Histoire de l'île de Batz

1684, description nautique de l’Isle de Bas dans le « petit flambeau de la mer »

Extrait de la carte anglais de Thomas Jefferys de 1761 intitulée «  the Road of Bas », la route ouest passe à terre de Men Audi et entre les Lavandières et le Couillon, ce n’est pas la route la plus sure !
Extrait de la carte anglais de Thomas Jefferys de 1761 intitulée « the Road of Bas », la route ouest passe à terre de Men Audi et entre les Lavandières et le Couillon, ce n’est pas la route la plus sure !

Isle de Bas

L’isle de bas est par le travers de Roscou : cette isle a une lieue et demie de long est et ouest, éloigné de terre d’environ demie lieue : on peut entrer à Roscou par les deux bouts de l’isle ; savoir, par l’est et par l’ouest : mais ladite isle il y a quantité de rochers, lesquels couvrent et découvrent toutes les marées, ce qui rend l’abord du Havre de Roscou fort difficile. Pour entrer à l’isle de Bas par le côté de l’est, il faut lorsque vous êtes passé le haut rocher à deux cornes ou la selle, autrement nommé le Taureau, venir vers la terre entre la pointe de la terre ferme, et aller par le milieu de l’eau ; il y est profond de 7 à 8 brasses de haute mer ; mais de basse mer il n’y a point de passage à cause de la quantité de rochers qui y sont, et même de pleine mer il est fort dangereux, et il est bon de prendre un pilote du lieu.
Le livre Hollandois fait ce passage fort facile, mais l’expérience m’a fait voir le contraire ; entre le havre de Roscou et le bout de l’isle de Bas, il est tout plein de gros rocher le long de la côte jusqu’à moitié trajet de Bas.

Le passage de l’ouest est plus facile que celui de l’est ; pour y entrer il vous faut approcher le bout de isle à une portée de canon, alors vous apercevez une roche toute seule qui est environ au tiers du chemin au bout de l’isle à terre, il faut ranger et la pousser avec un long aviron, elle est fort saine : cette roche s’appelle la Lavandière et à deux longueur d’icelle, du coté de l’Isle, est une autre roche sous l’eau, nommé le Couillon : on passe entre cette dernière roche et la Lavandière, en laissant la Lavandière à tribord et le Couillon à bâbord : quand vous êtes passé au-dedans des dîtes roche, vous approchez un peu de l’isle en vous donnant de garde de deux roches qui sont sous l’eau au proche de l’isle ; c’est pourquoi il est bon d’avoir un homme sur la vergue de misaine pour y faire le quart : elle se voyent facilement, car les eaux y sont fort claires. Quand vous êtes environ à la moitié de isle, vous voyez une grande anse dans laquelle il y a plusieurs maisons, vis-à-vis desquels on mouille à quatre brasses d’eau de basse mer. Les marée y sont ouest quart de sud-ouest et est quart de nord-est.

Page de titre de l’édition de 1731
Page de titre de l’édition de 1731

Commentaires
Le « petit flambeau de la mer  ou le véritable guide des pilotes côtiers » est  le guide nautique  de navigation côtière, du XVIIIème siècle.  L’édition originale fût éditée au Havre en 1684.
Il fût écrit par Raulin Bougard, né au Havre en 1642, signalé comme pilote côtier en 1676, il effectue un voyage aux indes orientale en 1682 et 1683.
La sortie du « petit flambeau de la mer » sera particulièrement  remarquée et le sieur Bougard sera nommé lieutenant de Frégate en 1689 et capitaine de Brulot en  1693 il décédera à bord du vaisseau le « bon » en 1694.

Ce livre est un des premier guide nautique traitant de la Bretagne Nord. Il fût réédité 17 fois, 17 fois  sur plus de un siècle la dernière édition fût en 1817 chez Hovius à Saint-Malo
 le « Bougard »  était largement utilisé dans les écoles d’hydrographie.

La description nautique de l’île de Batz, est approximative,  une confusion existe  entre l’ile Tisaoson  (le haut rocher à deux cornes ou la selle)  et le Taureau roche cotée 2.7 dans le NE de l’île de Batz, pour l’ouest le passage indiqué à proximité des lavandière est possible mais le chenal actuel au nord du Couillon est plus sur.

Extrait de la carte française de Louis Brion de la Tour de 1766. Pour les atterrages les navigateurs comptaient plus sur les pilotes lamaneurs que sur les rares documents nautiques
Extrait de la carte française de Louis Brion de la Tour de 1766. Pour les atterrages les navigateurs comptaient plus sur les pilotes lamaneurs que sur les rares documents nautiques

1671 Les premiers inscrits maritimes de l’île de Batz

Extrait de la carte marine française de Denis de la Voye 1693
Extrait de la carte marine française de Denis de la Voye 1693

Sous le règne de Louis XIV, Colbert Contrôleur général des finances, secrétaire d’état de la Maison du Roi et secrétaire d’état à la marine, organise complètement l’administration du Royaume. Pour la marine royale , faisant suite à Richelieu, Colbert met en place en quelques années une organisation moderne. Le recrutement des équipages , de plus en plus nombreux, pour les vaisseaux du roi est une grande préocupation pour les autorités maritimes.

Jusqu’à cette époque, le recrutement pour les vaisseaux du rois se fait par le procédé de la presse, embarquant de force, dans les ports ou à bord des navires marchands les matelot pour une durée indéterminée. Ce système injuste et cruel perdurera longtemps pour la marine de Grande Bretagne. Colbert par décrets signé de Louis XIV, met en place entre 1668 et 1670 le système des classes : tous les gens de mer sont recensés et inscrits sur des matricules par les commissaires des classes, ils sont divisé de trois à cinq classes, chaque année une classe est appelée pour embarquer en fonction des besoins. Ils reçoive alors une solde ou une demi-solde, si ils ne sont pas embarqués mais reste à la disposition de la marine, cette demi-solde sera supprimé en 1704. Dans le même esprit est créé en 1673 la caisse des invalides, le tout premier régime de protection sociale assurant une retraite au anciens inscrits maritimes. Un décret institue l’instruction gratuite par les recteurs des paroisses côtière pour les fils des gens de mer inscrits maritime. Le régime de classes sera modifié et simplifié en 1704, La révolution française par la création de l’inscription maritime en 1795 conservera le principe de cette conscription. L’inscription maritime conférant un statu militaire particulier à tous les marin ne sera supprimé qu’en 1965. Le système des classes a donc perduré pendant presque trois siècles.

Vaisseau du roi soleil vu de l’arrière, planche de l’album de Colbert
Vaisseau du roi soleil vu de l’arrière, planche de l’album de Colbert

En 1671 la Bretagne est divisé en 5 classes, les quartier maritimes n’existe pas encore, ils seront institué par décret en 1734, les « gens de mer » sont inscrits suivant les divisions ecclésiastiques évêchés et paroisses.

 

Pour la Bretagne, le premier recensement fut ainsi publié à Brest le 6 mars 1671 sous le titre de « Rôle général de tous les officiers mariniers et matelots de la province de Bretagne, contenant leurs âges, qualités, signaux et demeures, ensemble leur rang de service sur les vaisseaux du roi, divisés en cinq classes ». Ce document est vraiment unique, rare et précieux. Cette toute première liste des inscrits maritimes à été imprimée, alors que plus tard les listes seront uniquement conservée sous forme manuscrite. Ce livre imprimé en forma assez grand, a été fait pour être présenté au Roi Louis XIV par Colbert. A ma connaissance un seul exemplaire de ce document existe encore il est conservé à la Bibliothèque Nationale de France.


Page de titre
Page de titre

Voici les premiers inscrits maritimes de l’île de Batz en 1671, j’ai bien sur conservé l’orthographe d’époque.


Évêché de Léon

Isle de Bas

 

Première classe dont le service finira au dernier mars 1671

 

Pierre Pisivin de 45 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Bernard Cloarec, le père, de 60 ans, taille haute, cheveux blonds

Jean Coan de 28 ans taille moyenne, cheveux blonds

Michel le Moal de 32 ans, taille basse, cheveux noirs

Robert le Bescoud (Bescond) de 32 ans, taille basse, cheveux chastains

Guillaume Quemener de 41 ans, taille id.

Philippes (Philippe) Trélucher de 46 ans, taille basse, cheveux noirs

Jean Moulin de 23 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Jacques Philippe le Jeune , dit Queruvan, de 22 ans, taille moyenne, cheveux noirs.

Jean le Jeune de 25 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Hervé Lelezde (le Lez) de 21 ans, taille id

Jean le Biozais de 20 ans, taille haute, cheveux chastains

Pierre Guillou de 20 nas, taille moyenne, cheveux chastains

Yvon Gral, dit Galand, de 25 ans, taille moyenne, cheveux noirs,

Hierosme (Jérôme) Goasdoué de 18 ans, taille id.

Jean Floch, fils de Nicolas, de 20 ans, taille haute, cheveux noirs

Sébastien Heven (Even) de 18 ans, taille haute, cheveux noirs

Pierre Olivier de 30 ans, taille haute , cheveux noirs

Philippes Legouez de 18 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Olivier Lelea de 25 ans, id.

Yvon Denis, fils de François, de 20 ans, taille basse, cheveux chastains

Yvon Bescond de 30, taille haute, cheveux jaunes

François Gral, fils d’Yvon de 38 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Yvon Philippe, fils de Paul, de 21 ans, taille basse, cheveux chastains

Joseph Lucia de 34 ans, taille basse, cheveux noirs

Yvon Philippe, fils d’Yvon, de 22 ans, taille basse, cheveux chastains, de Portelleau


Petit bâtiment marchand à arrière pointu
Petit bâtiment marchand à arrière pointu

Deuxième classe

Dont le service commencera au premier avril 1671 et finira au dernier mars 1672

 

Bernard Tanguy, de 34 ans, taille haute, cheveux noirs

Thomas le Dirou, de 40 ans, taille moyenne, cheveux blonds

Jacques Pisivin, de 40 ans, taille moyenne, cheveux blonds

Pierre Hellary, de 30 ans, taille basse, cheveux noirs

Jacques Philippes, dit God, de 40 ans, taille moyenne, cheveux blonds

Jean Philippes, dit Querunan, de 25 ans, taille haute, cheveux noirs

Jean Heven (Even), de 34 ans, taille basse, cheveux noirs

Nicolas Floch, dit Gibault, de 50 ans, taille haute, cheveux chauves

François Gral, dit Doyen, de 40 ans, taille haute, cheveux noirs

Jacques Lelez, de 25 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Jacques Le Moulin, de 21 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Nicolas Autret, de 15 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Jean Legouez, de 22 ans, taille haute, cheveux chastains

Estienne Guillou, de 15 ans, taille moyenne, id.

Vincent le Bescond, de 25 ans, id.

Yvon Robin, gendre de Goazdou, de 22 ans, id.

Yvon le Bescond, fils de Jean, de 29 ans, idem

Mathieu Jamet, de 35 ans, taille haute, cheveux noirs

Thomas le Loüet, de 27 ans, id.

Nicolas Le Dirou, de 24 ans, taille id.

François Hullot, de 18 ans, id.

Rolland Floch, de 17 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Jean Denis, fils de Colin, de 22 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Yvon Robin, fils de Jean, de 30 ans, taille haute, cheveux noirs

 

Troisième classe, dont le service commencera au premier avril 1672, et finira au dernier mars 1673

 

François le Dirou, de 26 ans, taille haute, cheveux noirs

Jean Pisivin, de 35 ans, taille haute, cheveux chastains

Philippes Guillou, de 16 ans, taille basse, cheveux noirs

Pierre Philippes, de 27 ans, taille basse, id.

Jean Mercier, de 28 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Yvon Trelucher, de 26 ans, taille basse, cheveux chastains

Ollivier le Mercier, de 23 ans, taille haute, cheveux noirs

Colin Lelez, de 40 ans, cheveux gris

François Philippes, fils d’Yvon, de 32 ans, taille haute, cheveux chastains

Jean le Loüet père, de 60 ans, taille moyenne , cheveux gris, pilote

François Philippes, de 22 ans, taille moyenne

Jean Vidal, fils de Sébastien, de 18 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Jacques Ollivier, de 40 ans, taille haute, cheveux chastains

Ollivier Philippes, de 25 ans, id.

Pierre Floch, de 19 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Nicolas Philippes, fils de Paul, de 15 ans, taille basse, cheveux noirs

Yvon le Ny, de 40 ans, id.

Jean Gral, fils de Noëm, de 16 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Nicolas Hemery, de 28 ans, taille haute, cheveux roux

Jean Autret, dit Bihan, de 14 ans, taille haute, cheveux noirs

Thomas Moal, de 27 ans, taille id

Michel Trimintin, de 30 ans, taille courte, cheveux noirs

Yvon Bigarry fils, de 18 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Nicolas Bescond, de 26 ans, taille haute, cheveux jaunes, de Mennelin

Yvon Gral, fils de Colin, de 30 ans, taille basse, cheveux noirs

 

Frégate marchande de la fin du XVII ème siècle
Frégate marchande de la fin du XVII ème siècle

Quatrième classe dont le service commencera au premier avril 1673 et finira au dernier mars 1674

 

Paul Philippe, de 40 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Michel Leloüet, de 30 ans, taille moyenne, cheveus chastains

Tanguy Le Mercier, de 35 ans, taille haute, cheveux noirs

Michel Vlot, de 24 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Nicolas Pisivin, de 30 ans, taille baffe, cheveux noirs

Yvon Philippe, de 55ans, taille courte, cheveux noirs

Bernard Cloarec, le fils, de 20 ans, taille moyenne, cheveux blonds

Guillaume Mercier, de 21 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Yvon le Loüet, de 20 ans, taille basse, cheveux chastains

François Guegen, de 32 ans, taille haute, cheveux noirs

Yvon Lelez, de 20 ans, taille haute, cheveux chastains

Jean Hevin (Even), de 20 ans, taille basse, cheveux id. pilote

Yvon Hullot, de 22 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Rolland Philippe, de 60 ans, taille baffe, cheveux gris

Yvon Helary, de 25 ans, taille haute, cheveux gris

Alain Denis, de 25 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Yvon Floch, de 18 ans, taille id.

François Mercier, fils de Pierre, de 34 ans, taille moyenne, cheveux blonds

Yvon Robin, fils de Guillaume, de 40 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Yvon Guegen, de 44 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Thomas Gral, de 20 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Jean le Requer, de 28 ans, taille haute, cheveux blonds

Jean Mercier, fils de Iean, de 25 ans, taille haute, cheveux noirs

Yvon Hemery, fils de Iean, de 22 ans, taille haute, cheveux roux

 

Cinquième classe dont le service commencera au premier avril 1674 et finira au dernier mars 1675

 

Tanguy Guillou , de 40 ans, taille moyenne, cheveux gris

Yvon Denis, de 22 ans, taille haute, cheveux chastains

Pierre Hellary, fils de Michel, de 23 ans, taille basse, cheveux noirs

Guillaume Pisivin, de 17 ans, taille basse, cheveux chastains

Jean Trimintin, de 26 ans, taille basse, cheveux blonds

Yvon Floch le père, de 52 ans, taille haute, cheveux chastains

Jean le Loüet, de 40 ans, taille haute, cheveux blonds

François le Jeune, de 22 ans, taille haute, cheveux noirs

Yvon Robin, fils de François, de 25 ans, taille haute, cheveux blonds

François Robin, fils de Iean, dit Bihan, de 40 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Josef  Trimintin, de 14 ans, taille baffe, cheveux noirs

Nicolas Barzic, de 18 ans, taille moyenne, cheveux noirs

François Bigary, de 40 ans, taille haute, cheveux noirs

Nicolas Moal, de 40 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Jacques Bernard, de 33 ans,taille haute, cheveux noirs

Guillaume Hullot, de 17 ans, taille moyenne, cheveux id.

André Hemery, de 22 ans, taille basse, id.

Nicolas Philippe, dit Quelego, de 21 ans, taille haute, cheveux chastains

Nicolas Bescond, fils de Jean, de 27 ans, taille moyenne, cheveux chastains

Jean Mercier, fils de Pierre, de 36 ans, taille id.

Jean Moal, de 42 ans, taille haute, cheveux noirs

Jean Gral dit lamorducq, de 30 ans, taille baffe, id.

Jean le Jeune, de 40 ans, taille basse, cheveux chastains

Jean Vidal, Fils de Jeanne Guillou, de 14 ans, taille basse, cheveux noirs

Jean Bouchart, de 41 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Alain Mercier, de 22 ans taille basse, cheveux chastains

Yvon Lazenec, de 20 ans, taille moyenne, cheveux noirs

Ollivier Bozennec, de 16 ans, taille haute, cheveux id

 

Bâtiment marchand du XVIIème  de taille moyenne
Bâtiment marchand du XVIIème de taille moyenne

Commentaires

 

En 1671, 128 marins de 14 à 60 ans

Nicolas Roualec estimais à 900 personnes la population de l’île de Batz vers 1700.

La population masculine en âge d’activité, entre 14 ans et 60 ans peut être estimé à 300 hommes. Les 128 marins représente 43% de la population masculine ce qui est important

On relève 44 noms de famille, bien sur sans tenir compte des différences d’orthographe des noms propres, car l’orthographe au XVIIème siècles est bien peu respecté.

 

La famille Philippe est largement la plus représentée avec 14 marins, puis vient la famille Mercier avec 8 marins, dans la famille Grall 7 inscrits maritimes, 6 dans la famille Bescond, les familles Robin, Pisivin ont 5 marins chacunes, les familles Floch (mes ancêtres), Guillou , Moal, Denis, Le Lez sont représentées par 4 marins chacune puis nous avons 3 marins dans les familles Trémintin, Le Jeune, Hullot, Hémery, Hellary, Even. Les 26 autres noms de famille n’apparaissent qu’une ou deux fois.

 

Rôle général de tous les officiers mariniers et matelots de la province de Bretagne, contenant leurs âges, qualités, signaux et demeures, ensemble leur rang de service sur les vaisseaux du roi, divisés en cinq classes » est à BNF sous la côte FOL LF69 12 . J’ai eu connaissance de ce document grâce au site de Christian Duic, révélant des études intéressantes sur l’histoire maritime du pays de Lorient, à travers l’histoire et la généalogie d’une famille de marins.

 

Cet ouvrage liste nominativement 13400 marins, j’ai photographié l’ensemble des pages concernant la Bretagne Nord, leur analyse feront l’objet d’autres articles.


Les deux sémaphores de l’île de Batz, 1866 et 1905

Le premier sémaphore de l’île de batz, vu du nord, les deux mâts sont presque alignés, on distingue le canon d’alarme et l’abri de la station météo
Le premier sémaphore de l’île de batz, vu du nord, les deux mâts sont presque alignés, on distingue le canon d’alarme et l’abri de la station météo

Le développement des sémaphores sur le littoral français

 

Pendant des guerres du premier Empire, la marine met en place un système de surveillance et communication côtière , basé sur le télégraphe visuel proposé par Charles Depillon, en 1806 le capitaine de vaisseau Louis Léon Jacob organise se service sémaphorique sur l’ensemble de nos côtes, l’île de Batz dispose alors d’un mât Depillon, mais j’ignore ou il se situait.

En 1815, la paie revenue, le système de sémaphore est démantelé.

 

A la fin des années 1850, avec le développement du télégraphe, les sémaphores côtiers entre dans une nouvelle ère celle des postes électro-sémaphoriques : communiquant vers la terre grâce au télégraphe et vers la vers par le système Depillon et les messages par pavillons du Code international. En 1866 nos côtes sont équipées d’un réseau de 134 sémaphores.

Le système Depillon, réservé à la marine de guerre, sera actif jusqu’en 1927, date à laquelle tous les navires de la Marine Nationale seront équipé de la TSF (télégraphie Sans fils) . les mâts Depillon seront alors démontés des sémaphores

 

Ancienne caronade datant d’avant 1840 équipant comme canon d’alarme les sémaphores, ici celui de Saint-Quay
Ancienne caronade datant d’avant 1840 équipant comme canon d’alarme les sémaphores, ici celui de Saint-Quay

L’article suivant de la « Revue maritime et coloniale » de 1873 explique la mise en place et le fonctionnement des postes électro-sémaphoriques.

 

Le service électro-sémaphorique français

On a toujours senti le nécessité de connaître et de surveiller ce qui se passait sur le littoral, et cette nécessité en devenait une de premier ordre en cas de guerre maritime ; aussi, de tout temps, des postes d’observations ont-ils été établis dans les îles, sur les caps avancés et sur les points les plus élevés de la côte. Malheureusement les observations que ces postes pouvaient recueillir étaient restreintes à la portée de la vue et ne pouvaient servir qu’aux localités environnantes, la difficulté des communications ne permettant pas de centraliser ces diverses observations locales, de les faire connaître aux localités éloignées et par suite, n’offrant qu’une utilité très restreinte au gouvernement. Aussi dès que, par l’emploi de la télégraphie électrique, on a eu la possibilité de mettre en communication immédiate entre elles, les diverses localités, même les plus éloignées, on a songé à s’en servir, et c’est en s’inspirant de cette idée que fut formulé le décret du 17 mai 1862, portant sur l’organisation du personnel du service électro-sémaphorique du littoral de l’Empire.

Par ce décret, on créait un réseau électro-sémaphorique comprenant 134 sémaphores, permettant de surveiller tout le littoral français et de centraliser les observations de tous les sémaphores de chaque arrondissement à la préfecture maritime, d’où elles peuvent être expédiées au ministère de la marine, et de cette façon le gouvernement est informé instantanément de tout ce qui se passe à chaque instant sur l’étendue du littoral de la France.

Le 5 mai 1867, un règlement ministériel vint compléter le décret du 17 mai 1862 et améliorer les dispositions que la pratique avait fait reconnaître comme susceptibles de modifications. Depuis la création des électro-sémaphores, on a considérablement élargi le cercle dans lequel ces postes étaient appelés à rendre des services. Ainsi, dès 1864, les postes sémaphoriques étaient ouverts à la télégraphie privée, ce qui est un avantage considérable pour les populations avoisinantes. Dès 1866, l’appareil Morse a remplacé dans presque tous les sémaphores l’appareil à cadran : amélioration notable en ce que les bureaux télégraphiques avec lesquels les sémaphores sont en rapport ne sont plus obligés d’être munis d’un appareil à cadran, et ce qui est d’une importance capitale, c’est qu’avec l’appareil Morse, le contrôle des dépêches expédiées existe toujours, ce qui n’a pas lieu avec l’appareil à cadran.

En 1865, le Code international de signaux fut adopté par la plupart des puissances maritimes, et son emploi fut étendu aux sémaphores, qui furent autorisés à recevoir des navires de commerce de toutes les nations des télégrammes marins et à leur transmettre des dépêches, mais en se servant uniquement du Code international, à l’exclusion des codes Marryat, Reynolds, etc.

 

Mât Depillon en service dans les sémaphores
Mât Depillon en service dans les sémaphores
Système de codage numérique Depillon chaque bras peu adopter 7 positions
Système de codage numérique Depillon chaque bras peu adopter 7 positions

Pour ce service, on installa, en 1866, un mât de signaux dans chaque sémaphore ; c’est aussi en 1866 que les sémaphores furent pourvus d’un pavillon noir qui, lorsqu’il est hissé soit au mât de signaux soit à la corne ou à la vergue, indique à la fois les sinistres maritimes et la direction dans laquelle ils ont lieu. Depuis 1870, les sémaphores sont en possession d’un tableau indiquant les signaux à faire aux bâtiments et aux bateaux pêcheurs pour leur indiquer le temps qu’il fait au large et les prévenir de la hausse et de la baisse du baromètre. De plus, les sémaphores sont pourvus d’un cylindre que les guetteurs hissent à la tête du mât de signaux chaque fois qu’ils en reçoivent l’ordre de Paris.

Ce signal a pour but de prévenir les bâtiments et les riverains qu’il règne non loin d’eux un mauvais temps qui peut les atteindre.

C’est aussi à partir de 1870 que, pour annoncer à tous les marins le temps qu’il fait au large, les chefs guetteurs en donnent connaissance aux capitaine de port et syndics des gens de mer, afin que ceux-ci fassent afficher ces avis aux bureau du port.

Depuis 1868, dans chaque sémaphore il existe un registre pour les observations météorologiques ; ces observations sont notées de 4 heures en 4 heures.

En dehors de tout ce qui précède sur le service dont les sémaphores sont chargés pour annoncer le temps et faire les observations météorologiques, les postes électro-sémaphorique de Gris-Nez, Saint-Mathieu, Grognon( Ile de Groix, ile d’Aix), Biarritz et Sicié ont été désignés, en 1868, pour transmettre par voie télégraphique à Londres, au ministère, à Paris, et aux préfets maritimes, des observations météorologiques spéciales qui se composent se six groupes composés chacun de cinq chiffres.

En 1872, quelques dispositions nouvelles ont été prises ; on a établi dans un certain nombre de sémaphores une pièce d’artillerie de fort calibre, afin de mettre les guetteurs à même d’appuyer d’un coup de canon un signal important qu’ils auraient reçu l’ordre de l’autorité maritime de transmettre à un bâtiment.

Code international de signaux, édition de 1900
Code international de signaux, édition de 1900

Quatre stations sémaphoriques : Fécamp, Barfleur, Ouessant(Sud) et Pointe d’Arzic transmettent deux fois par jour, à la chambre de commerce du Havre, la liste des bâtiments qui se font reconnaître en passant en vue de ces sémaphores. L’échange des signaux nécessaires pour la détermination ou le signalement des navires se fait gratuitement, pour le capitaine comme pour l’armateur. Ces télégrammes sont affichés au Havre dès leur arrivée et mis ainsi à la disposition des intéressés. Une mesure semblable a été prise pour le port de Marseille qui reçoit tous les jours, dans le mêmes conditions, les noms des bâtiments qui se font reconnaître en passant en vue des sémaphores : cap Béarn, Faraman, Sicié et Porquerolle. Pour compléter le service des signaux locaux du temps et permettre aux caboteurs qui, la plupart, n’ont pas à bord le Code International, de faire répéter, à leur passage devant un sémaphore, le signal du temps, il a été arrêté que le pavillon de quarantaine ou un carré blanc hissé sous le pavillon national , servirait de signal d’attaque.

Comme on le voit, les sémaphores rendent des services importants à la navigation ; au ports de commerce par les renseignements qu’ils transmettent, et au gouvernement, en lui faisant connaître tout ce qui se passe sur l’étendue du littoral.

 

Voici en quoi consiste le service des guetteurs :

  1. Surveiller la mer et la côte en vue de leur poste, et transmettre aux autorités maritimes les avis qu’elles auraient intérêt à connaître ;
  2. Effectuer les observations météorologiques qui leur sont prescrites, c'est-à-dire noter six fois par jour la hauteur du baromètre, la hauteur du thermomètre, la direction et la force du vent, l’état du ciel, l’état de la mer ;
  3. Assurer le service de la correspondance officielle ou privée, tant par la voie électrique que par la voie des signaux maritimes ;
  4. tenir la comptabilité des recettes de la télégraphie privée.
  5. Veiller à la conservation, des archives du poste et à l’entretien du matériel qui leur est confié, et tenir la comptabilité relative à ce matériel.

 

Pour arriver à ce résultat le service est ainsi distribué : à tour de rôle l’un des guetteurs prend, au point du jour, pour le cesser à la nuit, le service extérieur ou de corvée. Il est spécialement chargé, pendant cet intervalle, de surveiller la mer et les sémaphores voisins, avec lesquels il peut communiquer à l’aide des signaux maritimes.

Au moment de l’ouverture, c'est-à-dire à sept heure du matin en été, et à huit heure en hiver, l’autre guetteur prend le service intérieur jusqu’à neuf heure du soir. Il est particulièrement chargé des rapports avec le public et des communications avec les bureaux télégraphiques correspondants.

Le guetteur de corvée est chargé de porter à domicile les dépêches d’arrivée.

Le chef guetteur ne doit s’absenter de son poste ou autoriser le guetteur en second à s’absenter, qu’en vertu de permissions régulières ou pour affaires de service.

Les guetteurs doivent faire parvenir, par la voie télégraphique, au préfet maritime de l’arrondissement, les renseignements importants qu’ils reçoivent de la mer ou de la côte, et lui rendre compte de tous les événements maritimes, tels que : détresse des bâtiments, dégâts causés sur la côte par la tempête, mouvement des bâtiments de guerre, etc.…

 

Code International de signaux, signaux de grande distance
Code International de signaux, signaux de grande distance

D’après cet exposé, on voit que le service des guetteurs est très important et demande de leur part beaucoup de soin, d’exactitude et une certaine instruction, ainsi qu’une conduite exemplaire.

Du personnel. – Dans chaque poste sémaphorique il ya un chef guetteur et un guetteur.

Il existe, en outre, dans chaque arrondissement maritime, pour aviser aux éventualités, des guetteurs de 2ème classe dont le nombre est fixé au dixième de l’effectif des chefs guetteurs et guetteurs de l’arrondissement.

Instruction sémaphorique. – Tous les chefs guetteurs sont au courant des signaux sémaphoriques, des signaux de grande distance, et du Code international.

 

Des plaintes, très rares, ont été portées par les bâtiments contre les sémaphores soit pour avoir tardé à répondre aux signaux, soit pour l’interprétation de ces signaux. Mais il est à remarquer que les sémaphores se trouvent quelquefois dans l’impossibilité de voir les signaux. En effet, il peut arriver souvent qu’un bâtiment se trouvant à une très petite distance d’un sémaphore et lui faisant des signaux, celui-ci cependant ne puisse distinguer les pavillons, soit parce que le navire se trouve dans la direction du soleil, ou parce que les pavillons flottent mal, ou parce qu’ils sont cachés par la mâture, les voiles ou la fumée. Si à ces causes on ajoute que souvent le navire marche à grande vitesse, on comprend que le sémaphore, avant d’avoir interprété et répondu à chaque signal se trouve dans l’impossibilité de reconnaître les pavillons des derniers signaux, si le bâtiment a continué sa marche.

Pour ces raisons, il est important que les bâtiments, lorsqu’ils ont un signal à faire à un, sémaphore, ne servent du Code international que lorsqu’ils se trouvent à faible distance du sémaphore, et en stoppant ou en mettant en panne, et en prenant la précaution de s’assurer que les pavillons flottent bien et peuvent être aperçus du sémaphore. Si, au contraire, les bâtiments sont assez loin du sémaphore, il vaut mieux se servir des signaux de grande distance, tout en prenant la précaution de modérer la marche autant que possible.

 

Instruction télégraphique. – Pour le service télégraphique, les postes électro-sémaphoriques sont en même temps bureaux de télégraphie privée. Le service est généralement très satisfaisant et est arrivé, aujourd’hui, à une régularité et à une précision qui donnent toute sécurité, au point de vue de l’exactitude des transmissions et de la rapidité avec laquelle les dépêches sont expédiées.

Tous les guetteurs, familiarités avec l’appareil Morse, comprennent bien le mécanisme des instruments dont ils doivent se servir. Il était difficile d’espérer arriver à une situation aussi satisfaisante avec un personnel recruté parmi des hommes parvenus à un âge où apprendre est généralement chose peu facile.

Recrutement du personnel. – Le recrutement est facile, et depuis que la solde des guetteurs a été sensiblement améliorée, beaucoup de sujets se font inscrire, à chaque vacance qui se présente. La plupart des postulants sont jeunes, capitaines au cabotage ou timoniers brevetés.

 

Code international de signaux. – Les amateurs et capitaines français n’usent que bien rarement des facilités que leur offre le Code international de signaux pour envoyer des dépêches aux sémaphores de notre littoral chargés de recevoir et de transmettre, au moyen du dit code, les signaux échangés entre la terre et les bâtiments en vue. Grâce au développement des communications entre les deux mondes, le commerce est entré dans une voie nouvelle ; presque tous les navires partent des colonies sans connaître le port pour lequel ils doivent relever, mais ayant pour instructions d’aller prendre des ordres à des endroits déterminés ; les armateurs auraient donc grand avantage à envoyer d’avance aux postes électro-sémaphoriques les ordres qu’ils auraient à transmettre à leur navires, pour que ceux-ci pussent les recevoir immédiatement et même sans mouiller, en venant se faire reconnaître par les guetteurs. De cette façon, on ne verrait plus (ce qui arrive constamment aujourd’hui) des navires de commerce rester cinq et six jours au mouillage de Belle-Île pour y attendre des instructions. Souvent même nos navires arrivent sur la rade de Belle-Île sans même se faire reconnaitre par les sémaphores en vue desquels ils passent.

Les chambres de commerce ont déjà fait bien des efforts pour généraliser l’emploi du Code international de signaux ; mais les avantages d’une langue universelle sont tellement importants, qu’on ne saurait trop insister pour donner la plus large puplicité à ce genre de signaux d’une utilité démontrée, et qui est adopté par presque toutes les puissances maritimes. (tome 36 de la Revue maritime et coloniale de 1873)

 

 

Le réseaux des sémaphores est dense, sur les 134 sémaphores des côtes française, les côtes de Bretagne nord, dépendant du second arrondissement maritime, en compte 26 : le Grouin de Cancale, la pointe Bénard saint Servan, le Décollé, Saint-Cast, Fréhel, Erquy, le Roselier, Saint-Quay, Plouézec, l’île de Bréhat, Créac’h ar maout, Port-Blanc, Ploumanac’h, la pointe de Bihit à Trébeurden, Primel, Bloscon à Roscoff, l’île de Batz, Kerizoc, les Anges à l’Aberwrac’h, Landunvez, Corsen, le Stiff île d’Ouessant Est, la pointe de Créac’h Ouessant Ouest, les Renards au Conquet, saint-Mathieu, Créac’h Meur.

Guetteurs sémaphoriques, gravure publiée dans l’illustration
Guetteurs sémaphoriques, gravure publiée dans l’illustration
Le sémaphore vu du sud, les bras du mât Depillon sont en position de non transmission
Le sémaphore vu du sud, les bras du mât Depillon sont en position de non transmission

Le premier poste électro-sémaphorique de l’île de Batz

 

Le premier sémaphore de l’île de Batz est construit en 1866, à l’époque de la construction de tous les sémaphores des côtes de France. Il se situe sur un terrain juste au nord du phare, il est construit sur un plan type, il existe pour la Manche et Atlantique 3 types de plan , celui de l’île de bas sera construit sur le plan II modifié pour l’adapter au terrain par l’ajout d’un sous sol. Le plan en T comprend un local pour le système de signaux visuels Dupillon et le télégraphe électrique, et un logement pour les deux guetteurs et leurs famille.

 

Plan du sémaphore du cap Lévi, celui de l’île est construit sur le même plan type
Plan du sémaphore du cap Lévi, celui de l’île est construit sur le même plan type

Pour le service électro-sémaphorique, l’île de batz est reliée au continent par un câble télégraphique sous marin en 1865, c’est à la pointe de la technologie de l’époque, dans les mêmes années on posent les premiers câbles transatlantique. Le service télégraphique est également ouvert au public, île de Batz bénéficie donc de cette première relation vers le continent, les tarifs appliqué sont ceux de la télégraphie publique.

 

La proximité immédiate du phare est bien pratique pour les gardien en cas de naufrage les guetteurs-sémaphorique montent en haut du phare pour mieux analyser la situation.

 

Les deux logements pour les guetteur sont exigus
Les deux logements pour les guetteur sont exigus
Statistiques météorologiques du sémaphore de l’île de Batz publié sur la carte de l’atlas des port de France de 1878
Statistiques météorologiques du sémaphore de l’île de Batz publié sur la carte de l’atlas des port de France de 1878
Situation du second sémaphore, photographié entre 1905 et 1913, de nombreuses annexes de maisons sont encore couvertes en chaume
Situation du second sémaphore, photographié entre 1905 et 1913, de nombreuses annexes de maisons sont encore couvertes en chaume

 

Le second sémaphore de l’île de batz

En 1905, le sémaphore de l’île de Batz est transféré dans le fort central, certainement dans un soucis de visibilité par les navires mais également pour que les gardiens puissent avoir un logement plus spacieux. Ce fort central ou réduit central pour 200 hommes a été construit en 1860, 1861 suivant le plan de défense des côtes de 1847.

Pour son adaptation en sémaphore, une tour a été édifiée suivant le même plan de celle de Molène, le système de mât Depillon est installé dans la tour, le mât de pavillon est installé à l’autre bout de la plateforme du fort.

La présence ou l’absence du sémaphore avec ses deux mâts permet de dater les cartes postales et autres anciens clichés de l’île de Batz, d’avant ou d’après 1905.

 

Ce sémaphore est, bien sur, toujours en activité et est promu a un bel avenir.


La tour du nouveau sémaphore, on voit bien la structure du fort
La tour du nouveau sémaphore, on voit bien la structure du fort
Les deux mâts du sémaphore
Les deux mâts du sémaphore

 

 

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Une presse à sardine à l’île de Batz en 1863

Presse à sardine au XVIII ème siècle, extrait d’une planche de l’encyclopédie méthodique
Presse à sardine au XVIII ème siècle, extrait d’une planche de l’encyclopédie méthodique

Un extrait de « De la pêche à la sardine et des industries qui s’y rattachent » par un pêcheur édité en 1864 à Quimperlé

 


A l’île de Batz et à l’île de Sieck, sa voisine, on pêchait autrefois vers septembre et octobre, une certaine quantité de grosse sardines qu’un ou deux bateaux du pays prenaient avec de la gueldre [1]. Ces bateaux en prenaient d’assez fortes quantités pour les besoins de la consommation locale. Un spéculateur de Roscoff, associé à l’un des premier armateurs de Douarnenez, a songé à y faire la pêche sur une échelle plus importante [2].

 

Après avoir obtenu de l’administration des douanes l’autorisation d’établir un atelier de salaison à l’île de batz, il y a formé un établissement qui a débuté avec succès en 1863. Il vient d’acquérir l’île de Sieck touchant la terre ferme par une dune de sable découvrant à basse mer, où il va encore monter des ateliers. Tout porte à croire que cette nouvelle industrie, conduite par les hommes capables qui l’ont introduite dans le pays, y prendra de profondes racines et qu’elle sera la source de grands avantages pour la localité et de beaux bénéfices pour ceux qui l’on créée.

 

Dans les environs des côtes de Lannion, un peu plus loin que l’île de batz, on trouve encore, en octobre, de grosse sardines que les bateaux du pays pêchent aussi pour la consommation locale. Il est à présumer, qu’à l’exemple des industriels de Roscoff, on verra la pêche de la sardine se faire aux Sept-Iles, soit sur les côtes voisines de Lannion, avec les mêmes moyens et le même succès qu’elle se fait maintenant à l’île de batz. La proximité du chemin de fer qui permet d’établir des relations promptes et faciles avec l’intérieur de la France, ne peut manquer de donner des débouchés assurés et satisfaisants, aux spéculateurs qui voudront entreprendre l’exploitation de cette industrie dans les Côtes du Nord, sur une échelle un peu importante et avec les procédés en usage chez les pêcheurs du Finistère [3].


Presse à sardine en Cornouaille Britannique
Presse à sardine en Cornouaille Britannique

Commentaires :

  

Le principe de la sardine pressé est simple, après avoir été lavée, les sardines sont rangées méticuleusement par couche, en alternance avec du sel , dans des tonneaux puis pressé à l’aide d’une grosse pierre suspendu à une poutre faisant levier. L4air étant bien chassé la sardine se conserve alors, en tonneaux 6 à 8 mois. L’établissement de presse est assez sommaire, il se présente sous forme d’une grange ou d’un préau un mur solide est garni de trous permettant d’engager l’extrémité des poutres levier, il est seulement équipé de bailles en bois pour le lavage des sardines.  

 

[1] Gueldre Alevins de crevettes grises de 8 à 10 mm de long, péché à l’haveneau par les femmes sur les grèves

 

[2] Le spéculateur de Roscoff est Léopold Deschamps. Il s’est associé à Gustave le Guillou Penanros négociant et propriétaire de presses à Sardine et de friterie (production de sardines en boite ) à Douarnenez et propriétaire de l’île Tristan depuis 1854.

 

Léopold Deschamps est le fils d’Yves Deschamps, armateur et juge de paix du Canton de Saint-Pol. Léopold Deschamps, né en 1833, commence dans les affaires ,en 1859 à 26 ans comme armateur, il sera maire de Roscoff de 1863 à 1870. Il développera la pêche et la conserve de la sardine à l’île de Sieck qui appartenait à cette époque à son père.

 

[3] L’auteur est visionnaire, l’activité de pêche et de conserve de la sardine se développera en baie de Lannion sur les dernières décennies du XIXème, avec quatre « usines » de production de sardine en boite entre Locquémeau, Trébeurden et Servel.


Sources Bibliographiques :

« De la pêche à la sardine et des industries qui s’y rattachent » par un pêcheur

« Histoire de l’île de Sieck » Jean-Claude Le Goff

« Le quartier maritime de Lannion » Jacques Roignant édition Nature et Bretagne

 

Je me pose des questions sur cette activité sardinière à l’île de Batz : Cette presse à sardine à t’elle réellement vu le jour ? Pendant combien de temps a-t-elle été en activité ? Ou était elle ? Qui travaillait dans pour cette presse ? Qui était les pêcheurs qui pêchaient les sardines ? Il y a-t-il eu des pêcheurs ou des presseurs douarnenistes à venir à l’île de Batz pour former les iliens à ces techniques ? J’espère pouvoir un jour répondre à ces questions, l’enquête continue !

 

Pêche à la sardine au filet droit, au début du XIXème, deux hommes aux avirons, les teneurs, maintienne le bateau, un homme prépare certainement le futur filet, le patron debout sur le tillac jette de la rogue ou de la gueldre sur le coté du filet pour attirer le banc de sardine, ce type de scène de pêche devait être courante vers la fin du XIXème siècle dans le sud-ouest de l’île de Batz.

 

 

 

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Le 31 mai 1894, inauguration de la station de sauvetage de l’île de Batz

La remonté du canot de sauvetage « Sainte Madeleine et Sainte Victoire de Saint Faron » dans sa maison abri, halé par une quinzaine d’hommes
La remonté du canot de sauvetage « Sainte Madeleine et Sainte Victoire de Saint Faron » dans sa maison abri, halé par une quinzaine d’hommes

Les parages de l’île de Batz voient se produire de nombreux sinistres, et depuis longtemps les administrateurs de la Société songeaient à y créer une station, pour suppléer celle de Roscoff, lorsque le legs de M. le comte Foucher vint leur fournir les moyens.

Le canot « Saint-Madeleine et Sainte-Victoire de Saint-Faron » ainsi appelé suivant le désir du donateur, a été baptisé le 31 mai.

 

La maison-abri, élevée avec le concours, qui ne nous fait jamais défaut, de l’administration des Ponts et Chaussées, est située au sud-ouest de l’île dans la baie de Porz-Retter, et c’est là que s’était réunie une foule nombreuses, désireuse de témoigner sa sympathie à l’œuvre du sauvetage et aux marins qui sont venus s’offrir spontanément pour former l’équipage.

 

M. Le Recteur de l’île s’étant trouvé souffrant, la bénédiction a été donnée par M. le chanoine Quidelleur, principal du collège de Saint Pol de Léon ; puis M. l’abbé Corre, professeur de rhétorique au même collège, a prononcé l’allocution suivante :

 

Mesdames, Messieurs,

 

Je suis confus de prendre la parole dans une circonstance aussi solennelle, sans m’y être préparé, M. Le recteur de l’île de Batz devait vous adresser quelques mots. Au dernier moment, des circonstances indépendantes de sa volonté l’on empêché d’assister à cette fête du pays, et c’est sur ses instances que je n’ai pas osé refuser de parler. J’ai une autre excuse à faire valoir auprès de vous ; je suis un terrien, je connais peu la mer et ses dangers ; il eût fallu un marin pour parler à des marins.

 

Une fois , néanmoins, j’ai vu de près les services que peuvent rendre les canots de sauvetage. Les obligations de mon ministère m’avaient appelé à l’île Molène, il y a deux ans, et pendant le séjour de trois semaines que j’y fis, une tempête se déchaina. Les bateaux de pêche n’étaient pas loin, heureusement, et tous rentrèrent au port, moins un qui avait un équipage insuffisant ; il lutta de son mieux, puis, n’en pouvant plus, il jeta l’ancre entre deux rochers. C’était un moment de répit, mais le danger grandissait. Du bateau on hissa une vareuse, puis un lambeau de voile, faute de pavillon, et on attendit. Le signal de détresse avait été aperçu du sémaphore et tous les habitants de l’île aussitôt informés étaient sur le rivage. On pouvait voir le bateau, monté par un homme de l’île et deux jeunes gens, ou plutôt deux enfants. Au dire des marins, ils étaient certainement perdus, sans le canot de sauvetage que possède Molène. Je le vis sortir du port, braver la tempête, et quelques heures après, tous rentraient avec le bateau et l’équipage au complet.

 

Le canot et la maison abri à pors reter
Le canot et la maison abri à pors reter

Habitants de l’île de Batz,

 

le service que le canot de sauvetage a rendu à Molène, La « Sainte Madeleine et Sainte Victoire de Saint Faron » vous le rendra.

Je sais que les marins de l’île sont courageux, qu’ils redoutent peu la mer et ses tempêtes, qu’ils ont confiance en celui à qui le vent et les flots obéissent, n’importe « aide-toi et le ciel t’aidera ! «  et avec ce nouveau moyen de secours mis en des mains courageuses, le danger sera moindre ; femmes de l’île de batz, quand soufflera l’ouragan, vous aurez moins d’angoisse, vous saurez que ce canot sera prêt, à toute heure du jour et de la nuit, à secourir quiconque sera en détresse.

 

Les services qu’il est appelé à rendre ne s’étendront pas seulement aux habitants de l’île. Dans ces parages, les écueils sont nombreux, les courants rapides, et trop souvent des navires désemparés sont jetés sur vos côtes.

Le Français, a-t-on dit , n’a d’adversaires que sur le champ de bataille. Aussi, quelle que soit la nationalité de ceux qui seront en détresse, vous déploierez, pour les sauver, le même courage et la même ardeur.

 

Puisse le noble exemple donné par M. Le comte Foucher trouver de nombreux imitateurs ! Il a fait une bonne œuvre, une œuvre de charité ! Que la bénédiction de Dieu soit sur lui et sur sa famille ! Qu’elle soit aussi sur la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés.

Et toi, ô canot Sainte Madeleine et Sainte Victoire de Saint Faron, voici les vœux que je forme pour toi. Ton nom rappelle un trait de notre histoire : Sainte-Madeleine et Lazare, poursuivis par la haine des juifs, furent exposés par eux dans un bateau sans voiles et sans rames : la Providence les conduisit dans les environs de Marseille. Toi, tu as des voiles et des rames, tu as aussi le vaillant cœur de tes marins et, Dieu aidant, quels prodiges ne devons-nous pas attendre de toi ! Puisses-tu sauver tous ceux qui seront en danger dans ces parages, et les rendre, vivants et joyeux, à leur famille.

 

Ce beau discours a vivement impressionné l’auditoire qui l’a salué de longs applaudissements, ainsi qu’une chaude allocution prononcée par M. le chanoine Quidelleur.

La cérémonie, dirigée par l’inspecteur de la société, vicomte Macé, s’est terminée par le lancement du canot pour lequel le vaillant Le Mat, notre patron de Roscoff, était venu apporter son secours.


 

Le comité local de sauvetage, au moment de la création était le suivant :

 

Floch Yves, capitaine au long cours, maire, Président,

Larcher Édouard, propriétaire, Secrétaire-Trésorier,

Floch Michel, instituteur, Membre,

Glérant Thomas, ancien chef guetteur, Membre,

Hulot Jean, capitaine au long cours, Membre,

L’abbé Lazare, vicaire à l’île de Batz, Membre,

L’abbé Le Sann, recteur, membre,

Milin Gabriel, ancien agent comptable de la marine, Membre.

Source : Annales du sauvetage maritime du quatrième trimestre 1894

 

La création de la station de l’île de Batz, n’a pas été simple et a rencontré l’opposition du comité local de Roscoff voici un extrait du rapport du comité local de Roscoff publié dans les rapports et délibération du conseil général du Finistère en 1880

 

« quant à la création d’une station nouvelle à l’île de Batz, les membre du Comité local, qui connaissent parfaitement le pays, sont d’avis qu’il n’est pas possible de donner suite à ce projet en raison de la nature des lieux, du manque absolu de chemins praticables pour le passage du chariot et surtout de la difficulté qu’on éprouverait à réunir un équipage suffisant. Les jeunes marins étant presque toujours absents de l’île où il ne reste guère que des femmes et d’ancien marins retraités.

M. le président ajoute que la société ne perdra pas de vue néanmoins les vœux exprimés par le conseil général ; si les conditions locales venaient à changer, elle ferait en sorte d’en profiter afin de réaliser les améliorations de service qui lui sont demandées »

 

Commentaires

 

« Sainte Madeleine et Sainte Victoire de Saint Faron » est à ma connaissance le nom de bateau le plus long !

 

Les comité locaux sont souvent assez éclectique et regroupe des personnalités locales, opinions opposées : à l’île de batz le maire républicain Yves Floch et son fils Michel Floch (mon arrière grand-père) instituteur laïque cohabitent au sein du comité avec le Vicaire et le Recteur de l’île de Batz pour le bon fonctionnement du sauvetage en mer.

 

Le canot « Sainte Madeleine et sainte Victoire de Saint Faron » fait partie de la nouvelle série des canots de sauvetage à l’aviron construits en série de 1878 à 1907
Le canot « Sainte Madeleine et sainte Victoire de Saint Faron » fait partie de la nouvelle série des canots de sauvetage à l’aviron construits en série de 1878 à 1907

Ses caractéristiques sont les suivantes :

Longueur de tête en tête                                            10,10m

Largeur hors bordé au maitre bau                         2,27 m

Creux sous râblure                                                       0,975 m

Lest en fausse quille, de l’ordre de                         300 kg

Tirant d’eau lège                                                            0,51 m

Tirant d’eau en charge                                                0,55 m

Déplacement en charge                                              3,6 tonnes

Hauteur du pont au centre

au dessus de la ligne de flottaison                          0,10 m

Avec 880 kg à 0,85 m de l’axe

Inclinaison                                                                       20°

Redressement spontané après chavirage           5 secondes

Évacuation après redressement                             23 à 30 secondes

Avirons (en couple)                                                     10

 

Plan et construction : Chantier Augustin Normand Le Havre


VIRTUS et SPES Courage et espérance Devise de la a Société Centrale de Sauvetage des Naufragés
VIRTUS et SPES Courage et espérance Devise de la a Société Centrale de Sauvetage des Naufragés

Juin 1825, un navire étrange évite de peu le naufrage à l’île de Batz

Le périple du « Parisien » tracé sur la carte française de Joseph Sauveur de 1753, étonnant sur cette carte le nord n’est pas vers le haut. Les documents nautique vers 1825 ne sont guère plus précis.
Le périple du « Parisien » tracé sur la carte française de Joseph Sauveur de 1753, étonnant sur cette carte le nord n’est pas vers le haut. Les documents nautique vers 1825 ne sont guère plus précis.

Premier voyage de Nantes à Paris par mer fait en juin 1825, sur le « Parisien » Bateau à vapeur de 83 pieds de tête en tête, callant deux pieds d’eau, et ayant une machine à base pression de la force de douze chevaux, construite à Liverpool dans les ateliers de MM. Fawatt et Prestons

 

En 1825, l’ère des navires à vapeur débute seulement, dans les grand port et sur la seine on commence seulement à voir quelques vapeurs. Lors de ses escales à l’île de Batz et à Perros c’est certainement la première fois que les habitant de la côte découvre ce type de bateau.

 

Le vapeur est parti le 28 mai 1825 de Nantes . « Notre équipage se composait d’un ancien capitaine au cabotage, d’un marinier de la Loire, d’un mécanicien peu capable, de deux chauffeurs, d’un ancien soldat, dont nous fîmes un cuisinier, d’un passager, du constructeur du bateau, de son fils et de son gendre ; tous excepté le patron, sans aucune habitude de la mer » après une première partie du voyage sans trop de difficulté excepté le mal de mer nous retrouvons notre vapeur en manche.

 

« […] Toujours favorisés par la marée, nous eûmes bientôt doublé le cap St-Mathieu, et franchi ce détroit où depuis, par la faute de notre guide, il nous fallut tant lutter, quoique victorieusement, contre les courants, et dépassé la roche isolée qui donne son nom à tout ce passage. Nous débouchâmes enfin dans la Manche, dans cette mer dont on nous avait fait des rapports si effrayants, que nous n’avons trouvés que trop vrais. Sur notre droite s’étendait une côte de rochers, peu élevée, pénétrée de toutes parts par la mer, et en avant de laquelle, aussi loin que la vue pouvait s’étendre, se montraient çà et là, au dessus des flots, des rochers épars, indices des bas-fonds dont ils forment les sommités; sur notre gauche, la solitude des mers, interrompue de loin en loin par quelques voiles, à une distance immense, et faisant une route qui les déroba bientôt à nos yeux. Pour accroître notre inquiétude, notre patron nous déclara qu’il ne pouvait dans ces parages nous servir de pilote, et nous invita à en prendre un, dès qu’il s’en présenterait. Ignorant les passages sinueux par lesquels les habitants de cette côte se dérobent entre toutes ces roches, soit à l’orage, soit à la poursuite de l’ennemi, il nous fallait prendre le large. Nous nous décidâmes à chercher un abri pour ka nuit, dans la rade de l’île de Batz ; la carte nous en indiquait la position ; mais nul de nous n’en connaissait les abords ; et pas un pilote ne paraissait sur la côte. Nous hélâmes un pêcheur, pour l’engager à nous diriger vers cette île ; mais soit qu’il n’entendît pas le français, soit épouvanté à l’aspect, nouveau pour lui, d’un bâtiment marchant sans voiles ni rames, et exhalant une épaisse fumée, soit mauvaise volonté, il ne fit aucune manœuvre pour nous accoster. Alors notre patron nous conseilla de porter plus au large pour aller chercher Guernesey, où nous ne manquerions ni de pilotes ni de charbon. Nous nous rendîmes à cet avis ; mais cette marée impétueuse, jusqu’alors si favorable, allait nous devenir contraire ; le vent fraichissait, la journée s’écoulait, tout nous annonçait une nuit agitée que nous jugions imprudent de passer dehors. Nous nous décidâmes à nous rapprocher de la côte, sûrs, en la suivant, de trouver enfin l’île de Batz ; mais comment y entrer ? Personne à bord ne l’avait seulement vue de loin. Nous marchions toujours ; la nuit était survenue, notre pavillon, mis en berne, n’avait attiré vers nous aucune chaloupe qui pût nous fournir un pilote. L’écume des brisants nous indiquait seule les rochers, qui nous forçaient à reprendre le large et nous faisaient craindre de dépasser l’île sans nous en apercevoir. Notre mécanicien et les chauffeurs étaient rendus de fatigue et du mal de mer. Notre position nous paraissait inquiétante, quand, à l’aide d’une longue vue, l’un de nous distingua au milieu des lames un objet sur lequel elles ne brisaient pas. En effet, au bout d’un quart d’heure, nous reconnûmes une embarcation à rames. Elle s’approcha de nous, en nous hélant. Nous répondîmes que nous cherchions l’île de Batz, que nous venions de Nantes et allions à Paris, ce qu’on prit pour une plaisanterie. Cette embarcation était montée par huit douaniers qui nous avaient aperçus avant le coucher du soleil, et s’étaient dirigés vers nous, nous prenant pour des fraudeurs anglais. Notre langage, la vue de notre bateau, la demande que nous leur avions d’abord adressée de nous donner un d’eux pour pilote, eurent bientôt dissipé leurs soupçons. Nous nous séparâmes, eux conduisait leur ronde de nuit, nous, pour nous rendre au mouillage, conduits par un d’entre eux. Nous leur devions notre salut. La route que nous suivions nous menait droit sur les roches. Notre nouveau patron, que trompait la grandeur apparente de notre bâtiment, voulut d’abord nous faire faire le tour de l’île, pour entrer par la passe nord ; mais instruit de notre faible tirant d’eau, 26 pouces, il nous introduisit par l’endroit même, où nous nous trouvions [1]. Une fois l’ancre jetée, son premier soin fut de se faire conduire à terre, dans le canot, d’où il nous ramena bientôt son oncle, vieux pilote breveté, qui nous prévint de nous tenir prêts pour trois heures du matin. Il était plus de onze heures. Nous voulûmes prendre quelques instants de repos : mais dans cette rade , qui n’est qu’un détroit entre l’île et la côte , le roulis se faisait sentir si fortement, que l’eau, encore contenue dans la chaudière, donnait au bateau, des secousses, qui nous contraignirent à la vider entièrement. [3]

Le « Ville de Nantes » sur la Loire , le « Parisien » devait lui ressembler
Le « Ville de Nantes » sur la Loire , le « Parisien » devait lui ressembler

Le lendemain, à l’heure dite, nous étions en route pour Guernesey ; mais les apparences de gros temps qui accompagnaient notre départ n’étaient point trompeuses. Au bout de quelques heures de marche, notre pilote, étonné d’avoir à conduire sur une mer aussi grosse, un pareil bateau, peu rassuré par les détails que nous lui donnions sur la légèreté de sa construction, effrayé, ainsi que nous, des craquements que faussaient entendre la charpente et la menuiserie, ce qui nous inspirait des craintes pour la machine, fut le premier à nous proposer de nous rapprocher de la côte, où, en cas de tempête, nous étions sûrs de trouver un abri. Nous venions de reconnaitre les Triagoz ; il offrit de nous conduire à la baye de Perros.

Nous nous remîmes à sa discrétion , et nous dirigeâmes vers la terre que nous commencions à perdre de vue. La partie de la côte, que nous reconnûmes bien distinctement la première, sans être plate, n’a rien de majestueux ; elle est formée de rochers découpés de la manière la plus bizarre, entre lesquels la mer pénètre de toutes parts. De derrière ces rochers nous vîmes sortir une vingtaine de chaloupe de pêche, qui, attirées par la nouveauté du spectacle que nous leur présentions, vinrent se ranger autour de nous. Qu’on nous pardonne un léger mouvement de vanité : à la vue de ces nombreuses embarcations, toutes semblables, qui, voiles en panne et les avirons hors de l’eau, nous offraient chacune une suite de figures humaines, exprimant la surprise, où tous les âges de tous les sexes se trouvaient mêlés (note du livre : Tel est l’usage sur cette côte, les femmes et les enfants accompagnent les hommes à la pêche, et, en cas de naufrage, éprouvent le même sort.), et dont les traits et les vêtements nous semblaient aussi extraordinaires que pouvaient l’être à leurs yeux, les décorations brillantes de notre bateau, le mécanisme qui le faisait mouvoir et l’épaisse colonne de fumée qui le couronnait, nous ne pûmes nous empêcher de prononcer les noms de ces navigateurs, qui , en s’approchant d’îles jusqu’alors inconnues aux européens, se voyaient entourés des pirogues des habitants ; qu’ils nommaient des sauvages. L’aspect de ceux-ci avait bien quelque chose de sauvage ; mais les sentiments du moins chez quelques-uns, n’avaient rien d’hostile ; notre pilote bas-breton , qui parla à plusieurs ; nous apprit qu’ils avaient été attirés vers nous par l’intention de nous porter secours, la fumée qu’ils apercevaient leur faisait croire que le feu était à notre bord. Peut être d’autre avaient-ils été poussés par l’espoir de se livrer au pillage ; suivant la coutume ; qui régna si longtemps sur toutes ces côtes. Quoi qu’il en soit, nous nous séparâmes, les chaloupes prenant les directions, qui devaient les conduire aux endroits les plus favorables pour la pêche [4] ; nous, marchant vers l’est pour atteindre la baye de Perros. Bientôt l’aspect de la côte changea : sur des plages sablonneuses s’élevaient çà et là de nombreux tas de roches granitiques ; de toutes les formes, empilées au hasard ; on eut dit le théâtre d’un combat que des géants se seraient livré à coups de pierres proportionnées à leur taille et à leurs forces. A l’extrémité de ces plages, le sol brusquement relevé forme une pointe aigue, sur laquelle une guérite et un corps de garde de douaniers offrent l’apparence de fortifications. Vis–à-vis se présente ce groupe d’îlots, nommé les Sept-Îles, qui ne sont, à proprement parler, que des rochers couverts presque partout de terre végétale, mais dont les pentes rapides laissent croire à peine que le pied de l’homme puisse s’y arrêter. Cependant nous remarquâmes sur la crête de l’un d’eux les murailles blanches d’une habitation, et notre pilote nous parla d’un fort dont le canon, en temps de guerre, peut favoriser l’entrée des caboteurs. Nous avançons entre ces terres d’un aspect désolé ; nous tournons au sud, rasant les rochers de la pointe que nous laissons à droite, et tout à coup nous apercevons une baye demi-circulaire, dont les bords, s’élevant en pente douce, offrent aux regards du navigateur fatigué de l’ennuyeuse uniformité de la pleine mer, ou de l’aspect effrayant d’une côte hérissée de rochers, tout ce qui peut entrer dans la composition d’un paysage du genre gracieux, toutes les cultures, à l’exception de la vigne, toutes les espèces d’arbres et tous les genres d’habitations champêtres, depuis l’humble chaumière, à demi cachée dans le sein d’un verger, jusqu’au château entouré de ses grands bois de haute futaie. Jamais contraste ne fut plus frappant, et nous croyions qu’un peintre placé sur la grande île qui défend le mouillage des vents de nord-est, et saisissant delà le fond de la baye, la pointe qui la couvre au nord, une partie de la côte fuyant à l’ouest et quelques unes des Sept-Îles, composerait un tableau qui ne manquerait pas d’effet.

Vapeur de la Seine en 1819 dessin de Imbart
Vapeur de la Seine en 1819 dessin de Imbart

Nous jetâmes l’ancre à huit heure. Notre pilote voulait nous échouer ; nous nous y opposâmes, redoutant pour nos roues et le fond du bateau sur un fond qui nous paraissait peu uni et couvert de gros galet [5]. Les douaniers vinrent à bord ; mais à leurs manières nous dûmes attribuer cette visite plutôt au désir curieux de voir un bâtiment d’un genre tout à fait inconnu dans ces parages, qu’au soupçon et à l’austérité de leurs devoirs. Ils nous annoncèrent du mauvais temps pour la nuit, et, après leur conseil, nous mouillâmes notre seconde ancre, et tînmes toujours notre vapeur haute. Les vents venant de l’ouest, par-dessus le coteau qui forme le fond de la baye, l’enfilaient dans toute son étendue, et leur violence nous contraignit plusieurs fois à relever nos ancres et à changer de place. Notre pilote ne quitta pas le pont de la nuit. Le lendemain matin, plusieurs caboteurs relâchèrent dans la baye : l’un d’eux avait eu sa misaine emportée, et nous dit avoir passé une cruelle nuit dehors. Nous nous décidâmes à passer la journée dans cet abri, pour donner à l’agitation des vagues, le temps de se calmer.

 

Pendant notre relâche, nous descendîmes plusieurs fois à terre. La campagne nous parut répondre à ce que promettait l’aspect de la baye. Un achat de lait et de fruits que voulurent faire deux d’entre nous, dans une métairies où ils se trouvèrent que des femmes entendant aussi peu le français qu’eux le bas-breton, donna lieu à une scène, qui n’avait rien que de comique, à en juger par les éclats de rire auxquels se livraient ceux qui y figuraient. Un laboureur, qui avait anciennement navigué et qu’on fut chercher dans un champ voisin, mît fin à leur embarras naturel.

 

Le 4 juin, à 10 heures du matin, renonçant au voyage de Guernesey, nous installâmes deux voiles et appareillâmes pour Saint-Malo, où nous nous proposions de renouveler notre provision de combustible, ayant pour ressource, en cas qu’il vînt à nous manquer en route, de gagner St-Brieuc. La côte est toujours la même, partout hérissée de rochers ; les épées de Tréguier et de Bréhat revenaient souvent dans la conversation de notre vieux pilote ; et par leurs pointes aigues, les roches auxquelles on donne ce nom, nous parurent le mériter. La fougue vraiment effrayante, des marée de la Manche, accrue par un vent violent, nous donna lieu de croire qu’il y avait de l’imprudence dans notre sortie. Plusieurs fois nous vîmes notre faux beaupré caché sous les lames, qui soulevaient les portes de nos chapeaux de tambours. Nous craignions que quelque pièce dans cette partie ne vînt à manquer ; dans ce cas, l’axe de nos roues, privé de support à l’extérieur pouvait se briser, et nous laisser dénué de notre principal moteur. Cependant, nous avions traversé l’ouvert de la baye de St-Brieuc, dont le fond ne nous paraissait, à l’horizon, que comme une bande étroite et incertaine. Nous laissons sur la droite le menaçant cap Fréhel et le château de la Late, que nos longues vues nous faisaient à peine distinguer des rochers auxquels il parait comme collé ; à travers les écueils convertis en forts, qui en défendent l’approche, s’élevait du sein des eaux, la masse compacte de la ville de St-Malo. Par-dessus les murs élevés qui lui donnent un aspect si important et si sévère, les croisées des étages supérieurs des maisons , qui la bordent du côté de la mer, étincelaient des feux de l’astre qui s’abaissait derrière nous ; tandis que, contrastant avec cette masse éclairée, l’ombre prématurée du soir couvrait la pente orientale des terrains élevés qui forment l’autre rive de la Rance, dont nous découvrions au loin le cours bordé de maisons de plaisance, où la nature, secondée par tous les moyens que la richesse met à la disposition de l’art, semble s’efforcer de dédommager, les jours de repos, le négociant Malouin de l’espèce de captivité à laquelle le condamne l’amour du travail et du gain, sur l’étroit rocher où le génie du commerce et peut être la passion de la liberté, ont pu seuls attirer et fixer ses ancêtres. Enfin, nous franchîmes tous les écueils, que notre pilote nous nommait en passant et , à 5 heures du soir, nous mouillâmes en rade de ST-Servan. Nous avions mal choisi notre mouillage : un pilote vint à bord, leva nos ancre s que la force du vent faisait chasser, et nous amarra sur un des corps morts destinés à l’embossage des frégates du gouvernement.

Port de Saint-Malo vers 1825 (peinture anonyme), les quais sont très réduits et les bassins n’existent pas, les navires échouent devant la ville ou restent au mouillage en rade.
Port de Saint-Malo vers 1825 (peinture anonyme), les quais sont très réduits et les bassins n’existent pas, les navires échouent devant la ville ou restent au mouillage en rade.

Nous étions à peine quittes des visites d’usage, qu’une épaisse colonne de fumée nous annonça, dans le lointain, du coté de la Rance, l’arrivée du « Courrier », bateau à vapeur, de même force que le nôtre, le premier qui ait été construit à Nantes, et par le chef de notre entreprise. Ce bateau, vendu à des actionnaires de Sr-Malo, pour faire le service de paquebot entre cette ville, Dinan et Jersey, était parti de Nantes deux jours après nous ; mais, conduit par d’ancien capitaines américains ; étrangers à toutes ces considérations pusillanimes, qui nous portaient à chercher le voisinage de la côte, le Courrier, déjà soumis plusieurs fois à l’épreuve de la mer, avait pris sa route en dehors de toutes les îles, nous avait précédés à celle de Batz, où l’on en avait eu connaissance le matin du jour que nous y relâchâmes, et , faute de pilote et par la négligence que devait apporter à examiner les brisants, un équipage écrasé par un travail prolongé jour et nuit, sans interruption, depuis le départ de Nantes, avait manqué se perdre sur les Sept-Îles, ne s’était sauvé que grâce à la providence ou à son faible tirant d’eau [6] ; et, parvenu avant nous à St-Malo, avait commencé de suite le service auquel il était destiné, et revenait alors de Dinan. Notre pavillon et notre fanon arborés, notre cloche mise en branle, et les acclamation de notre équipage, témoignages d’amitié auxquels il répondit par des témoignages semblables, l’accueillirent à son passage. »

Vers 1900, ce n’est plus le vapeur le « Courrier » de 1825 mais un autre vapeur de Saint-Malo assurant le transport des passagers vers Dinard et Dinan, les malouins sont resté fidèle, aux roues à aube pour limiter le tirant d'eau photo Lancrenon
Vers 1900, ce n’est plus le vapeur le « Courrier » de 1825 mais un autre vapeur de Saint-Malo assurant le transport des passagers vers Dinard et Dinan, les malouins sont resté fidèle, aux roues à aube pour limiter le tirant d'eau photo Lancrenon

Notes et commentaires :

 

[1] En 1825 seul les phares de saint Mathieu, du Stiff à Ouessant et du Cap Fréhel éclairent la côte nord de Bretagne. Le phare de l’île de Batz qu’il leurs aurait été bien utile pour repérer le mouillage ne s’allumera qu’en 1836. A cette époque le balisage des dangers est presque inexistant les cartes et les instructions nautique sont très sommaires avant les travaux dirigés par Beautemps Beaupré.

 

[2] Le vapeur devait, lorsqu’il rencontra la péniche de la douane, être dans le nord ou le nord-est de l’île, le matelot de la douane a peut être hésité à faire entrer le vapeur à basse mer par l’est du chenal et proposait de lui faire faire le tour de l’île et de ses danger pour le faire entrer par l’ouest du chenal. Cependant le faible tirant d’eau de 26 pouces soit 66 cm lui permettait bien sur d’entrer par l’est du chenal.

 

[3] le mouillage du chenal de l’île de Batz reste inconfortable lorsque le vent et le courant sont de sens opposés.

 

[4] les chaloupes sont certainement sorties des mouillages de Trégastel ou de Ploumanac’h

 

[5] en 1825 la rade de Perros ne dispose d’aucun aménagement portuaire comme de nombreux port de Bretagne Nord

 

[6] le plateau des Sept-Îles est large et dangereux de nombreux naufrage si sont produit

 

On peur remarquer que le vieux pilote breveté de l’île de Batz, est capable de guider le navire jusqu’à Saint-Malo, une zone de navigation qui sort largement du domaine des pilotes de la station de l’île de Batz. Il parle breton mais est à l’aise pour décrire la côte et ses dangers, et assurer la conversation en français avec l’équipage du vapeur. J’espère pouvoir l’identifié grâce au document du Service Historique de la marine à Brest

 

Le Parisien assurera une liaison régulière de passagers entre Paris et Meulan pendant quelque années puis reviendra sur la Loire.

 

En 1840, huit bateaux se partagent le transport de voyageurs sur la Haute-Seine : les «Parisiens 1 et 2, les Parisiennes 1 et 2 » appartenant à Mr Cochot, le «Coureur,,l'Aigle » à Mr Guibert , les «Ville de Melun et Montereau » à Mr Tavenet. En 1840, ils transportent plus de 300 000 passagers (200 par voyage en moyenne). C'est le point culminant du trafic passagers sur la Seine

 

Pour retrouver l’intégralité du voyage voici «Le lycée armoricain Xème volume 1827» de la page 226 à la page 247 du document pdf

 

Le document suivant en 1829, est une notice vraiment intéressante sur les début de la navigation à vapeur.

 

Essai sur les bateaux à vapeur 1828 par Tourasse

 

Cette gravure représente certainement le « Parisien II », de tonnage plus important que le « Parisien »
Cette gravure représente certainement le « Parisien II », de tonnage plus important que le « Parisien »

1845, le projet de môle de l’île de Batz présenté devant la Chambre des Députés

Détail de la carte anglaise de 1767 : « Road of Bas » par  Thomas Jefferys
Détail de la carte anglaise de 1767 : « Road of Bas » par Thomas Jefferys

Le port de l’île de Batz est abrité des vent de sud-ouest par un grand môle en pierres de taille de 526 m de long. Ce môle, le plus long des côtes de Bretagne Nord, est une construction imposante du milieu du XIXème siècle. Il parait peut-être, surdimensionné par rapport à l’activité du port, en voici son histoire, à travers deux articles, le premier article expose le projet et les arguments qui ont prévalu à sa construction. Un second article exposera la construction du môle de 1846 à 1854.  

 

Jacques Cambry dans son livre « Voyage dans le Finistère ou état de ce département en 1794 et 1795 », rapporte que un projet de môle permettant de créer un port abri est déjà dans l’esprit des iliens et dans celui des marins fréquentant la rade de l’île de Batz.

 

« On pourrait aisément faire un port plus commode et plus sur dans un beau bassin de forme ronde, au sud de l'ile. On appelle ce bassin le port Kernoc. Une jetée de cent brasses, bien maçonnée, bien faite, de grands quartiers de pierres qu'on trouve sur la rive, produirait de 13 à 14 pieds d'eau dans la haute marée : il pourrait recevoir des bâtiments de 150 à 200 tonneaux. Des capitaines qui fréquentent ce port et ceux du voisinage, ont ouvert une souscription pour ce travail ; on en a déjà sollicité l'exécution au près du gouvernement »

Carte réalisée d’après les cartes de Nicolas Roualec et l’Atlas des ports de France de 1877
Carte réalisée d’après les cartes de Nicolas Roualec et l’Atlas des ports de France de 1877

En 1828, l’ingénieur en Chef des ponts et chaussées Guillaume Goury, publie dans un livre intitulé « Souvenirs polytechniques » un mémoire sur les ports de commerce du Finistère daté des dernières années du 1er Empire, après une description du port de Roscoff, il fait la description suivante de l’île de Batz :

 

« L’île de Batz est située au Nord-ouest du port de Roscoff, et n’en est séparée que par un canal ou passage d’environ 5 000 mètres de largeur. Cette île procure un abri aux bâtiments, qui peuvent mouiller entre elle et le continent. Son port, nommé Pors-Kernoc, n’a d’autre ouvrage d’art qu’une chaussée d’embarquement, à pierre sèche, construite récemment sur une longueur de 75 mètres, en face de Roscoff. Le mouillage intermédiaire et le port de Roscoff sont défendus par les feux croisés des batteries, des deux cotés.

 

Travaux exécutés depuis l’époque de sa remise au ministère de l’intérieur

 

[…] Ile de Batz. Les seul ouvrages exécutés sur les fonds des exercices an XI et XII (note Py : 1802,1803,1804) , consiste : dans la construction de la chaussée embarquement de pors-Kernoc, et quelques extractions de roches, dont la dépense ne s’élève qu’à la somme de 1 100 francs. 

 

Ce petit mole, appelé chaussée, construit entre 1802 et 1804 abrite Porz an Eog également nommé le vieux port
Ce petit mole, appelé chaussée, construit entre 1802 et 1804 abrite Porz an Eog également nommé le vieux port

Travaux d’amélioration dont le port est susceptible

 

[…] Quand à l’île de Batz, on y voudrait de l’abri, surtout contre la lame terrible du Sud-ouest, au moyen de deux jetées ou digues, l’une joignant la roche de Malvéoc et celle Gouélian, l’autre en retraite de la première, partant de Bilvian pour s’unir à la roche de Kernoc. Les navigateurs réclament, en outre, l’établissement d’un phare à l’île de Batz, et de plusieurs balises nécessaires pour éviter les écueils dont cette côte est parsemée. »

 

Le mole, à basse mer, vu depuis l’îlot de Kernoc’h
Le mole, à basse mer, vu depuis l’îlot de Kernoc’h

Les grands travaux

 

Sous le règne de Louis Philippe de 1830 à 1848, de nombreux travaux portuaires sont décidés pour augmenter la capacité des ports de commerce Français, des moles , des quai et même des port à bassin sont construits ou aménagés.

 

En Bretagne nord, le môle des noires à saint Malo et celui de Binic débutés dans les années 1830, précéderont celui de l’île de Batz.

 

Après une étude réalisé par les ingénieurs des Ponts et Chaussées le projet de môle pour l’île de Batz sera présenté deux fois devant la Chambre des Députés en 1845 dans le cadre du projet de Loi relatif à l’amélioration des ports, concernant les ports de Dunkerque, Calais, Boulogne, Fécamp, Port en Bessin, Granville, Morlaix (avec la construction du bassin à flot), l’ile de Batz, Port Launay, Lorient, Marans, Les Sables d’Olonne, Bandol et Bastia

 

Session du 2 avril 1845 de la Chambre des Députés

 

Port de l’île de Batz

 

Si l’importance des ports maritimes se mesure généralement à l’ étendue de leurs relation commerciales , au nombre de leurs armements, à la facilité des communications qui les rattachent à l’intérieur du royaume, il ne faut pas oublier cependant qu’il existe des points sur nos côtes qui privés quelquefois de ces avantages, n’en sont pas moins appelés à jouer un rôle important dans le système général de la navigation maritime. Tels sont les ports de relâche qui, dans les circonstances données, servent de refuge aux bâtiments assaillis par des vents contraire ou battus par la tempête, et qui , sans compter au nombre des places de commerce, contribuent à la prospérité publique par les abris et les chances de salut qu’elles offrent aux navires et aux équipages.

 

Le mouillage de l’île de Batz présente sous ce dernier rapport une utilité incontestable. Placé à l’entrée de la Manche, et doué de l’avantage inappréciable d’une double passe pour l’entrée et la sortie, ce mouillage a été, pendant la guerre, l’un des meilleurs refuges de nos convois. Aujourd’hui qu’il est éclairé par un phare du premier ordre, il reçoit chaque année plus de quatre mille bâtiments qui viennent y chercher un abri momentané.

 

Cependant, dans son état actuel, il est loin de leur offrir une entière sécurité.

La rade protégée par l’île même contre les vents de la partie de l’ouest au sud-est, se trouve entièrement exposée à l’action des vents du sud-ouest qui règnent le plus souvent en hiver, et devient alors l’une des rades les plus dangereuses de la côte. Des sinistres nombreux ont encore augmenté la répugnance des marins à fréquenter pendant l’hiver un mouillage qui pourrait rendre de si grands service au commerce et à l’humanité.

 

Aussi, depuis longtemps réclame-t-on avec insistance l’exécution des travaux nécessaires pour donner au port de l’île de Batz la sécurité qui lui manque.

 

Tous les marins s’accordent à reconnaitre que le moyen le plus convenable d’atteindre ce but, consiste à exécuter un môle qui relierait la côte au rocher de Malvoc’h, et qui abriterait le port contre les vents du sud-ouest, les seuls à redouter sur ce point. Ce môle, d’une longueur de 470 mètres environ n’a pas à remplir les conditions qu’exigent l’embarquement ou le débarquement des marchandises, et les nombreuses opérations d’un port de commerce. Il suffit que sa solidité soit à l’épreuve de la violence de la mer, et que ses dispositions permettent aux marins de l’atteindre facilement pour y amarrer leurs navires.

 

L’avant projet du môle, conçu d’après ces idées, a été soumis aux formalités enquête prescrites par les règlements ; aucune opposition ne s’est élevée contre les ouvrages projetés ; toutes les opinions se sont réunies, au contraire, pour en signaler l’utilité, et pour appuyer vivement leur prompte exécution.

 

La commission d’enquête, en insistant sur la nécessité de l’amélioration d’une rade qui forme l’un des points de relâche les plus importants peut-être des côtes de France, énonce cet avis comme l’expression des vœux unanimes, non-seulement de la commission elle-même, mais aussi de tous les armateurs et capitaines qu’elle a consultés.

 

La chambre de commerce de Morlaix n’est pas moins explicite dans son approbation : elle estime que le projet de rendre commode et sure une relâche aussi fréquentée, malgré ses danger actuels, que celle de l’île de Batz, est une pensée féconde en heureux résultats, et que sa réalisation sera pour la navigation générale un bienfait inappréciable.

 

Le conseil général des pont-et-chaussées, après avoir reconnu en principe l’utilité de la digue proposée pour l’amélioration du port de l’île de Batz, a examiné les projet de détail étudiés par les ingénieurs. Dans une première délibération, le conseil avait émis l’avis qu’au lieu d’établir un môle en maçonnerie hydraulique, il suffirait peut-être de le construire en gros blocs, posés à secs et à joints incertains, ainsi qu’on l’a fait dans le dernier siècle pour le môle du port de Roscoff, et qu’en revenant à l’avant-projet primitif, on obtiendrait une notable économie sur les prévisions du devis. Mais les ingénieurs ont persisté à penser que la construction d’un môle en maçonnerie, aurait un avantage réel sur l’établissement d’une jetée à pierre sèche. Ils ont fait remarquer que ce dernier mode de construction présentait le grave inconvénient d’offrir à l’action de la mer une masse d’éléments sans liaison les uns avec les autres, et qui peuvent être ébranlés et bouleversés par l’écrasement ou le déplacement de quelques pierres ; que le môle de Roscoff, dont on a cité l’exemple, était composé de blocs énormes, et moins exposé d’ailleurs, que la jetée de l’île de Batz, à l’action des vents les plus dangereux ; enfin, que l’économie résultant de cette disposition ne saurait être mise en balance avec la sécurité que procurera l’exécution des travaux en maçonnerie de mortier hydraulique, et surtout avec les grands intérêts que les ouvrages projetés sont appelés à satisfaire.

 

Le conseil général des ponts-et-chaussées, prenant ces motifs en considération, a été d’avis d’approuver définitivement le projet d’un môle en maçonnerie hydraulique, présentant à sa crête une largeur de quatre mètres avec des parements inclinés au sixième, et surmonté, du coté du large, d’un parapet d’un mètre de hauteur.

 

La commission mixte des travaux publics, appelée à délibérer sur les dispositions de ce projet, a reconnu qu’il ne pouvait qu’être utile dans l’intérêt de la défense militaire, et en a également proposé l’adoption.

 

La dépense est évaluée par les ingénieurs à 570 000 fr ; mais pour tenir compte des éventualités inhérentes à un travail de cette nature, nous avons cru devoir porter ce chiffre à 700 000 francs.

 

Projet de Loi

 

Louis-Philippe

Roi des Français

 

A tous présents et à venir, salut.

 

Nous avons ordonné et ordonnons que le projet de loi dont la teneur suit sera présenté en notre nom à la Chambre des Députés, par notre Ministre secrétaire d’État des travaux publics, que nous vous chargeons d’en exposer les motifs, et d’en soutenir la discussion assisté de M. Legrand, sous-secrétaire d’État au même département.

[…]

Art.8

 

Une sommes de sept cent mille francs est affectées à la construction d’un môle au port de l’île de Batz.

 

[…]

100 000 sur l’exercice 1845 et 200 000 sur l’exercice 1846 sont affecté à la construction du môle du port de l’île de Batz.

 

Fait à Paris, le 2 avril 1845

 

Signé Louis Philippe

Par le Roi :

Le Ministre secrétaire d’État des travaux public

Signé S. Dumon

 

 

Le musoir du mole sur le rocher de Malvoc’h
Le musoir du mole sur le rocher de Malvoc’h

Session du 4 juin 1845 de la Chambre des Députés

 

Port de l’île de Batz

 

Le mouvement commercial de l’île de Batz est peu considérable ; mais sa situation à l’extrémité ouest de la Manche, et l’heureuse disposition de sa rade, méritent une attention toute spéciale.

 

Cette rade est en effet presque le seul asile où puissent se réfugier les bâtiments que le gros temps su sur cette partie de la côte de Bretagne. Mais quand les vents sont du sud et du sud-ouest, elle ne leur offre aucun abri, et ils sont obligés de gagner Morlaix, malgré les dangers du trajet, pendant lequel il arrive souvent qu’ils se perdent corps et biens. Cependant, on élève à 4 000 par année le nombre des bâtiments qu’une impérieuse nécessité amène dans ces parages.

 

En présence de sinistres aussi répétés, c’était un devoir pour l’Administration de chercher à faire de l’île de Batz un refuge où notre marine pût trouver un peu de sécurité pendant les tempêtes si fréquentes sur cette plage hérissée d’écueils.

 

Les Ingénieurs du Finistère reçurent donc l’ordre d’entreprendre les études nécessaires, et ils ont rédigé le projet qui vous est soumis et qui a reçu l’approbation de tous les gens de mer qui ont l’expérience de cette navigation. Tous pensèrent qu’un môle de 470 mètres de longueur, qui relierait la terre au rocher de Malvoc’h, serait la combinaison la plus favorable pour arriver au résultat qu’on voulait atteindre. C’est pour l’exécution de ce travail, approuvé par le conseil des ponts-et-chaussées, que nous proposons de voter les 700 000 fr. qui vous sont demandés par l’Administration.

 

Le môle à construire s’étendant sur une longueur de 470 mètres, s’enracinera à la plage, comme nous l’avons déjà dit, et en se dirigeant du nord-ouest au sud-est , il ira reposer son extrémité sur le rocher de Malvoc’h. On l’exécutera en moellons et en chaux hydraulique ; il sera garni d’échelles destinées aux marins et de bornes pour amarrer les navires. Son épaisseur sera de 4 mètres, et la hauteur de 11,50 m, à son sommet règnera un parapet du coté du large.

  

Le génie militaire, tout en remarquant que ce parapet pouvait servir à la fusillade, dans ce cas peu probable d’une attaque de l’ennemi sur ce point, n’a pas cru cependant devoir faire de réserves dans l’intérêt du département de la guerre ; il a même considéré le travail comme utile à la défense du territoire.

 

Après l’exécution des travaux, la rade de l’île de Batz formera un véritable port abrité de toutes parts et ayant son entrée au sud-est entre la pointe aux Moutons et le rocher de Malvoc’h

 

Les navires y trouveront les hauteurs d’eau dont le détail suit, en prenant pour zéro les basses mer d’équinoxe :

  • Hautes mers d’équinoxe 9,90 m
  • Hautes mers de syzygie 9 m
  • Hautes mers de quadrature 7,20 m

 

Votre Commission vous propose de voter la somme qui vous est demandée pour cet objet. »

 

 

Commentaires :

 

Ces rapports présentés devant la Chambre des Députés, son basé sur un nombre erroné du nombre de navire en escale annuellement à l’île de Batz, en effet à la lecture de ces rapports le nombre de 4000 navires m’est apparu énorme ce qui représente plus de 10 navires par jours.

 

De plus une lettre de l’ingénieur ordinaire des ponts et chaussées basé à Morlaix, daté de janvier 1856 indique « le nombre des relâcheurs a diminué sensiblement » en citant le nombre moyen de navire par an entre les années 1845 et 1854 de 225. le nombre de 400 navires par an, relâchant à l’île de Batz parait raisonnable pour les années 1830. cette erreur est elle intentionnelle, pour accentuer l’importance du mouillage de l’île de Batz ou simplement une erreur de copie, nul ne le sait.

 

Pour les amateurs d’histoire maritime des autres régions, le document ci après comprend de la page 247 (du document PDF) à la page 322 le projet de loi concernant l’amélioration des ports suivants Dunkerque, Calais, Boulogne, Fécamp, Port en Bessin, Granville, Morlaix, l’ile de Batz, Port Launay, Lorient, Marans, Les Sables d’Olonne, Bandol et Bastia

De la page 323 à la page 330 , le projet d’établissement d’un bassin à flot à Saint-Nazaire

De la page 331 à la page 362 le projet de loi relatif aux correspondances transatlantiques

 

Procès verbaux de la Chambre des députés session de juin 1845

Plan du port de l’île de Batz en 1877 d’après l’atlas des port de France, le môle est bien en évidence
Plan du port de l’île de Batz en 1877 d’après l’atlas des port de France, le môle est bien en évidence

Février 1904, les bateliers de l’île de batz en grève

Sloups de passage vers 1905
Sloups de passage vers 1905

Ouest Éclair du lundi 29 février 1904

 

Les passeurs de l’île de Batz

En grève - Les causes – Quelques incidents

 

Une grève assez originale vu sa rareté vient de se produire à Roscoff. Les bateliers passeurs de l’île de Batz sont venus samedi l’après-midi déposer leurs rôle au bureau de l’inscription maritime et sont retournés ensuite au Vil en criant « Vive la grève » et en chantant.

 

Puis ils sont repartis pour l’île, leurs bateaux pavoisés. Le batelier qui fait deux fois par jour le service du courrier, devra se solidariser, pour le transport des personnes et des vivres, avec les autres marins ; en sorte que depuis hier l’accès de l’île est pour ainsi dire interdit. Un docteur de Saint-Pol qui voulait se rendre à l’île de Batz pour voir des malades, n’a pu passer et comme d’autre part le câble télégraphique est rompu depuis une quinzaine de jours, il n’a pû prévenir ses clients.

 

Les passeurs se sont mis en grève pour protester contre les exigences de l’administration maritime. Celle-ci impose aux patrons d’avoir toujours pendant leurs traversées leurs équipages au complet. Le mousse a-t’il été envoyé en commissions, et tarde t’il trop pour une cause ou pour une autre ? Si le patron part sans l’attendre, il écope d’un procès-verbal. Ceux-ci se sont tellement multipliés depuis quelque temps et pour des raisons si futiles que la patience des marins a été poussée à bout. La population de l’île de Batz et de Roscoff leur donne raison, et les autres pêcheurs du littoral soutiendront bien certainement leurs revendications. Ceux du voisinage de Roscoff entre autres, seront d’autant plus solidaires avec eux, qu’ils ont aussi à se plaindre des tracasseries continuelles soit au sujet des sennes qu’on leur interdit d’employer, soit au sujet de la coupe du goémon, qui est soumise à des formalités fastidieuses. Aujourd’hui lundi arrive précisément cette coupe du goémon, et l’on peut s’attendre à des incidents ; espérons qu’ils ne prendront pas une tournure grave.

 

Les bateliers ont adressé une pétition à l’autorité compétente, qui, parait-il, réside à saint-Servan

 

Hier au soir, ceux qui ont eu le plus à se plaindre de la grève sont les nombreux voyageurs pour l’île de Batz, notamment les marins permissionnaires qui n’ont pu passer dans l’île. Chez M. Papin, l’hôtelier, et dans nombre de débits de Roscoff il a fallu laisser les provisions que l’on a l’habitude de confier chaque samedi aux bateliers.

 

Nous tiendrons nos lecteurs au courant de ce qui se passera.

 

La cale de l’île aux moutons était déjà le point de débarquement principal des bateaux de passage à l’île de Batz, les sloups sont bien chargés de passagers sur cette photo prise vers 1920
La cale de l’île aux moutons était déjà le point de débarquement principal des bateaux de passage à l’île de Batz, les sloups sont bien chargés de passagers sur cette photo prise vers 1920

Ouest Éclair du mardi 1er mars 1904    

 

Les passeurs de l’île de Batz

La grève terminée – les réclamations des passeurs et les causes du conflit.

 

Morlaix, 29 février. – Nous nous sommes rendu à Roscoff ce matin pour nous renseigner sur les détails de la grève dont l’Ouest Éclair à parlé. On s’attendait aujourd’hui à une journée assez mouvementée parce que la pêche au goémon commençait. Mais hier le commissaire administrateur de marine, M. Cadiou, s’était rendu à Roscoff et après avoir pris connaissance des griefs des marins, il les avait jugés fondés. Il se rendit aussitôt à Batz dans le canot de la douane, et là, ayant réuni tous les bateliers, il ne tarda pas à s’accorder avec eux. Ce matin ; tous ont repris leur service.

 

Sloup de passage dans le chenal, l’équipage est de deux personnes, le patron à la barre et un matelot à l’avant, deux femmes de l’île en coiffe sont assises sur le banc du milieu
Sloup de passage dans le chenal, l’équipage est de deux personnes, le patron à la barre et un matelot à l’avant, deux femmes de l’île en coiffe sont assises sur le banc du milieu

Les causes de la grève sont bien telles que nous vous les avions indiquées hier. Tout provient d’un excès de zèle d’un commis intérimaire de la douane, qui exigeait que les bateliers eussent toujours leurs équipages au complet tels qu’ils étaient portés sur les rôles. La navigation dans le chenal de Batz ne pouvant s’accommoder d’un règlement si sévère, car la marée n’attend pas et, faute d’un homme il fallait, une fois l’occasion passée, chômer quelquefois plusieurs heurs, jusqu’au retour du flot. C’est contre cette exigence du commis intérimaire que les bateliers ont protesté. En outre il y avait à craindre pour aujourd’hui, des complications. Chaque année suivant une coutume établie depuis très longtemps, les marins de Roscoff  transportent dans leur bateaux les hommes qui doivent faire la récoltes du goémon, jusque sur les rochers où se fait cette récolte. Il parait que le commis  voulait interdire le transport. Aussi les têtes étaient très montées à Roscoff comme à l’île de Batz et l’on ne sait à quelle détermination, peut être violente, les pêcheurs   se sauraient laissé aller, si l’administrateur n’avait réfréné le zèle de son subordonné. Tout s’est donc passé ce matin le mieux du monde.

 

Pour éviter toutes complication, M. Cadiou, a même interdit nous assure-t-on, aux douaniers et garde-maritimes de paraitre sur les lieux de la récolte du goémon. La surveillance a été faite exclusivement par les employés de la municipalité de Roscoff.

 

Par le même train que nous, arrivaient pour s’occuper du conflit, le sous-préfet de Morlaix M. Gauchy, l’inspecteur des douanes M.De Crèvecœur et l’inspecteur des postes M. Mordelais. Il leur sera resté qu’à s’occuper du rétablissement du câble télégraphique, brisé depuis une quinzaine.


La cale de mi-marée du petit port du vil à Roscoff, le port du Vil est dédié au passage vers l’île, les sloups iliens de différentes tailles font le passage, les patrons n’hésite pas à réduire fortement la grand-voile pour le « confort »  de leurs passage
La cale de mi-marée du petit port du vil à Roscoff, le port du Vil est dédié au passage vers l’île, les sloups iliens de différentes tailles font le passage, les patrons n’hésite pas à réduire fortement la grand-voile pour le « confort » de leurs passage

Commentaires

 

1. Je ne sais si cette grève du passage des « bateliers »   est unique dans l’histoire de l’île, mais en tout cas cette situation est certainement très rare, le passage étant assuré par des iliens, bateliers indépendant propriétaires de leur bateaux.

 

2. A cette époque, les bateaux qui pratiquent la récolte du goémon sont armés à la pêche, et ne peuvent en théorie transporter des passagers non inscrits sur le rôle du bateau.

 

3. Les bateaux qui assurent le transport des passagers et des marchandises  entre Roscoff et l’île de Batz sont armés au bornage, et ne peuvent pas, par conséquent, pratiquer la pêche ni la récolte du goémon.


La cale de pleine mer du port du Vil, le dernier bateau s’amarre à couple de ceux arrivés auparavant, pour débarquer il faut passer d’un bateau creux à l’autre ce qui n’est pas simple en particulier pour les femmes avec leur grande robe noire
La cale de pleine mer du port du Vil, le dernier bateau s’amarre à couple de ceux arrivés auparavant, pour débarquer il faut passer d’un bateau creux à l’autre ce qui n’est pas simple en particulier pour les femmes avec leur grande robe noire

Deux sauvetages de goémoniers dans les années 20

Ile de Batz, brulage du goémon à Pors Reter par Yvonne Jean Haffen
Ile de Batz, brulage du goémon à Pors Reter par Yvonne Jean Haffen

Ile de batz (Finistère)

12 septembre 1922

 

Le canot Pygmée, monté par deux hommes, revenait vers 15 heures du rivage, après avoir été charger du goémon dans la roche Raou Glaz, au Nord de l’île de Batz, quand il remplit et chavira à environ 300 mètres de la côte. Un des matelots, qui savait nager, se sauva par ses propres moyens ; le deuxième,  Louis Prigent, qui ne savait pas nager, put saisir une des lisses de l’embarcation et s’y cramponna ; mais il n’aurait pu y rester longtemps, si le nommé Seveur Joseph, n’était arrivé à son secours ; travaillant dans un champ voisin de la côte et son attention ayant été attirée par les cris poussés par les témoins de l’accident, il se précipite sans hésiter au secours du bateau naufragé. Il atteint à la nage le bateau qui flottait sur le flanc. Les forces de Prigent commençaient déjà à s’épuiser. Seveur réussit à chavirer complètement le canot et à débarrasser de son chargement et hissa le naufragé sur la quille. Bon nageur, il maintint le canot ainsi en équilibre pendant trois quart d’heure, jusqu’à l’arrivée du bateau Sainte-Anne que l’on était allé prévenir dans une anse voisine. Celui-ci arriva à force de rames, embarqua les deux hommes et prit le canot à la remorque.

 

La conduite de Seveur dans cette circonstance mérite des éloges ; il n’en est pas d’ailleurs à son premier sauvetage. Il y a quelques années, il se porta au secours d’une femme surprise sur une roche que la mer allait couvrir et malgré le courant voilent à cet endroit réussit à la ramener sur ses épaules à la nage.

 Seveur fait partie du canot de sauvetage.


                                                                       Docteur Glérant

                                                                       Président du comité de sauvetage

Le coq de l’île est un petit sloup qui pratique également le passage entre l’île et Roscoff, je pense que c’est celui qui a un pavillon national sur cette photo de la cale du Vil à Roscoff.
Le coq de l’île est un petit sloup qui pratique également le passage entre l’île et Roscoff, je pense que c’est celui qui a un pavillon national sur cette photo de la cale du Vil à Roscoff.

Ile de batz (Finistère)

 

Le 8 novembre 1926, à 15h30, dans la grève de Pors An Iliz l’annexe du bateau Coq de l’île monté par deux hommes, et chargé de goémon, se rendait à la godille pour débarquer son chargement sur le grand bateau mouillé au large de la côte, lorsque subitement, sous l’influence d’un grain de S-O, la mer devint grosse, les lames embarquaient et le canot , se remplissant peu à peu , chavira.

 

L’un des hommes, Thépaut René, qui savait nager, se sauva en se servant d’un des aviron comme flotteur. Le deuxième, le patron Floch Elie, ne savait pas nager, mais il put saisir la civière qui sert au transport du goémon et qui le maintint à flot.

 

Témoin de l’accident, et entendant les appels du patron Floch, Hervé Saout, matelot du canot de sauvetage, qui fait aussi partie de l’équipage du Coq de l’île et qui était resté à terre pour ramasser du goémon, n’hésita pas à se déshabiller,  et malgré la température froide, nagea pendant un quart d’heure contre les lames et le courant debout avant d’atteindre Floch qui s’en allait à la dérive. L’ayant fait  saisir plus solidement la civière à laquelle il se cramponnait, il le poussa tout en nageant vers le rivage d’où il fut transporté dans la maison la plus voisine où des soins lui furent donnés.

 

Il ya lieu, dans cette circonstance, de féliciter le matelot Saout, qui n’écoutant que son courage n’a pas hésité, voyant le danger couru par son patron, à se jeter à l’eau, malgré le froid et le mauvais temps, pour lui porter secours et certainement sans son intervention, Le patron Floch, dont les forces commençaient à s’épuiser, n’aurait pas tardé à lâcher prise et aurait été noyé.

 

                                                                       Docteur Glérant

                                                                       Président du comité de sauvetage

Chapelle St Anne et l’anse de Pors an Iliz, le Coq de l’ile était certainement mouillé comme les sloups à gauche derrière les tas de goémon
Chapelle St Anne et l’anse de Pors an Iliz, le Coq de l’ile était certainement mouillé comme les sloups à gauche derrière les tas de goémon

 

Remarque :

Elie Floch, n’est pas de la famille Floch évoqué sur le site. Une seconde famille Floch, originaire des environs de Brest s’installe sur l’ile de Batz dans le second quart du XIXème siècle, pour y exercé le métier de carrier et de maçon, tailleur de pierre, dans cette famille de nombreux prénoms masculins étaient issus de l’ancien testament.

 

Dans l’ouest de l’île, petit canot goémonier, posé sur la dune, calé sur des cailloux dessiné par Yvonne Jean Haffen
Dans l’ouest de l’île, petit canot goémonier, posé sur la dune, calé sur des cailloux dessiné par Yvonne Jean Haffen

Le 13 avril 1916 et le 15 septembre 1929, les deux sauvetages de la goélette Océanide

La goélette à hunier de 185 tx , 33m  Océanide, armée à Tréguier, construite à Paimpol en 1910  pour son capitaine armateur Joseph Nicolas dit « Job Crec’h »

Cette goélette, avait la réputation d’être  bonne marcheuse, et était coutumière des voyages, des ports de Bretagne Nord vers la Grande Bretagne, jusqu’à 22 par ans.

Elle faisait bien sur le transport  oignons  au départ de Roscoff. Elle fut vendu à des Danois en 1939 ou 1940 qui en prirent livraison à Saint Servan.

 

 

Ile de Batz (Finistère)

 le 13 avril 1916.

 

Le 12 courant à 15 heures 45, le patron Lesquin  fut avisé qu’un navire était mouillé à environ 300 mètres de la roche dite « Pierre Pourrie» à l’ entrée ouest du chenal. Le temps très brumeux, tempête de Ouest-Nord-Ouest, mer très grosse. Le patron, jugeant que la situation de ce navire était dangereuse, se décida à aller à son secours ; il se rendait compte que, si ses ancres ne tenaient pas, il était inévitable qu’ il se perdrait corps et biens. Le sémaphore ayant arboré son pavillon de détresse,  les canotiers rallièrent et le canot fut lancé à 16 heures 30.

A 17 heures 45, par vent debout, il atteignait le navire sans pouvoir l’accoster, vu l’ état de la mer qui était très grosse ; le patron conseilla au capitaine de faire tout son possible afin d’appareiller.

Ce qu’il fit avec beaucoup de mal, mais il ne put relever qu’une ancre des deux qu’il avait mouillées et ensuite le canot de sauvetage le convoya jusqu’au port, où il le fit mouiller à 20 heures 30, mais vu la tempête et la mer furieuse, force fut de laisser le canot dans le port jusqu’au 13 où il fut remisé dans son abri à 12h30. En cette circonstance, le patron ainsi que les canotiers, ont fait comme toujours leur devoir. Le patron surtout mérite une mention spéciale, car c’est grâce à son initiative que ce navire n’a pas couru de plus grands risques.

Le navire secouru est la goélette « Océanide » capitaine et armateur Nicolas (Joseph) , du port de Tréguier.

 

                                   Le Président du Comité de Sauvetage.

                                   Fogeron, Adjoint au maire.     

 

 

(Annales du sauvetage, du premier semestre 1916)

Carte de l’ouest du chenal de l’île de Batz, en rouge la route du canot de sauvetage de sa maison abri  à la « pierre pourrie » Mean Brein  en Breton.

En jaune la route suivi par L’Océanide de Mean Brein au port.

La remise  du canot de l’île de Batz :« Sainte Madeleine et Sainte Victoire de Saint Faron » dans sa maison abri de Pors Reter
La remise du canot de l’île de Batz :« Sainte Madeleine et Sainte Victoire de Saint Faron » dans sa maison abri de Pors Reter
Le patron du canot de sauvetage Pierre-Marie Lesquin, pilote à l’île de Batz
Le patron du canot de sauvetage Pierre-Marie Lesquin, pilote à l’île de Batz

 

13 ans plus tard, nous retrouvons l’Océanide dans le chenal de l’île de Batz pour un second sauvetage

 

Ile de Batz (Finistère)

le 15 septembre 1929

Dans la nuit du 14 au 15 septembre, vers minuit trente, le capitaine Nicolas, de la goélette Océanide de Tréguier, mouillée sur rade de l’île de Batz, fut réveillé par des appels pressants et répétés : « Au secours ! ». Aussitôt, il se leva pour réveiller son équipage et mettre à la mer le canot qui pour la nuit, était hissé le long du bord à hauteur de la lisse. Il se dirigea à force de rames avec son maître d’équipage et deux matelots vers l’endroit d’où venaient les appels et trouva un homme agrippé à une embarcation remplie d’eau, et un deuxième qui se tenait sur l’eau au moyen d’un aviron.

Les ayant recueillis, il apprit que celui qui tenait l’aviron était un homme de l’île de Batz venu conduire à bord d’un yacht mouillé sur rade un membre de son équipage qui s’était attardé à terre.

Ils s’étaient servis d’un canot en mauvais état, qui n’avait pas tardé à se remplir, et ils se seraient certainement noyés sans l’intervention du capitaine Nicolas  et des hommes de son équipage, le maître d’équipage Lamandé félix, Paranthoen François et le Floc’h Roger, matelots.

En arrivant à l’île, il trouvèrent sur la cale le patron des douanes et son matelot, qui avaient également entendu les appels, mais qui n’avaient pas pu aller au secours des naufragés, faute d’embarcation disponible.

 

                        Le président du Comité de sauvetage

                        Dr Glérant

 

(Annales du sauvetage, du second semestre 1929)

Joseph Nicolas, armateur et capitaine de l’Océanide, il était aimé de son équipage pour son sens marin et ses qualités humaines
Joseph Nicolas, armateur et capitaine de l’Océanide, il était aimé de son équipage pour son sens marin et ses qualités humaines

 

Sources :

"Annales du sauvetage maritime"

"Pleubian et la presqu’ile sauvage" Association Pleubian et son passé

"Le Sauvetage au temps des avirons et de la Voile" J Pillet ed Estran

Carte de Nicolas Roualec


L’équipage de l’Océanide photographié à bord au quai à Roscoff en 1928.

François Paranthoën de l’Armor, Roger le Floc’h et Robert Le piovaing de Lanmodez et Lamandé de Pleubian et deux matelots de passage non identifiés


Tempête du 23 novembre 1824

Aod ar coz vilin, côte ouest de l’île de Batz, photo Marie-Laure Decosse janvier 1998
Aod ar coz vilin, côte ouest de l’île de Batz, photo Marie-Laure Decosse janvier 1998

En ce 23 novembre 1824, de nombreux navires de cabotage sont au mouillage dans le chenal de l’île de Batz, lorsque le coup de vent forcit pour passer en tempête.  Au vu des dégâts le vent est certainement d’un secteur de sud à ouest.

Voici ce que j’ai trouvé dans les « annales maritimes et coloniale » de 1828 sur ce jour de tempête, dans le chapitre consacré à « traits de courage et de dévouement envers des naufragés ; récompenses accordées à ce sujet au nom du Roi, son Excellence Le Ministre de la marine ».

           

            Hulot jacques , maitre au petit cabotage ;

Tanguy Jacques, pilote lamaneur ;

Peron Guillaume quartier maitre ;

Dénes louis, matelot

Le Moign Jean, matelot ;

Le lez Yves, ancien marin ;

            Quartier de Morlaix, arrondissement de Brest

 

Le 23 novembre 1824, durant une forte tempête qui éclata dans la rade de l’île de Batz, ces marins n’ont pas craint de s’embarquer dans une frêle embarcation pour aller au secours de l’équipage d’un navire coulé sur cette rade . Après avoir lutté longtemps contre une mer affreuse qui menaçait à chaque instant de les engloutir, ils sont parvenus à sauver le capitaine et trois hommes de ce navire, qui, quelques instants plus tard, périssaient infailliblement.

Ces même marins, par le zèle et l’activité qu’ils ont montrés en outre pendant tout le temps qu’à duré la tempête, ont particulièrement contribué à la conservation d’un grand nombre de navires venus à la côte, où ils auraient été brisés par la mer.

            Médaille en argent, 28 décembre 1826

 

Hamel, Jean Antoine Olivier, matelot du quartier de Granville , arrondissement de Brest ;

Huault, Arsène Victor, idem.

 

Le 23 novembre, le navire la Jeune Léa, sur lequel le sieur Hamel était embarqué, ayant été assailli par une violente tempête dans la rade de l’île de Batz, au moment où son capitaine était retenu à terre par le mauvais temps, a été sauvé, ainsi que trois jeunes marins qui le montaient, par le courage et la présence d’esprit de ce matelot, qui, après avoir lutté toute la nuit contre la tempête, est parvenu à le faire échouer sur le rivage.

Hamel était à peine hors de danger, lorsqu’il s’aperçut qu’un sloop, poussé à la côte par la violence du vent, venait de chavirer, et que deux hommes de son équipage, accrochés au manœuvres, étaient dans le plus grand péril. Oubliant aussitôt ses fatigues et les dangers qu’il venait de courir, il ne balance pas à en affronter de nouveaux en s’embarquant dans son petit canot avec le sieur Huault, pour se porter au secours de ces deux hommes, qu’ils parvinrent, après des peines infinies, à conduire au rivage.

                 Médaille en argent, 28 décembre 1826


Au  cours du XIXème siècle , la rade de l’île de Batz est couramment utilisée par les caboteurs de la manche ,  comme mouillage d’attente de vents favorables  ou comme abri lors de mauvais temps. Malgré les nombreux écueils dangereux La « rade » de l’île de Batz est réputée car l’on peut y entrer et sortir par tous les secteurs de vents par l’ouest ou par l’est. Mais par fort vent de sud ouest ou d’ouest elle devient dangereuse.

En 1824 le môle de  l’île de Batz n’existe pas encore et le port de l’île ne présente pas un abri par fort vent de sud-ouest.

A cette époque aucun moyen de sauvetage n’est institutionnalisé, aucun bateau n’est dédié au sauvetage, les premières stations de sauvetage équipées de canots de sauvetage spécialement conçus sur cette fonction ne verront leur apparition  sur nos côtes qu’en 1865.

Au début du XIXème, les pilotes lamaneurs avec leurs canots et leurs équipages remplissent souvent le rôle de sauveteurs quelquefois au péril de leur vie.

 

Cette tempête du 22 au 23 novembre 1824 a fait de nombreux dégâts dans le Finistère en particulier à l’île de Sein en partie submergé par les flots ou des murs de soutient on été détruits.

 

Cette tempête particulièrement violente mériterait une étude complète sur ces dégâts sur nos côtes.


Tempête de suroit du 02 au 04 janvier 1998, sur la côte ouest de l’île de Batz, photo Marie-Laure Decosse
Tempête de suroit du 02 au 04 janvier 1998, sur la côte ouest de l’île de Batz, photo Marie-Laure Decosse

L’île de Batz, l’île des capitaines

Goélette de cabotage  vers 1840, la peinture  à fausse batterie noire et blanche est très courante au XIXème  gravure de Louis le Breton.
Goélette de cabotage vers 1840, la peinture à fausse batterie noire et blanche est très courante au XIXème gravure de Louis le Breton.

 « Quand un capitaine de l’ile de batz sillonne la manche, le phare qui domine sa patrie bien aimée exerce sur son cœur une séduction irrésistible. Il s’aperçoit aussitôt que le temps est trop menaçant, le vent trop contraire ne lui permettent pas de continuer sa route ; et pour plus de sureté, il se réfugie jusqu’au foyer domestique. Il n’est pas rare de voir deux bâtiments naviguant en sens inverse relâcher le même jour à l’île de Batz, tous deux pour cause de vents contraires. » Voila ce que pouvait écrire en 1840 Alfred de Courcy dans Les Français peints par eux-mêmes.

 

A l’époque ou cet auteur écrit ces lignes le phare n’est construit que depuis quelques années puisque qu’allumé le 1er octobre 1836, et l’ile de Batz ne compte pas moins de 43 capitaines aux commerce en activité en 1846 lors du dénombrement de la population de l’île.

 

Sur la période de 1815 à 1880 que certain appelle l’âge d’or de la marine à voile  on dénombre 130 capitaines au commerce dont un tiers étaient capitaine au long cours, et deux tiers maitre au cabotage.  Plus exactement 42 capitaines au long-cours et 88 maitres au cabotage suivant l’article de Christine Nougaret Chapalain «  les capitaines de commerce de l’ile de Batz au temps de la marine à voile » Publié dans «  mémoire de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne t80 2002 p291 à p317 »

Brig de commerce en panne, embarquant son canot.
Brig de commerce en panne, embarquant son canot.

Au XIX ème siècle il se crée, à l’ile de Batz une élite de marin , elle sera nettement plus nombreuse que celle des capitaines et maitres de barque du XVIII ème siècle, puisque de 1717 à 1790 d’après les archives de l’amirauté de Léon on ne dénombre pour l’ile de Batz que 14 réceptions au titre de capitaine ou de maitre de barque. 

 

Quels sont les facteurs expliquant cette croissance? En premier lieu le contexte global du XIXéme siècle , le « Enrichissez vous »  du gouvernement Guizot sous Louis Philippe, le commerce et l’industrie sont encouragés.

Pour le commerce maritime, sa situation suite a la période révolutionnaire et aux guerres de l’empire est catastrophique, sous la restauration il ne peut que se redresser et croitre pour essayer de retrouver son niveau de la fin du XVIIIéme. La demande en cabotage est forte.

 

Le contexte local, des négociants Roscovites se sont enrichis sous la révolution et l’empire, ils arment alors au cabotage et dans une faible mesure au long-cours. Morlaix se développe considérablement sous l’impulsion d’Édouard Corbière crée  en 1839 la ligne régulière de vapeur Morlaix Le Havre, le Léon s’ouvre alors vers le Havre le Bassin de la Seine et Paris.

 

Le contexte Ilien, sous l’empire un grand nombre d’homme sont marins dans la marine impériale, nombreux seront prisonniers sur les pontons anglais. A la chute de l’empire la voie de la marine de commerce leur est ouverte.  L’ile de batz a peu de capacité d’investissement, la seule voie de croissance sociale qui se présente aux  marins est de devenir capitaine aux commerce.  Des marins , embarqué très jeune comme mousse, par leurs compétences et leur détermination réussissent  les examens de maitre au cabotage  ou même de capitaine au long-cours.

Fine goélette, comme celles construites au chantier Kerenfort de Roscoff, quelque fois appelées clipper goélette .
Fine goélette, comme celles construites au chantier Kerenfort de Roscoff, quelque fois appelées clipper goélette .

Il se crée certainement dans l’ile , à cette époque , une émulation familiale, qui génère de véritables dynasties de capitaines, comme les familles Floch, Moal, Philippe, Diraison, Servet, Trémintin ou Le lez  Des alliances matrimoniales, les sœurs ou fille de maitre au cabotage se marient également avec des capitaines au commerce de l’ile de Batz. On peut, alors penser qu’il se crée au sein de la société ilienne une caste de capitaine. De nombreux maires de l’île seront issu de ces familles.

 

Les carrières de ces capitaines sont très variées, certains auront de belle carrière, s’enrichissant en prenant des part d’armement  dans les navires qu’ils commandent. D’autre, surtout dans la seconde partie du XIX ème, malgré leur diplôme en poche ne trouveront pas d’embarquement comme capitaine, et demeureront second voir matelot, certain maitre au cabotage deviendront patron de chaland sur la seine ou pratiqueront la petite pêche.

Le contexte du commerce maritime et encore plus du cabotage à considérablement évolué au cours du siècle. Leur diplôme de capitaine ne leur garantissaient ni un travail régulier, ni un enrichissement personnel. 

Bien sur ils commandaient les navires à voile de l’époque, sloup, lougre, goélette, brig au cabotage ou brig et trois-mâts pour le long-cours mais également les premiers steamers comme le Morlaisien affecté à la ligne Morlaix Le Havre pour le capitaine  Moal ou même quelquefois des yachts comme le Vercingétorix commandé par le capitaine Yves Floch.

La goélette Anna, typique des voiliers caboteurs vers 1850,  à l’échouage dans un port Breton.
La goélette Anna, typique des voiliers caboteurs vers 1850, à l’échouage dans un port Breton.

Ils vivaient , au rythme des voyages, avec leur incidents, drames et fortunes de mer.  

L’extrait suivant du journal de bord de 1851 de Nicolas Moal commandant de la goélette Sylphide  de 70 tx, derrière une certaine simplicité nous montre la dureté de leur métier.

Capitaine de commerce en  1840
Capitaine de commerce en 1840

«  je suis parti de Rouen le 29 novembre 1850, avec un chargement de pommes de terre et du fer, en destination de Malte et de Messine.

J’ai entrepris la mer le trois décembre avec beau temps, qui a continué jusqu’au quatre au soir les vents de la partie sud ouest gros, mais ne pouvant tenir debout à la lamme j’ai reviré de bord ou je me suis dessidé de rentrer en rade de Cherbourg, d’où je suis parti le six avec beau temps qui a continué jusqu’au sept au soir. Il est venu gros temps de la partie du sud et du sud-ouest qui a duré pendant quinze jours sans cesse, où le navire a fatigué un peu et faisait un peu d’eau. De là, je n’ai rien eu de remarquable dans ma navigation jusqu’à Malte, que je suis rentré le 10 janvier 1851 à midi. »

 

Fait à bord, le 10 Janvier 1850

N. Moal

 

Vu au consulat de France à Malte


On peut imaginer la petite goélette  de 70tx (longueur de coque estimée de 17 à 18 m), pendant quinze jours de gros temps dans le Golfe de Gasconne en décembre avec un équipage peu important de 4 ou 5 hommes : le capitaine, le maitre d’équipage faisant office de second,  un ou deux matelots et un mousse. Leur soulagement devait être important en arrivant dans des contions plus clémentes de la méditerranée.

 

Dans la seconde moitié du XIXème le nombre de capitaines au commerce à l’ile Batz  diminuera considérablement, et l’ile de Batz ne participera que faiblement aux dernières heures du cabotage à la voile.

Naufrage du brig l’Espérance capitaine Thomas Philippe, dans l’ouest de l’ile Flores aux Açores, le 23 aout 1867.
Naufrage du brig l’Espérance capitaine Thomas Philippe, dans l’ouest de l’ile Flores aux Açores, le 23 aout 1867.

L’équipage du brig a été sauvé par le brig espagnol Esperanza. Cet Ex-voto de  Louis Gamain  a été commandé par le capitaine Philippe pour la chapelle St Anne, il se trouve maintenant dans l’église paroissiale de l’île de Batz.

 

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Liste complète des capitaines de commerce l’île de Batz entre 1815 et 1880
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« les capitaines de commerce de l’ile de Batz au temps de la marine à voile » Christine Chapalain Nougaret 2002
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les capitaines de commerce de l'ile de B
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Autres sources :

 « Le Finistère face à la modernité entre 1850 et 1900 » Hervé Martin et Louis Martin  éditions Apogée.

 

« Corsaires !  Guerre de Coures en Léon 1689-1815» Jean-Pierre Hirrien, édition Skol Vreizh

 

Service Historique de La Marine Vincennes série CC7

 

Service historique de la Marine Brest série CC4

Plan de la petite goélette de pêche à Islande  « Léonie Céline » mesurée en 1866 par l’amiral Paris à Paimpol.
Plan de la petite goélette de pêche à Islande « Léonie Céline » mesurée en 1866 par l’amiral Paris à Paimpol.
Les goélettes de cabotage sont semblables avec le poste avant, la grande cale et le petit poste arrière , la cuisine est dans le tout petit roof.
Les goélettes de cabotage sont semblables avec le poste avant, la grande cale et le petit poste arrière , la cuisine est dans le tout petit roof.

L’ile de Batz, en 1930, vue par Yvonne Jean Haffen

Yvonne Jean Haffen, née en 1895  était la compagne de mathurin Méheut. Sa peinture très vivante montre la vie des gens de mer et des gens de la terre, c’est une approche ethnologique de la Bretagne de l’entre deux guerres. De ses voyage à l'Ile de Batz, avec Mathurin Méheut, elle ramènera de nombreux croquis des anciennes chaumières, des goémoniers au  travail, des processions et de la chapelle St Anne.

 

Sources Base Joconde, Dinan ; maison d'artiste de la Grande Vigne

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr


Avril 1899, une invasion de pieuvres à l’île de Batz

«  L’île de Batz vient d’appeler sur elle l’attention par le singulier phénomène qui s’y est produit vers le milieu du mois d’avril dernier. Une quantité énorme de cadavres de pieuvres a été rejetée sur son littoral nord, ce qui a nécessité des mesures immédiates d’enfouissement pour éviter une épidémie.

Ce phénomène se rattache à l’apparition insolite et à la pullulation des pieuvres dans la Manche, qui a été signalée depuis deux ans par les journaux scientifiques.

La pieuvre des pêcheurs, c’est le poulpe commun (Octopus Vulgaris).

Certains observateurs ont prétendu que cet animal s’était mis tout d’un coup à pulluler. C’est une erreur. Le Progrès de l’invasion des pieuvres a été très sensible : mais , en somme, d’après l’enquête personnelle que nous avons faite, il s’est effectué avec assez de lenteur.

Ainsi, il y a trois ans déjà qu’elles firent leur apparition, en nombre plus considérable que d’ordinaire, sur les côtes de l’Angleterre réchauffées par le Gulf-Stream. Puis, elles se répandirent sur les côtes françaises de la Manche, depuis le mont Saint-Michel jusqu’à la pointe Saint-Mathieu. En 1899, elles doublèrent le cap de la Chèvre et entrèrent dans la baie de Douarnenez. Enfin, cette année, elles paraissent avoir doublé le raz de Sein, car on en a vu dans les environs d’Audierne.

Ces mollusques voraces causent aux pêcheurs des préjudices considérables en dévorant, non seulement les appâts des lignes et des casiers à crustacés, mais aussi les poissons pris dans les lignes et les filets et les homards, langoustes, etc., pris dans les casiers.

M. J. Le Borgne, maire de l’île de Batz, à qui nous avions demandé quelques renseignements à ce sujet, a bien voulu nous adresser les intéressants détails suivants :

«  C’est à peu près à la fin de mars et dans les premiers jours d’avril 1899 que les pieuvres firent leur apparition dans les parages de l’île de batz. Peu après, nos pêcheurs de homards et de langoustes furent obligés de renoncer à leur industrie et rentrèrent leur casiers du large de l’île, tandis que dans le chenal, entre l’île et la côte, on continuait encore à capturer quelques crustacés. Mais là aussi, les pieuvres ne tardèrent pas à tout détruire.

Pour cette bête vorace, tout est bon : aucun habitant des mers n’est épargné par elle. Les pêcheurs à la ligne ont vu celle-ci débarrassée de l’appât garnissant l’hameçon, sans avoir ressenti la moindre secousse. Les pêcheurs du large, qui vont à quatre et cinq lieues tendre des lignes dormantes munies de nombreux hameçons, ont retrouvé leurs lignes débarrassées des appâts et du poisson ; de loin en loin, une pieuvre maladroite s’y était laissé prendre.

Les pêcheurs au filet ne sont pas plus heureux. On cite un pêcheur de Roscoff qui, relevant son filet plein de pieuvres, en avait embarqué une partie. Pendant qu’il continuait à haler son filet à bord, le nombre des pieuvres augmentait toujours dans le bateau, et elles commençaient à enlacer ses jambes et celles de son mousse. Ils durent rejeter filet et pieuvres à la mer, et se débarrasser avec leurs couteaux de celles qui étaient collées à leurs jambes.

Les marsouins paraissent très friands de pieuvres et leur font la chasse, mais malheur à celui qui, ayant mal calculé son élan, ne la tue pas net, car la pieuvre lui coiffe le museau de ses tentacules et ne lâche plus prise. Malgré les bonds désordonnés du marsouin, la pieuvre tient bon et le cétacé se noie, ou bien, affolé et aveuglé, il va donner de la tête contre un rocher et se tue, Dans l’un et l’autre cas, la pieuvre le dévore.

Un filet rempli de pieuvre à bord d'un sloop
Un filet rempli de pieuvre à bord d'un sloop

Les pêcheurs attribuent cette invasion à la chaleur existant sur nos côtes depuis trois ou quatre ans, le défaut d’hiver rigoureux ayant attiré les poulpes des grands fonds. En effet, le froid est préjudiciable à ces mollusques. Les hivers rigoureux en tuent beaucoup, dont les cadavres sont rejetés sur les grèves. C’est par un courant froid que les pêcheurs expliquent la mortalité qui a sévi sur les pieuvres en avril dernier.

C’est à partir du 14 avril, nous écrit M. J. Le Borgne, qu’à la suite d’un fort vent venu du nord-ouest, les cadavres de pieuvres s’échouèrent en telle quantité sur le littoral nord de l’île de Batz, qu’une épidémie était à redouter par suite de la putréfaction de ces corps.

J’ai fait appel au dévouement des habitants, et l’on a enfoncé, dans des trous creusés dans le sable des dunes, plus de 120 charretées de ces cadavres. Ces pieuvres étaient d’une taille énorme : plusieurs avaient des tentacules d’un mètre de long.

Une charette de ce type peut charger au moins une tonne !
Une charette de ce type peut charger au moins une tonne !

M. j. Le Borgne ajoute qu’avant de mourir ces pieuvres ont laissé une ponte qui, grâce au peu de vigueur de l’hiver, est venue à bien.

Les grèves de la Manche vont donc être infestées de nouveau, cette année, par des quantités innombrables de pieuvres, qui vont contribuer d’une façon désastreuse à la destruction du poisson et constituer une gêne redoutable pour l’industrie de nos pêcheurs.

Il serait grandement à désirer que l’on trouvât un remède efficace contre cette invasion néfaste, qui est pour nos pêcheurs de la côte un véritable Fléau.»

 

Cet article a été publié dans le tome 146 de la « Revue Maritime » de 1900 et également dans la revue « Le tour du monde »

 

La mairie de l’île de Batz recevra suite à cet article une proposition d’un mareyeur Grec d’exportation de pieuvres vers la Grèce via le chemin de fer pour Marseille puis par la ligne régulière de vapeurs. La mairie ne pourra y répondre favorablement. Le phénomène étant heureusement que passager.

 

D’autres invasions de pieuvres en Bretagne Nord :

En 1922 1923 une nouvelle invasion de pieuvres ruine la pêche à la langouste du quartier de Roscoff.

En 1950 , les pieuvres dévastent les bancs de coquille St Jacques de la baie de St Brieuc .

Je pense que cette liste n’est pas exhaustive. La pieuvre semble avoir quasiment disparue de nos côtes suite au hivers rigoureux des années 60.

Le costume traditionnel

Quelques cartes postales anciennes de la collection familiale.

Description du costume féminin

Association Bleuniadur bleuniadur.over-blog.com

Photos Sylvie Le Parc

Costume de L’Ile de Batz de petit dimanche 1900- 1914
Costume de L’Ile de Batz de petit dimanche 1900- 1914

Costume de L’Ile de Batz de petit dimanche 1900- 1914

Le costume se compose d’une veste longue primitive, boutonnée sur l’avant, portée sur des chemises de lin en semaine et de toile fine le dimanche, débordant des manches longues de la veste. La jupe est courte, mi-mollet, avec beaucoup de tours, montée en plis plats caractéristiques de cette région. Le bas de la jupe est souvent orné de plis religieux ou de rubans de velours, tons sur tons. La veste et la jupe sont de même couleur. Vers la fin du port du costume, elles étaient presque toujours noires. Entre 1900 et 1914, on y trouvait des violets foncés, des bleus foncés, des bleus dur, du vert foncé, du crème, du bordeaux et du rouge sang.

Sous la jupe, les jupons de lin sont bleus en semaine, rouges et blancs le dimanche.

Un tablier sans devantier, coordonné en tonalité avec le fond et la bordure de la coiffe, généralement en tissus rayé ou imprimé (1900-1914), ou uni noir (Après 1914) complète le costume.

Un petit châle (« Mouchouard ») de soie, de cashmere ou de velours noir bordé de franges ou de dentelle se pose sur les vestes et se ferme au ras du cou.

Une cravate (anciennes cravates d’homme du pays de Saint Pol) ferme le châle sur le devant. Cette cravate (appelée maintenant « jabot ») est faite d’étoffe fine. Dans les dernières années de la mode 1914, elle est en tulle, en dentelle de Calais ou de Valencienne ou en organdi brodé. Elle se fixe par une broche de grande taille généralement très ouvragée.

 

La coiffe s’appelle la Chibilinenn. Elle se rattache, dans ses origines, aux coiffes Supelinenn du Trégor et de Landivisiau. C’est la coiffe d’usage courant. Elle se porte sur un bonnet à trois pans en toile fine. Dans les dernières périodes de port, ce bonnet était en tulle ou en filet.

La coiffe elle-même est le plus souvent blanche ou bis, en soie ou taffetas, le plus souvent en coton ou en serge. Elle est sans dentelles, la seule ornementation étant un biais de couleur ornant le pourtour de la coiffe.

Costume de L’Ile de Batz de grand dimanche 1900 – 1914
Costume de L’Ile de Batz de grand dimanche 1900 – 1914

Costume de L’Ile de Batz de grand dimanche 1900 – 1914

 

 Sur une base composée d’une robe de drap noir et des vestes primitives à manches longue du Haut Léon (Caraco), viennent se greffer :

 En dessous : Trois jupons de couleur (généralement un blanc, un bleu et un rouge au plus près du corps).

 En dessus : 

Un petit châle (« Mouchouard ») autrefois de soie ou d’organdi de couleur ou de tulle blanc, remplacé au tournant du siècle par du drap, du cachemire ou du velours noir. Ce châle est bordé de franges lorsqu’il est brodé, de dentelles lorsqu’il est de velours ou de cachemire non brodé.

Une cravate (anciennes cravates d’homme du pays de Saint-Pol) ferme le châle sur le devant. Cette cravate (appelée maintenant « jabot ») est faite d’étoffe fine. Dans les dernières années de la mode 1914, elle est en tulle brodé. Elle est agrafée par une broche de grande taille généralement très ouvragée.

 

Un tablier de soie damassé, de couleur au XIXe siècle, noir au début du XXe, vient terminer la parure. Ce tablier ne possède pas de devantier, ce qui le singularise par rapport aux modes continentales du Léon. Ce tablier a beaucoup de tour, il ressemble en cela à ceux de la mode de Saint Pol de Léon, ville toute proche.

 

La coiffe s’appelle Chicolodenn, du même nom que celle de Saint Pol de Léon. Elle est en fait l’ancêtre archaïque de la coiffe actuelle de Saint Pol de Léon.

 

Elle se porte sur une coiffure de cheveux ramassés en chignon et ajustée par un « Rujeres ». Sur cette première coiffure vient se positionner un bonnet à trois pans de couleur noire. C’est sur cette deuxième coiffure que vient se poser la dernière coiffe, la plus apparente, qui porte le nom de Chicolodenn.

 

Cette coiffe est faite de tulle et de dentelles de type Calais. Elle est souvent brodée ou ajourée, elle est rarement blanche, on la rencontre le plus souvent de couleur crème. Avant 1900, elle pouvait être faite dans n’importe quel tissu léger. On y retrouve les deux cornes caractéristiques des coiffes du Pays de Saint Pol.