courtoise fut accueillie par la beauté à qui elle s’adressait, avec une satisfaction plus d’avidité naïve que de coquetterie et de politesse. Jamais, avoua notre lamaneuse, elle n’avait fumé un tabac aussi fin et d’un goût aussi exquis ; c’était du tabac à deux sous du bureau de la régie impériale de Roscoff !

Notre capitaine, ne voulant pas demeurer en reste de procédés chevaleresques avec le pilote auprès de la seule beauté que nous eussions à bord, ordonna à son domestique de mettre à la disposition de la fumeuse un verre et une petite carafe d’eau-de-vie. La fumeuse prit la carafe, laissa le verre, et ne but tout au plus qu’un quart du flacon de spiritueux. Tout son sang-froid lui était encore nécessaire. Nous enfilions alors la passe difficile dans les sinuosités de laquelle elle faisait naviguer notre lougre. Le mouillage était au bout, et nous touchions au moment désiré de jeter notre ancre sur ce point dangereux et hospitalier.

Le temps pressait : la corvette anglaise, qui, jusque-là, s’était contentée de nous observer et de nous poursuivre d’assez loin, se rapprocha tant qu’elle put de nous en nous voyant relâcher à Pontusval ; et, rangeant la langue de sable à la pointe de laquelle nous allions chercher un abri, elle nous envoya à l’instant convenable une volée, dont les boulets riflèrent la plage que nous touchions déjà . les projectiles sifflèrent entre nos mâts sans faire plier les males têtes de notre équipage, ni la tête plus mâle encore de notre femme-pilote. Elle venait de commander, cette beauté guerrière, de laisser tomber l’ancre, notre ancre de salut. Le navire venait d’échapper aux Anglais et d’être conservé à l’État, et par qui vous savez.

 

 

Goémonier au mouillage au pied du phare de Pontusval, construit en 1867. Les bateaux se cachent dans les rochers ( photo Noel le Boyer vers 1930)
Goémonier au mouillage au pied du phare de Pontusval, construit en 1867. Les bateaux se cachent dans les rochers ( photo Noel le Boyer vers 1930)

Quand il fallut faire, comme d’usage, le bon de pilotage en faveur du pilote qui avait réellement gagné l’immunité accordé par l’État à tout pratique lamaneur employé par les navires du gouvernement. La rédaction de ce bon présenta quelques difficultés ; jamais encore on n’avait accordé à une femme la subvention dévolue aux pilotes par les règlements. La nature du sexe, non prévue par les ordonnances, offrait un grand embarras aux exécuteurs de la lois. On trancha se nœud gordien en faisant au profit de son mari : Cozic le Bars . Mais si l’amazone, aussi chaste que les autres amazones passaient pour l’être n’avait pas eu d’époux, comment s’y serait-on pris pour rédiger le bon de pilotage qui lui était si justement acquis ? C’est une question que je me permettrai de proposer aux rédacteurs du futur Code Maritime. Elle est digne des graves médiations de nos législateurs nautiques ; mais la femme-pilote qui m’a sauvé la vie dans les passes de Pontusval est encore plus digne de la reconnaissance que j’ose lui consacrer dans u article qu’elle ne lira pas sans doute pour plus d’une raison. Elle n’était déjà plus jeune, hélas ! quand elle nous pilota si droit et si à propos !

 

Édouard Corbière

 

La France maritime tome III 1837

 

 

Lougre français au près tribord amure, c’était à cette époque les voiliers les plus performants au près dessin de Edward Bamfylde (National Maritime Museum)
Lougre français au près tribord amure, c’était à cette époque les voiliers les plus performants au près dessin de Edward Bamfylde (National Maritime Museum)

Commentaires :

 

Ce texte écrit par Édouard Corbière en 1837, est bien dans le style des romans maritimes de Corbière. Cette anecdote, bien que certainement quelque peu romancée, par exemple « la lavandière » est un rocher à l’entrée du chenal de l’île de Batz et à ma connaissance il n’y a pas de « Lavandière » du coté de Pontusval, est certainement vrai. Sur les côtes de Bretagne, bien que n’étant pas reconnu par l’inscription maritime, des femmes sont embraquées à la pêche ou au goémons, certaine veuve sont certainement patronne du bateau de leur mari, ce phénomène de femme marin est d’autant plus accentué qu’à cette époque nombre de marin sont levés sur les vaisseaux de la République ou prisonniers sur les pontons anglais. Il faut également remettre les commentaires sur la langue bretonne dans le contexte de l’époque

 

Le lougre en question est le lougre Granville, sur lequel Édouard Corbière était aspirant vers 1810, à cette même époque mon ancêtre Nicolas Floc’h était mousse sur ce lougre, j’y reviendrais dans un autre article. Ce lougre était affecté comme le dit Édouard Corbière à la surveillance des convois.

 

Le Granville est un petit lougre de 6 canons construit au Havre en 1793. Il navigua pendant 27 ans et fut rayé des listes à Brest en 1820.

Le récit indique qu’il cale 8 pieds et demi soit 2.59 m, ce qui parait normal pour un petit lougre

 

Le lieutenant de vaisseaux François Gueguen de l’île de Batz fut directeur des convois de la manche de Saint-Malo à Brest, il commanda, à ce titre, à plusieurs reprises le lougre le Granville, mais ce n’était certainement pas lui le capitaine lors de cette anecdote car le capitaine ne parle pas le breton, François Gueguen comme tout ilien parlant aussi bien le breton que le français.

 

L’auteur sous-entend que la corvette anglaise est très bien piloté pour cette navigation côtière , en effet, sou l’empire , les anglais soudoyaient, les pilotes lamaneurs de Bretagne nord fait prisonnier et enfermés dans les horribles pontons anglais en les payant largement et en les intégrant dans leurs équipages comme pilote côtier.

 

Lougre courant vent arrière, peinture de Edward Bamfylde (National Maritime Museum)
Lougre courant vent arrière, peinture de Edward Bamfylde (National Maritime Museum)

 

 

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Le 24 septembre 1896, le naufrage du trois-mâts nantais « Maurice » à Ploumanac’h

Le « Maurice pouvait ressembler à ce  trois-mâts Nantais en bois le « Némésis » construit en 1875 longueur 33,7m bau 7,5 m creux 4,45m jauge totale 294 tonneaux (peinture d'Edouard-Marie Adam)
Le « Maurice pouvait ressembler à ce trois-mâts Nantais en bois le « Némésis » construit en 1875 longueur 33,7m bau 7,5 m creux 4,45m jauge totale 294 tonneaux (peinture d'Edouard-Marie Adam)

Ouest éclair du 04 janvier 1900

Rapport sur les accidents de mer publié dans le Journal Officiel (31 décembre 1899)

 

Le 24 septembre 1896, le trois-mâts Maurice est jeté sur les rochers par une rafale de vent à l’entrée du Havre de Ploumanac’h. Le capitaine et six hommes de l’équipage se réfugient sur les flancs du navire qui est chaviré. Deux d’entre eux se jettent à la mer et parviennent avec mille difficultés, à gagner le rivage où ils sont recueillis et soignés.

Dès la nouvelle du sinistre, quatre marins de la localité, les nommés Le Goff (Louis Marie), quartier-maitre ; Le Goff (Louis Marie), pilote ; Ropars (Pierre-Marie), matelot et le Goff (Pierre Marie) inscrit provisoire, embarque en toute hâte dans un canot du bateau Raymond et se dirigent sur le lieu du sinistre.

La mer est démontée, le canot risque d’être brisé en accostant le trois-mâts ; aussi les sauveteurs décident-ils de retourner à terre pour prendre des lignes de sauvetage qui leur manquent.

Malgré les dangers auxquels ils se sont déjà exposés, ils n’hésitent pas à reprendre la mer, à affronter de nouveau les brisants qui entourent le lieu du naufrage. La nuit est venue, et ce n’est qu’après les plus grands efforts qu’ils réussissent à approcher du navire, à recueillir et à ramener à terre les quatre hommes cramponnés à leur navire et menacés à chaque instant d’être emportés par les vagues.

 

L’ile de Costaéres vers 1896, la construction du château est terminé
L’ile de Costaéres vers 1896, la construction du château est terminé

Annales du sauvetage maritime du 4ème trimestre 1896

 

Ploumanac’h                         Le 24 septembre 1896

 

Le 24 septembre courant, le trois-mâts Maurice de Nantes, capitaine Oraine, drossé par la tempête et n’obéissant plus à son gouvernail, est venu se jeter, vers 3 heures du matin sur la petite île de Costaéres à l’entrée du port de Ploumanac’h. Aussitôt qu’il s’est vu sur les récifs, le capitaine a fait mettre un canot à la mer, mais à peine 3 hommes y étaient embarqués que l’embarcation était submergée. L’un des hommes disparut sur le coup, un autre se sauva sur l’île et le troisième fut recueilli sur un madrier par les sauveteur Padel et Mangard. Le capitaine et le reste de l’équipage se réfugièrent dans les haubans et furent successivement sauvés au moyen d’une amarre que leur jetaient à tour de rôle les sieurs Le Goff (Louis), pilote ; Le Goff (Louis) ; le Goff(Pierre) ; et Ropars (Pierre), montant le canot Raymond, qui n’ont pas craint de braver la tempête pour se porter au secours de 5 malheureux, qui se seraient infailliblement noyés sans la prompte intervention de ces courageux sauveteurs. Ce sauvetage a été opéré entre 5 et 6 heures du matin. Le sous-brigadier Scoarnec, les préposés Fourmond et Millet de la sous-brigade de Ploumanac’h, étaient les premiers sur le lieu du sinistre munis des engins de la Société de Sauvetage ; le fusil porte-amarre a été utilisé et trois flèche ont été lancées sans résultat, la force de la tempête ne leur permettant pas d’atteindre le navire naufragé.

 

Le lieutenant des Douanes

Le Lay

 

Le lieu du naufrage par très gros temps : le chenal d’entrée de Ploumanac’h, à gauche la petite plage est sur l’île de Costaéres , au centre les rochers ou s’est  fracasser le « Maurice »
Le lieu du naufrage par très gros temps : le chenal d’entrée de Ploumanac’h, à gauche la petite plage est sur l’île de Costaéres , au centre les rochers ou s’est fracasser le « Maurice »

Commentaires :

Ces deux témoignages, de part leur différences montrent que même les témoignages écrits officiels peuvent être une interprétation des faits, et qu’il faut pour l’historien aborder les archives avec circonspection et si possible confronter les différentes sources. Le rapport des douanes semble plus fiable que le précédent.    

 

En 1896, la construction du château de l’île Costaéres, ou a eu lieu le naufrage est pratiquement finie, le propriétaire de l’île , Monsieur Abdank achète l’épave du trois mât « Maurice » et fait débiter les planches de l’épave ou plus certainement les bois de mature, pour faire le lambris à panneau pour le salon du château, Ces boiseries seront détruites lors d’un incendie au château en 1990.  

 

Le trois-mâts Maurice de Nantes avait un équipage de huit hommes, ce qui n’est pas un équipage important en conséquence le « Maurice » est certainement un petit trois-mâts en bois aux alentours de 35 mètres de longueur de coque.

Louis Lacroix dans les « derniers voiliers Antillais » indique que le « Maurice » de Nantes est un trois-mâts barque en bois de 252 tonneaux de jauge brute construit à Nantes en 1873 chez Sevestre pour l’armateur P.Rozier capitaine Joubert. Il aurait été vendu à Vannes pour le cabotage en 1896. Toutes informations sur ce navire sont les bienvenues.

 


Le port de Ploumanac’h vu de Trégastel avant 1900 au premier plan la Renommée L636  construite en 1879 à Perros pour le Guern de Trégastel racheté par Lissillour de Ploumanac'h dépecée en 1900
Le port de Ploumanac’h vu de Trégastel avant 1900 au premier plan la Renommée L636 construite en 1879 à Perros pour le Guern de Trégastel racheté par Lissillour de Ploumanac'h dépecée en 1900

 

 

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Le 24 janvier 1907, les bisquines de Cancale prises dans une dramatique tempête de neige

Cancale, le port la houle sous la neige avant 1910, les terre-neuviers cancalais sont désarmés en haut de la grève, quelques  bisquines également
Cancale, le port la houle sous la neige avant 1910, les terre-neuviers cancalais sont désarmés en haut de la grève, quelques bisquines également

Ouest éclair du jeudi 24 janvier 1907

 

Cancale le 23 janvier

Les bateaux partis à la pêche dans la journée de mardi ont été assaillis brusquement dans la soirée par une violente tempête du large.

Un grand nombre de bisquines ont dû se réfugier à Erquy.

Le bateau pilote vénus a eu son bout-dehors cassé et a dû rentrer en relâche à Saint-Malo pour réparer ses avaries.

Dans la nuit de mardi à mercredi le thermomètre est descendu à 4 degrés au dessous de zéro et en mer la situation était intenable pour les marins.

 

Saint-Malo le 23 janvier – Un vent de Nord-Est glacial et violent souffle sur nos côtes, rendant la navigation impossible.

Des bateaux pêcheurs de cancale, contrarier par les vents sont partis de Rohinet où ils pêchaient et se son réfugiés dans l’avant port et sur la rade. Les marins qui les montaient nous ont déclaré que depuis fort longtemps, un froid aussi intense n’avait existé.

 

Le pont des barques était couvert de deux centimètres de glace, les cordages et les apparaux de pêche étaient raides, de sorte qu’il était impossible aux marins de manœuvrer. A chaque pas les matelots transis glissaient et tombaient sur le pont.

 

La bisquine « vénus » CAN 80 patron Jean Clécault a eu son bout-dehors cassé au raz de l’étrave, alors qu’elle se trouvait par le travers de la passe de la Conchée.

Un patron pêcheur a débarqué malade.

 

Les bateaux cancalais sont arrivé ici avec beaucoup de difficultés. Sur cinquante barques cancalaises qui pêchaient aux Rohinets, plusieurs ont relâché à Erquy ; d’autres, malgré le vent contraire ont taché de regagner le port de la Houle . On aperçoit au large de Cézembre une quinzaine d’entre elles voguant avec tous les ris dans chaque voile.


Cancale le port de la houle par coup de vent d’est en hiver, la bisquine CAN 869 a cassé sa béquille tribord et est malmenée par le ressac ce qui peut entrainer des avaries pour la coque
Cancale le port de la houle par coup de vent d’est en hiver, la bisquine CAN 869 a cassé sa béquille tribord et est malmenée par le ressac ce qui peut entrainer des avaries pour la coque

 

Ouest éclair du vendredi 25 janvier 1907

 

Cancale 24 janvier. Je vous ai dit hier que plusieurs pêcheurs cancalais avaient dû chercher un refuge à Erquy.

 

La dépêche suivante arrivait à Cancale à midi :

 

Marine Erquy à marine Cancale :

« Demande secours pour onze bateaux cancalais en relâche dans le port d’Erquy, composés de soixante dix sept hommes sans vivre et sans argent ; impossible partir par cause du temps »

 

Au reçu de cette dépêche, l’administrateur de la marine à Cancale a immédiatement envoyé comme secours une avance de trois cent francs à répartir entre les équipages. En même temps il demandait la liste des bateaux en relâche afin de pouvoir tranquilliser les familles.

Cancale le 24 janvier

Nous recevons de très mauvaise nouvelles des pêcheurs cancalais en relâche à Erquy.

Presque tous les bateaux ont des avaries. Le « Montcalm », notamment, a son mât de misaine cassé. Plusieurs pêcheurs et patrons ont été congestionnés par le froid. D’après une dépêche, l’un deux Louis Chopin, âgé de 28 ans, marié depuis un an, est mort perdu en mer. On ignore s’il a été emporté par une lame ou par une congestion.

La nuit de tempête passée en mer a été terrible. A leur retour le lendemain matin, les pêcheurs avaient leur vêtement et la figure absolument couverts de sel.


La bisquine « La Cancalaise » sous voilure réduite
La bisquine « La Cancalaise » sous voilure réduite

Ouest éclair du samedi 26 janvier 1907

 

Cancale 25 janvier. On a eu aujourd’hui la confirmation de la mort en mer du pêcheur Louis Chopin.

Le matelot Louis Chopin, qui faisait tous les ans la campagne du banc sur le « courlis », de Saint-Malo, se livrait dans les intervalles à la pêche côtière sur le «Saint Pierre » bisquine montée par sept hommes et appartenant à son oncle Henry Chopin.

Ce bateau avait quitté Cancale Mardi (22 janvier) après midi pour aller pêcher sur le banc du Rohinet ; pris vers 9 heures du soir par la tempête épouvantable qui a sévi toute la nuit, il tenta de gagner le port d’Erquy et il s’en trouvait plus qu’à quelques milles vers une heure du matin : à ce moment, la mer  était tellement forte que chaque fois que le bateau tanguait, les hommes du bord étaient obligés de s’accrocher aux cordages pour ne pas être enlevée par les lames qui passaient au-dessus d’eux.

 

Soit alors que dans un violent coup de roulis, une lame encore plus violente vint arracher Chopin de son poste, soit que le malheureux fut pris par une congestion et lâcha son appui, il fut emporté par la mer et disparut aussitôt. Le bateau resta sur les lieux aussi longtemps que possible, faisant des recherches, mais dans l’obscurité profonde où il se trouvait et avec une mer démonté, tout espoir de sauvetage devenait vain.

Une fois à l’abri dans le port d’Erquy, les marins débarquèrent pour prendre les soins qu’exigeait leur état : seul le patron Chopin, oncle du disparu, ne voulut pas quitter son bord et il fallut que, mercredi vers midi, les patrons des autres bisquines relâchées dans le port allassent le chercher de force pour le descendre à terre à moitié gelé et transi de froid.

 

De mémoire de marin, jamais on n’avait encore passé une pareille nuit en mer et tous ceux que nous avons vus ce matin souffrent des extrémités des pieds et des mains qui sont encore gelées.

 

Ce n’est que jeudi, après avoir encore fait des recherches, que l’on s’est décidé à télégraphier à la famille Chopin la funeste nouvelle.

 

Les bisquines cancalaise ont quitté Erquy jeudi dans la soirée et ne sont arrivées que ce matin à 4 heures avec du vent debout. Ainsi que je vous le disais hier, elles ont presque toutes des avaries et ont leurs voiles déchirées. En entrant, le « Saint-Pierre » a mis son pavillon en berne et cet exemple a été imité par les bateaux où se trouvent des parents du disparu.


Louis chopin s’était marié l’hiver de 1905, il laisse une jeune veuve. La pauvre femmes, une demoiselle Lauquel, a eu deux frères perdus dans la catastrophe du « Cousins Réunis », un autre disparu en mer l’année précédente et enfin à la dernière campagne de Terre-Neuve un cousin germain perdu sur les bancs. Aujourd’hui c’est son mari que lui prend la mer. Nous nous associons respectueusement à la douleur de Mme Chopin.


A relever le chalut, par beau temps à bord d’une bisquine de Granville (photographie Lucien Rudaux archives départementales de la Manche)
A relever le chalut, par beau temps à bord d’une bisquine de Granville (photographie Lucien Rudaux archives départementales de la Manche)

Commentaires

Cette suite d’article nous fait revivre ce drame de mer dans des conditions météorologiques exceptionnelles, il est difficile, aujourd’hui d’imaginer la dureté du métier de pêcheur à la voile en hiver. Les bisquines de Cancale pratiquaient en hiver la pêche au chalut le cap la baie de Saint Brieuc était leur limite ouest de pêche.

 

La fin du mois de janvier 1907 et le mois de février sont particulièrement froid pour l’ensemble de l’Europe, en France de nombreuses villes et village sont sous la neige, les fleuves et rivières sont gelés (Site Météo Passion)

 

Au printemps 1905, le terre-neuviers de saint Malo « Cousin réunis » fait naufrage sur la route de Saint-Pierre, il y avait à bord 131 hommes , 29 hommes d’équipage et 102 graviers, de jeunes bretons partis pour travailler la morue sèche à Saint-Pierre

 

Photo de la vignette de la page ‘Sur le pont’ : le grand Bé sous la neige (site Carphas)

Le site du drame, le plateau du Rohinet devant le Cap d’Erquy (Carte marine SHOM 7310)
Le site du drame, le plateau du Rohinet devant le Cap d’Erquy (Carte marine SHOM 7310)

 

 

 

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